Épée du sacre des rois de France

Épée du sacre des rois de France

Meurtre et ensevelissement de Thomas Becket

Auteur

Dimensions

H. : 100,5 cm ; L. : 22,6 cm ; Pds : 1150 g

Provenance

Lieu de création : Île-de-France

Technique

Orfèvrerie, Filigrane

Matériaux

Or (métal), Acier, Lapis-lazuli

Datation

Quillon : 800-1000 et XIIe siècle - Pommeau : 1000-1100 - Fusée : période gothique (?)

Lieu de conservation

France, Paris, musée du Louvre

Pourquoi cette épée est-elle aussi importante ?

L’épée de Charlemagne image principale est nommée Joyeuse dans la Chanson de Roland. Cette épée représente à elle seule plusieurs aspects importants des mentalités médiévales. Elle est d’abord un instrument du sacre et un emblème fort de la royauté française. Cet objet prestigieux aurait appartenu à Charlemagne image 1, souverain qui reste un modèle pour ses successeurs jusqu’au XIXe siècle.

Joyeuse au fil du temps

L’épée de Charlemagne a été travaillée du Xe au XIXe siècle. Les entrelacs du pommeau image b sont similaires à des objets scandinaves des Xe et XIe siècles image 2. Les animaux merveilleux du quillon image c sont typiques du XIIe siècle image 3. Les losanges de la fusée image d datent du XIIIe ou XIVe siècle. La lame a été forgée au Moyen Âge, mais à une période indéterminée. Quant au fourreau image e, si la plaque ornée de gemmes image f a été réalisée au XIIIe siècle, le velours brodé a été refait en 1825. Charlemagne ayant été couronné empereur en l’an 800 image 4, la partie la plus ancienne de Joyeuse lui est donc postérieure. L’épée a été fabriquée après sa mort. Cette incohérence chronologique n’est pas connue des rois et aurait de toute façon peu importé. L’essentiel est le symbole qu’elle véhicule ; aux yeux de tous, Joyeuse incarne Charlemagne. Le roi qui la possède légitime sa position car il se place dans la lignée de l’empereur, modèle prestigieux des origines de la royauté française.

Une épée personnifiée

Joyeuse image principale, Durandal (épée de Roland) image 5 … qu’elles soient la propriété d’un personnage historique ou d’un héros de légende, les épées prestigieuses portent des noms. Cette personnification leur confère un caractère mythique, parfois surnaturel. Elles sont des actrices à part entière du destin de leur chevalier, duquel elles sont indissociables. Ainsi, Charlemagne est représenté avec son inséparable épée Joyeuse jusque dans l’art populaire  de la fin du XIXe et du début du XXe siècle. Cette personnification d’un objet est une pratique courante au Moyen Âge. Les outils de la vie quotidienne sont nommés et bénis par un prêtre avant leur première utilisation, comme la cloche d’une église, le marteau d’un forgeron… ou l’épée d’un chevalier.

Une épée sacrée

Joyeuse appartient aux regalia, c’est-à-dire les insignes du sacre des rois. Elle est ainsi l’un des emblèmes de la royauté française. Le sacre est un souvenir du baptême de Clovis qui a eu lieu dans la cathédrale de Reims. Le futur souverain y reçoit l’onction qui fait de lui le représentant de Dieu sur terre. Au cours de la cérémonie, lui sont remis les insignes de la chevalerie, comme les éperons image 6. Peut-être utilisée dès 1179 pour le sacre de Philippe-Auguste, Joyeuse est attestée à partir de celui de Philippe III le Hardi en 1271. Épée dynastique associée à Charlemagne, garante de la tradition de la royauté, elle est présente à toutes les cérémonies suivantes jusqu’à la dernière, celle de Charles X en 1825 image 7. Conservée avec les autres regalia dans la basilique de Saint-Denis image 8, elle survit à la Révolution française et est transférée au Louvre en 1793.

Histoire et formes de l’épée

Les premières épées sont fabriquées pendant l’Âge du bronze, au IIIe millénaire av. J.-C. Elles s’améliorent considérablement avec la métallurgie du fer, devenant à la fois résistantes et flexibles. À partir de l’époque gauloise, les lames sont forgées avec du fer, malléable mais peu résistant, et de l’acier, c’est-à-dire du fer riche en carbone qui en augmente la dureté tout en le rendant plus cassant.

