Coquelicots Monet Claude

Ce tableau de Claude Monet image principale a été présenté à la première exposition impressionniste de 1874. Il est devenu célèbre et symbolique d’un nouveau style.

La campagne en transformation

Sous le Second Empire, les grands travaux du baron Haussmann ont rénové le centre de Paris, provoqué une hausse des loyers et favorisé les implantations industrielles à la périphérie. La campagne se modifie. Elle est peuplée d’une main-d’œuvre qui va travailler tous les jours à Paris, mais aussi de promeneurs image 1 . Lors de la guerre franco-allemande, Claude Monet se réfugie à Londres. À son retour en décembre 1871, l’artiste loue une maison à Argenteuil, village du Val-d’Oise. Il y peint les loisirs liés à la nature : baignade à la Grenouillère sur l’île de Croissy image 2 , près de Bougival ; voiliers de plaisance près du pont d’Argenteuil, et promenade. La région le captive, avec ses perspectives sur la Seine, ses habitations coquettes et ses étendues de terres cultivées par des maraîchers qui approvisionnent la capitale. Monet y habite plusieurs années avec Camille, qui devint son épouse. C’est elle que l’on voit dans le tableau des Coquelicots (peint en 1873) image principale, en compagnie de leur fils, Jean détail b. On les voit descendant une pente herbeuse, qui est en fait un remblai causé par des travaux urbains. La vision bucolique de ce paysage est donc à nuancer.

Une peinture du temps qui passe

La nature est une des thématiques des peintres impressionnistes. Monet trouve, dans la région qu’il habite, les paysages lumineux qui lui permettent d’explorer les possibilités d’une peinture en plein air. Il profite alors de l’innovation du tube en étain, qui permet d’emporter les couleurs sur place. Il achète aussi des toiles de petit format facilement transportables. Lors de ses promenades, il observe que le paysage qu’il a sous les yeux est changeant. Il va donc essayer de capturer un moment de ce qu’il voit. Dans le ciel bleu, les nuages passent et se transforment, et la lumière est mobile détail c. Les personnages des Coquelicots, Camille Doncieux et son fils Jean, viennent de traverser un talus. On peut supposer que Monet les a peints à deux reprises : en haut, la jeune femme a son ombrelle fermée détail d; dans la descente, le petit garçon a pris le temps de cueillir un bouquet de coquelicots détail b. Pour peindre l’instant, Monet juxtapose des touches de couleur visibles à la surface du tableau. Son travail est rapide, et même si l’on sait aujourd’hui qu’il a terminé son œuvre à l’atelier, l’essentiel est mis en place en plein air. Trois plans colorés se superposent, sans représenter la profondeur. Quelques détails, comme des arbres, une bâtisse, font circuler le regard dans le paysage. L’artiste ne dessine pas et n’utilise pas de clair-obscur, qui nécessite un travail à l’atelier et des couches de peinture superposées. C’est avec la couleur seule qu’il donne le sentiment de l’espace et de la lumière.

Du soleil dans l’œil du spectateur

En peignant en extérieur, Claude Monet et d’autres artistes comme Camille Pissarro se rendent compte que les couleurs sont plus intenses dehors. Pour traduire ce qu’il voit en peinture, le peintre utilise les couleurs du spectre solaire (les couleurs de l’arc-en-ciel) et juxtapose ses touches de pinceau rapidement sur la toile. Le bleu, le vert et le rouge dominent, dans la toile des Coquelicots image principale. Ces couleurs juxtaposées conservent leur intensité lumineuse et viennent sensibiliser les yeux du regardeur. Les coquelicots sur le fond d’herbe verte donnent l’impression de voler au-dessus du champ détail e. En effet, associer les deux couleurs complémentaires vert et rouge produit un effet optique, une sensation visuelle.

À l’époque de Monet, un scientifique français étudie les propriétés des couleurs sur nos yeux. Il s’appelle Michel-Eugène Chevreul (1786-1889) et ses écrits, comme De la loi du contraste simultané des couleurs, influencent d’abord les peintres impressionnistes puis les néo-impressionnistes, comme Georges Seurat. Le principe de contraste simultané est lié à la longueur d’onde lumineuse, différente pour chaque couleur. Le fond de l’œil perçoit ces différences lumineuses, c’est pourquoi le regardeur a la sensation que les couleurs bougent et qu’elles sont éclatantes. En reprenant cette idée, Monet accentue dans l’œil du spectateur la sensation d’un éclat lumineux et d’une dilatation de l’espace. Devant les refus successifs au Salon officiel des artistes comme Monet qui expérimentent une peinture nouvelle, Renoir, Degas, Monet et une vingtaine d’autres artistes décident d’organiser leur propre exposition en 1874, dans les salons du photographe Nadar, boulevard des Capucines à Paris. Les critiques tournent en dérision une œuvre de Monet accrochée à côté des Coquelicots, Impression, soleil levant reprochant au tableau de n’être qu’une ébauche.

L’impressionnisme est né : il ouvre la voie à une peinture inédite dans laquelle les sensations procurées par la nature tiennent plus de place que sa représentation.