Disque Bi
Disque Bi
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Quelle est la fonction d’un disque bi ?
Très prisé pour ses qualités esthétiques et plus encore pour sa symbolique, le jade fut utilisé en Chine dès la Préhistoire pour la fabrication de multiples objets. Daté de l’époque des Han (202 av. J.-C. – 220 apr. J.-C.), ce disque bi image principale reprend et adapte une forme dont certaines cultures néolithiques chinoises offrent déjà des exemples image 1.
Qu’est-ce qu’un disque bi ?
Le terme chinois bi désigne un disque, généralement en jade, percé en son centre d’un trou circulaire de diamètre variable. Le mot fut probablement créé à une date relativement tardive, mais le type d’objet auquel il s’applique était fabriqué en Chine dès le Néolithique. On en trouve ainsi de nombreux exemplaires dans les tombes de la culture de Liangzhu (4300-2400 av. J.-C.). À l’époque, lisse et dépourvu de décor, le bi est associé à un autre objet en jade, le cong (prononcer tsong) image 2, sorte de tube de section carrée dont le canal intérieur est de section circulaire. Vraisemblablement liés à la notion de pouvoir, le bi et le cong devaient également avoir une fonction protectrice, mais leur valeur symbolique a sans nul doute varié et s’est enrichie dans le temps.
Ainsi, les Rites des Zhou, texte compilé sous la dynastie des Han (202 av. J.-C. – 220 apr. J.-C.), précisent que le bi était utilisé lors des sacrifices au ciel et le cong au cours des sacrifices à la terre. De fait, les formes circulaires et carrées étaient, dans la Chine ancienne, associées respectivement au ciel et à la terre. Au fil des siècles, le goût pour les productions du passé conduit les élites à collectionner les jades anciens et à en faire réaliser des copies, dont la forme et le décor sont adaptés à l’esprit du temps. Les disques bi n’échappent pas à cette mode.
Un bi d’époque Han
Ce disque bi est taillé dans un jade vert pâle marqué de veinures et de taches brunes, peut-être dues au contact prolongé avec d’autres matières dans une sépulture. Son décor comporte deux larges zones concentriques séparées par un motif torsadé continu. La zone extérieure présente quatre masques animaux très stylisés détail b, adaptation du masque protecteur de l’art chinois archaïque, combinés à des volutes. Le cercle intérieur porte le décor dit du grain qui germe détail c, un motif régulier de spirales en léger relief.
Élaboré dès l’époque des Zhou de l’Est (770-221 av. J.-C.), ce type de disque bi est fréquent dans les sépultures des Han occidentaux (202 av. J.-C. – 9 apr. J.-C.). Déposé sur le corps du défunt, l’objet était supposé le protéger des esprits malveillants, tandis que les qualités propres au jade garantissaient sa survie dans l’au-delà.
Jades
Le mot chinois yu, que nous traduisons par jade, recouvre plusieurs pierres de structures cristallines différentes et de couleurs très variées. Silicate de calcium et de magnésium très dur, la néphrite est la variété la plus anciennement et la plus fréquemment utilisée. Les cultures néolithiques chinoises la puisèrent d’abord aux abondants gisements locaux qui furent rapidement épuisés. On eut alors recours à la néphrite importée de la région de Khotan, en Asie centrale image 4. On la trouvait dans le lit des rivières, sous forme de galets et de sédiments provenant du démantèlement de gisements primaires. Ailleurs, le jade était extrait de mines. La jadéite provenait de Birmanie et ne fut couramment utilisée en Chine qu’à partir du XVIIIe siècle. Elle se présente sous des couleurs très diverses mais offre souvent cette teinte vert profond généralement associée à cette matière. Une fois poli, le jade présente un aspect brillant et un toucher lisse et doux. Contrairement à d’autres pierres, comme le diamant, le jade ne peut être taillé en facettes.
Un travail long et complexe
Plus dur que la plupart des métaux, le jade doit être travaillé par abrasion. L’effet de la friction est augmenté par un sable abrasif à base de quartz ou de grenat interposé entre l’outil et la pierre. Les artisans chinois anciens utilisaient des scies, des meules d’émeri, des forets, des scies à archet, outils manœuvrés à la main, parfois à l’aide d’un pédalier. Le bloc de jade brut était d’abord ouvert, puis découpé en morceaux de tailles déterminées, que l’on triait en fonction de leur qualité. Certains textes évoquant le travail du jade nous apprennent que le décor à réaliser était dessiné sur la pierre au jus de grenade. La pièce était ensuite progressivement mise en forme avant l’exécution du décor.
Le motif dit du grain qui germe, présent sur le disque bi du musée Guimet, était ainsi préparé en traçant des lignes entrecroisées générant un réseau d’hexagones. Ces derniers étaient ensuite affinés pour donner leur forme aux grains.
Un symbolisme très riche
Apparemment associé au pouvoir dès la Préhistoire, le jade est d’abord utilisé, à en juger par les objets découverts sur des sites funéraires d’époque néolithique, dans la parure personnelle. Il sert également à date ancienne pour la fabrication d’armes rituelles. Les croyances funéraires lui accordent très tôt un pouvoir protecteur, ce dont témoignent les multiples amulettes en jade déposées dans les tombes durant de longs siècles. Le jade est supposé assurer la préservation physique du corps et, par là même, garantir la survie du défunt dans l’au-delà. La pratique culmine avec les linceuls de jade de l’époque des Han image 3.
Les milieux taoïstes font du jade la pierre d’immortalité par excellence. Suivant la pensée de Confucius, il représente les multiples vertus qui caractérisent l’homme de qualité : bonté, prudence, sens de la justice, urbanité.
Splendeurs des Han, essor de l'empire Céleste, présentation d'Éric Lefebvre, commissaire de l'exposition, une vidéo du Musée Guimet
Ressources
Le jade : histoire culturelle d’une pierre mystérieuse, Société des Amis du musée Cernuschi
https://amis-musee-cernuschi.org/le-jade-histoire-culturelle-dune-pierre-mysterieuse/
La notice d’un disque "bi", Asian Art Museum de San Francisco
http://asianart.emuseum.com/view/objects/asitem/items$0040:6285
L'exposition "Splendeurs des Hans" au musée Guimet
Glossaire
Jade : Ce terme générique désigne plusieurs variétés de pierres dures de structures cristallines différentes : néphrite, bowénite, jadéite… La culture chinoise attribue au jade de multiples vertus et significations symboliques qui justifient son usage abondant, notamment dans un contexte funéraire.
Confucianisme : Ce courant philosophique qui a fortement marqué l’ensemble de l’Asie orientale se rattache au penseur Kong Fuzi (551?-479), dont le nom fut latinisé en Confucius. Il ne laissa aucun écrit ; ses célèbres Entretiens ont été compilés par ses disciples. Il prône une éthique de la modération, centrée sur l’homme qui doit chercher à s’améliorer par l’étude, visant à l’harmonie de la société et fuyant les extrêmes.
Taoïsme : Courant philosophique aux multiples facettes, puissamment enraciné dans la culture de la Chine antique. Le taoïsme est également étroitement lié aux cultes populaires. Il est associé à la figure mythique de Lao Zi, sage supposé avoir vécu au VIe siècle av. J.-C. Le taoïsme se donne pour tâche de mettre l’homme en harmonie avec l’univers et accorde une grande place à la quête de l’immortalité.