Il existe de nombreux types d’épées. La lame peut mesurer de 40 cm pour une épée courte, comme un glaive, jusqu’à environ 150 cm pour une épée à deux mains. La moyenne pour une épée médiévale à une main est d’environ 70 cm. Elle est à deux tranchants, contrairement au sabre qui n’en possède qu’un. La gouttière en creux traverse la longueur de la lame et permet de l’alléger. La frappe avec un tranchant de la lame est dite de taille, tandis que l’estoc est porté avec la pointe afin de transpercer. La soie est l’élément de la lame à l’opposé de la pointe, qui vient s’encastrer dans la poignée. La poignée image principale est l’autre partie principale de l’épée, constituée de la garde, de la fusée et du pommeau. La garde fait la jonction entre lame et poignée. Si ses « bras » sont allongés, ils sont appelés quillons image c. La main tient l’épée par la fusée image d. Enfin, le pommeau image b est l’extrémité de la poignée qui contrebalance le poids de la lame afin de lui garantir un équilibre efficace. L’épée utilisée sur le champ de bataille doit être légère et maniable quand elle est tenue à bout de bras. Ainsi, une épée à une main pèse entre 1 et 1,5 kg, et une à deux mains environ 2 kg.

Un emblème du Moyen Âge

L’épée est l’un des objets incontournables du Moyen Âge. Elle est l’une des armes de prédilection de la chevalerie, particulièrement magnifiée dans les chansons de geste et la littérature courtoise. Son maniement fait partie de l’éducation du jeune noble image 9 et elle est utilisée pour la guerre, la chasse, les loisirs comme le tournoi. Allégorique, elle est associée à certaines vertus et à la parole de Dieu. Elle est l’attribut de saints chrétiens, martyrs comme saint Paul, ou soldats comme saint Martin. Elle est l’image et l’instrument de la justice et de l’autorité, aussi bien laïque que religieuse. C’est une épée que le pape offre à un roi, un prince ou un duc afin de l’honorer à l’occasion de Noël. Ambivalente, elle est un symbole de courage, de merveilleux mais aussi de violence, par exemple pour assassiner Thomas Becket image 10.

L’épée raconte une partie du quotidien et de l’imaginaire des femmes et des hommes du Moyen Âge. Elle est encore aujourd’hui un symbole immédiat de cette période. Joyeuse en est l’une des plus fameuses.

Le combat en armure, une vidéo du musée de Cluny

Anne-Lise Blanchet

Permalien : https://panoramadelart.com/analyse/epee-du-sacre-des-rois-de-france

Publié le 02/02/2023

Ressources

La cérémonie du sacre des rois de France sur le site de la BnF

http://expositions.bnf.fr/fouquet/grosplan/sacre/sacre.htm

Exposition sur l’épée au Moyen-Age, musée de Cluny, dossier enseignants

https://www.rmngp.fr/IMG/pdf/Dossier_enseignants_Epee.pdf

La notice d’un "Traité de combat" sur le site du musée de Cluny

https://www.musee-moyenage.fr/collection/oeuvre/traite-de-combat.html

"Ordo du sacre de 1250", illustration médiévale du sacre sur le site de la BnF

http://classes.bnf.fr/livre/grand/324.htm

Techniques de forge et typologies des épées médiévales

https://www.medieval-boutik.com/Technique-de-fabrication-des-epees-medievales-ccqaaaaaa.asp

La notice de l'oeuvre sur le site du musée du Louvre

https://collections.louvre.fr/ark:/53355/cl010113394

Glossaire

Âge du bronze : Lorsque, à des dates variables selon l’aire géographique, les sociétés préhistoriques en viennent à maîtriser la métallurgie, s’ouvre pour elles l’âge des métaux, lui-même subdivisé en périodes qui correspondent chacune à une étape importante dans la fabrication du métal : d’abord le cuivre, puis le bronze et le fer. La deuxième d’entre elles, l’âge du bronze, commence au plus tôt vers 3300 av. J.-C. au Proche-Orient.

Vertus théologales : Dans la religion catholique, les vertus théologales définissent les qualités nécessaires aux hommes pour établir un lien avec Dieu. Elles sont au nombre de trois : la Foi, l’Espérance et la Charité.

Gemme : Pierre dure, considérée comme précieuse.

Regalia : Ensemble des instruments emblématiques d’une monarchie, servant lors de la cérémonie du sacre (instruments liturgiques, vêtements, insignes…). La couronne, le sceptre et la main de justice, insignes du pouvoir par excellence, en sont les principaux