Écritoire et fauteuil Van de Velde Henry

Écritoire et fauteuil

Dimensions

Écritoire : H. : 128 cm ; L. : 268 cm ; Pr. : 122 cm - Fauteuil : H. : 72 cm ; L. : 61 cm ; Pr. : 50 cm

Provenance

Lieu de création : Belgique, Bruxelles

Technique

Ébénisterie

Matériaux

Chêne (bois), Cuivre, Cuir

Datation

1898-1899

Lieu de conservation

France, Paris, musée d’Orsay

L’esthétique d’un meuble peut-elle être compatible avec sa fonctionnalité ?

Le Belge Henry Van de Velde, peintre de formation, abandonne la peinture en 1893, après dix ans de pratique, car il la juge trop élitiste. Il se tourne alors vers l'architecture et les arts appliqués, plus adaptés à son désir de mettre sa créativité au service du plus grand nombre. Influencé par les théories du Britannique William Morris, Van de Velde pense que la beauté d'un décor architectural et mobilier contribue à l'amélioration morale et matérielle de l'humanité. Il se voue alors à un art pour tous, ne méprisant aucune forme de création, de la plus luxueuse à la plus modeste. Devenu architecte, il continue à dessiner des modèles de terrine en argent martelé image 1, des affiches publicitaires pour des pastilles médicinales ou encore des modèles textiles, notamment des vêtements, en collaboration avec sa femme.

La quête d'un art total

Artiste majeur de l'Art nouveau, Van de Velde est favorable à l'idée de l'unité stylistique, opposée à l'éclectisme alors en vogue : pour lui, l'ensemble d'un décor doit être conçu par un seul créateur. Il dessine ainsi, à quatre reprises, sa propre maison, du plan jusqu'au mobilier. En 1902, il construit à Chemnitz la villa Esche dont il imagine également l'ensemble du décor intérieur, jusqu'aux tissus d'ameublement. Il est exceptionnel de se voir confier une commande de cette ampleur.

Conçue quelques années plus tôt, cette table de travail, appelée écritoire par son auteur, est un bon exemple de la recherche d'harmonie de Van de Velde.

Tout en un

L'architecte a imaginé ce bureau comme un ensemble parfaitement fonctionnel. Tout est prévu : deux lampes électriques, système d'éclairage très novateur en 1899, sont intégrées et fixées au plateau image b, creusé pour recevoir un sous-main en cuir et accueillir crayons et stylos. Un ornement en bronze doré empêche les objets de tomber de l'autre côté du bureau. Au-delà de sa vocation esthétique, le décor a ainsi une fonction pratique.

Une ligne élégante et fonctionnelle

Le meuble doit son caractère exceptionnel à sa forme légèrement incurvée, ou en « rognon ». Outre son élégance, aspect fondamental pour Van de Velde, cette ligne a été choisie pour son ergonomie : en effet, malgré sa longueur, le bureau enveloppe l'utilisateur, qui peut ainsi saisir assez facilement des dossiers posés aux extrémités du plateau. Cette ligne permet également d'amoindrir l'impression de barrière pour le visiteur. Le petit obstacle formé par le décor de bronze doré rappelle néanmoins la place de chacun devant et derrière le meuble, tout en créant un lien visuel et esthétique entre les lampes.

Cette ligne courbe modèle tous les éléments du bureau, de sa forme générale à ses détails, comme les poignées des tiroirs image c. Ainsi que l'explique l'architecte dans ses écrits, elle est investie d'une valeur non seulement pratique, mais également esthétique et psychologique.

La limite d'un art social

Sur les quatre exemplaires réalisés, trois nous sont parvenus : deux en chêne (conservés à Paris et à Nuremberg) et un en noyer (conservé à Darmstadt). Le dernier, plus exotique car réalisé en bois de padouk, a été détruit pendant la Seconde Guerre mondiale.

Avec son plateau de plus de 260 centimètres de long, ce bureau ne peut être installé que dans une pièce vaste. L'exemplaire de Darmstadt a ainsi meublé la salle de rédaction de La Revue blanche à Paris, tandis que celui de Nuremberg a été commandé par un éditeur berlinois. Celui de Paris a quant à lui été exposé à la Sécession munichoise en 1899. Leurs propriétaires appartiennent donc à la grande bourgeoisie éclairée, favorable aux mouvements avant-gardistes.

L'attachement à la qualité artisanale

La complexité des lignes courbes du bureau suppose l'intervention d'artisans d'art virtuoses, menuisiers ou bronziers. En effet, en 1899, seuls ces derniers ont pu en réaliser les pièces courbes, car aucune machine ne pouvait alors les produire. L'important travail manuel que demande un tel meuble augmente considérablement son coût de fabrication et empêche toute production à grande échelle.

Des créateurs pour embellir le quotidien

Travaillant beaucoup en Allemagne, où il diffuse le mouvement de l'Art nouveau, Van de Velde fonde en 1901 l'Institut des arts décoratifs et industriels de Weimar, qui deviendra en 1919, avec son successeur Walter Gropius, l'école avant-gardiste du Bauhaus.

Isabelle Bonithon

Permalien : https://panoramadelart.com/analyse/ecritoire-et-fauteuil

Publié le 09/08/2016

Ressources

Commentaires de deux autres meubles de Henry Van de Velde datant de la même période sur le site du musée d’Orsay

http://www.musee-orsay.fr/fr/collections/oeuvres-commentees/arts-decoratifs.html

Dossier pédagogique consacré à Henry Van de Velde sur le site du musée du Cinquantenaire de Bruxelles

http://www.kmkg-mrah.be/sites/default/files/files/vdv_edu_fr_20_corr.pdf

Site consacré à l’Art nouveau en Belgique, contenant des articles et des photographies sur tous les créateurs de ce mouvement

http://www.bruxelles-art-nouveau.be/frhome.htm

Site polonais en français consacré au sanatorium de Trzebiechów réalisé par Henry Van de Velde (biographie, photos et liens internet)

http://www.henryvandevelde.pl/fr/html/text_lievendaenens.php

Une définition du Bauhaus sur le site du Grand Palais

http://www.grandpalais.fr/fr/article/le-bauhaus

Glossaire

Art nouveau : Style qui se développe dès la fin du XIXe siècle, d'abord en Belgique et en France. Il s’épanouit dans l’architecture et dans les arts décoratifs. La recherche de fonctionnalité est une des préoccupations de ses architectes et designers. L’Art nouveau se caractérise par des formes inspirées de la nature, où la courbe domine.

Éditeur : Une estampe est toujours un travail d’équipe. L’éditeur d’estampes en est le diffuseur et souvent le commanditaire. Responsable de l’impression, il choisit le dessinateur, le ou les graveurs sur bois, l’imprimeur, le papier… Il est à l’origine des progrès techniques comme de l’élargissement des applications et des sujets de l’estampe. Certains éditeurs comme Eijudo ou Tsutaya Juzaburo (1750-1797) furent célèbres en leur temps.   

La Revue blanche : Revue d’avant-garde artistique et littéraire fondée en 1889 par les frères Natanson.  Elle promeut  notamment l’art des Nabis (Vuillard, Bonnard…) et l’Art nouveau.