Commode forme tombeau Boulle André-Charles
Commode forme tombeau
Auteur
Dimensions
Provenance
Technique
Matériaux
Datation
Lieu de conservation
Quels liens entre le bureau et la commode ?
Livrées en 1708 et 1709 par l'ébéniste André-Charles Boulle, cette commode et son pendant étaient destinés à la chambre du Roi au Grand Trianon de Versailles. Leur dessin présente une grande originalité : la caisse à deux tiroirs, l'un concave, l'autre convexe, repose sur quatre pieds vrillés s'y ajoutent quatre pieds extérieurs – décrivant une courbe – qui encadrent le meuble. L'ensemble est orné d'éléments de bronze doré, notamment des têtes de femmes ailées soutenant le plateau de marbre et associées à des pattes de lions, constituant des figures de sphinges. Les matériaux mis en œuvre sont précieux : ébène, bronze, marqueterie de laiton et d'écailles de tortues. L'ensemble est couvert pour la première fois d'un plateau de marbre de couleur rouge, dit griotte, au lieu du traditionnel plateau de bois.
Une étape dans l'invention de la commode
L'apparition du meuble que nous appelons aujourd'hui commode se situe à l'extrême fin du XVIIIe siècle. Dérivée du bureau à un rang de tiroirs, la commode s'élabore par tâtonnements successifs, ce dont témoignent l'évolution du vocabulaire : appelée table en bureau puis bureau en commode, elle ne reçut le nom de commode qu'en 1711. Ces commodes de Trianon étaient désignées sous le terme de bureaux dans les comptes des Bâtiments du Roi. En effet, leurs hauts pieds et leur aspect général montrent que la forme du meuble commode n'était pas encore clairement établie.
Leur envoi à la bibliothèque Mazarine après la Révolution leur valut l'appellation ancienne de mazarines.
La marqueterie Boulle
La somptuosité de ces meubles repose en grande partie sur la technique de décor, une marqueterie associant le métal, ici du laiton, et l'écaille. Depuis le XVIIIe siècle, cette technique originaire d'Allemagne porte le nom de Boulle. Même s'il n'en est pas l'inventeur et si d'autres la pratiquent, Boulle la perfectionne au point d'être considéré comme le plus grand ébéniste de son temps : il bénéficie d'une prestigieuse clientèle et se voit attribuer un immense atelier au Louvre.
Cette technique consiste à découper un motif décoratif dans deux plaques superposées, de nature différente et de couleurs contrastées. Après découpage, le motif décoratif est inséré dans le fond de l'autre plaque, et inversement. Le motif clair du métal se détachant sur le fond sombre de l'écaille est appelé première partie, et l'inverse est dénommé contre-partie. Si Boulle associe parfois un meuble en première partie à un pendant en contre-partie, les deux commodes de Trianon sont toutes deux en première partie, ce qui témoigne de leur caractère exceptionnel.
Les ornements de bronze doré
L'une des particularités de ces commodes réside dans l'importance des bronzes, notamment dans les figures de sphinges se détachant en fort relief. Grâce au brevet d'ébéniste, ciseleur, doreur et sculpteur du Roi qu'il obtient en 1672, Boulle exerce la double activité d'ébéniste et de bronzier. Il utilise à foison les bronzes à des fins décoratives, pour consolider ses meubles, en souligner l'architecture et prolonger les motifs de la marqueterie. Comme dans beaucoup de ses réalisations, on observe ici les pieds en pattes de lion surmontés de longues feuilles d'acanthe, les trous de serrure et la main tirante centrale entourés de décors végétaux. Par la suite, les éléments de bronze deviennent les motifs centraux de meubles de Boulle.
Un moment-clé dans l'histoire du goût français
L'usage de l'estampille n'étant pas encore pratiqué à cette époque, aucun meuble de Boulle ne porte sa signature. Grâce à leur mention dans les inventaires, ces deux commodes constituent les deux seuls meubles lui étant attribués avec certitude. Elles illustrent également le tournant pris par l'ébéniste dans sa production au début du XVIIIe siècle : les meubles passent d'une forme fortement architecturée à un jeu de courbes ornementales où les bronzes et la marqueterie s'unissent pour former un style nouveau, annonciateur du XVIIIe siècle.
Stéphanie Elhouti-Cabanne
Permalien : https://panoramadelart.com/analyse/commode-forme-tombeau
Publié le 22/01/2019
Ressources
Texte sur Boulle sur le site du château de Versailles
http://www.chateauversailles.fr/decouvrir/histoire/andre-charles-boulle
Vidéo relayée par Canopé sur les commodes Boulle
Glossaire
Bronze : Alliage de cuivre (au moins 75 %) et le plus souvent d’étain.
Estampille : marque apposée par les menuisiers et les ébénistes sur leurs meubles à partir de 1637, présentant leurs initiales ou leur nom et éventuellement le lieu de fabrication. L'estampille avait pour but de faire respecter le monopole de fabrication, de personnaliser les créations et d'assurer la publicité des fabricants.
Feuilles d'acanthe : motif ornemental inspiré d'une plante méditerranéenne aux feuilles longues et larges, très échancrées et découpées. Présent en architecture dès l'Antiquité greco-romaine (les chapiteaux corinthiens notamment), il est très employé dans les arts décoratifs du XVIe à la fin du XVIIIe siècle.
Marbre : pierre calcaire compacte et dure, appelée "marmaros" ("pierre resplendissante") en grec car sa surface peut être lustrée par polissage. Très utilisé en architecture et en sculpture, le marbre l'est également en ameublement, pour des cheminées ou des dessus de meubles.
Marqueterie Boulle : technique d’ébénisterie qui consiste à assembler des éléments de matériaux divers (essentiellement du bois de différentes essences) en vue de créer un décors.
Sphinge : (ou sphinx) Figure de la mythologie grecque, représentée comme une femme ailée à corps de lionne. À Thèbes, le héros Œdipe fut le seul à résoudre l’énigme qu’elle posait aux passants et elle se tua. Elle est liée au monde des morts et considérée comme une gardienne de la tombe.