Fleurs dans une coupe en verre, coquillages, papillons et sauterelle Balthasar van der Ast
Fleurs dans une coupe en verre, coquillages, papillons et sauterelle
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Pourquoi peindre des fleurs ?
L’artiste néerlandais Balthasar Van der Ast est un spécialiste de la nature morte. Après avoir représenté de larges corbeilles remplies de fleurs et de fruits sur un arrière-plan très sombre image 1, il emprunte à ses confrères le motif vertical du bouquet floral. Une observation attentive de cette œuvre révèle toutefois des détails qui permettent d’y voir plus qu’un simple assemblage de fleurs.
Des fleurs bien reconnaissables
Ce tableau image principale, montre un magnifique bouquet printanier. Au centre, des primevères jaune pâle côtoient des pâquerettes pomponnettes, une blanche et une rose vers la gauche, et un iris d’Allemagne bleu à droite. De ce groupe compact partent les longues tiges de giroflées jaunes et de lilas blanc (à gauche). Quelques jacinthes des bois, aux petites fleurs en forme d’entonnoir, apportent des touches d’un bleu profond.
Cet ensemble est complété par des fleurs plus grosses image b : deux tulipes panachées, à gauche une rouge et blanc, une variété appelée Rosen, et à droite une rouge et jaune, dite Bizarden. On peut observer également une fritillaire à damier, fleur proche de la tulipe, appelée aussi « œuf de pintade », car le motif pourpre et blanchâtre qui couvre sa corolle en forme de cloche pendante évoque le plumage de ce volatile. Un narcisse blanc surmonte le tout.
Des insectes et des coquillages
À côté de lui vole un papillon ocre jaune à stries brunes et points clairs, peut-être une Mégère. Un peu plus bas, à droite, se trouve un Vulcain, papillon aux ailes presque noires sur lesquelles se détachent un motif arrondi orange et de petites taches blanches. D’autres insectes se sont posés sur les fleurs, notamment une libellule sous le narcisse. Les vases pour fleurs coupées étant rares à l’époque de ce tableau, le bouquet est présenté dans un « römer » image c, ce verre à vin bosselé et de couleur sombre, très répandu aux Pays-Bas dès le XVIIe siècle, semble avoir été fréquemment utilisé pour contenir un bouquet image 3.
La tablette en pierre sur laquelle il est posé présente six coquillages tropicaux alignés, provenant des mers d’Afrique, des Indes ou des Caraïbes. Ainsi peut-on reconnaître, de gauche à droite : un Cittarium pica, un Hexaplex, un Conus marmoreus ; puis (après une sauterelle) un Melongena, un Chicoreus brunneus et un Conus capitaneus.
Une composition savante
Le thème du bouquet dans un vase impose au peintre une composition verticale. Dans ce tableau, le bouquet est léger, aéré, étirant ses tiges dans toutes les directions. La peinture de fleurs permet aussi à l’artiste de s’exercer aux harmonies colorées. Répartissant subtilement les coloris, il joue avec les teintes très claires qu’il réserve au centre de la composition, pour certaines fleurs (notamment le délicat narcisse du sommet) et pour le Conus marmoreus. Van der Ast découpe les silhouettes foncées des feuilles et de l’élégant römer sur un fond brun grisé. Les coquillages, minutieusement décrits, assurent la transition entre le tout premier plan et le bouquet. Les ombres portées contribuent également à donner une impression de profondeur, de même que l’assombrissement progressif du mur vers la gauche.
Un sujet à portée morale
Ce tableau illustre la vogue des fleurs exotiques dans les Pays-Bas au XVIIe siècle. Ce pays en importe dès le milieu du siècle précédent, grâce à l’essor du commerce maritime avec l’Orient. Ces variétés, souvent plus grandes et aux teintes plus vives que celles poussant jusque-là en Occident, enthousiasment les horticulteurs et les botanistes, qui les représentent dans les herbiers et les livres scientifiques de l’époque. Les Néerlandais les plus riches les achètent à des prix très élevés. L’engouement est tel qu’il suscite des spéculations exagérées, notamment sur les oignons de tulipe, fleur arrivée de Turquie vers 1560 image 2. À défaut de pouvoir acquérir ces fleurs excessivement chères et vite fanées, une clientèle fortunée commande des peintures les représentant. Le bouquet floral devient un thème pictural très recherché, dès le début du XVIIe siècle. La rareté des fleurs représentées incite souvent l’artiste à les accompagner de coquillages exotiques, eux aussi très convoités. Ceux-ci figurent fréquemment dans les cabinets de curiosités de l’époque.
Cependant, cet étalage de luxe est généralement combattu par un message moral prenant la forme d’insectes attirés par les fleurs image 3 et image 4. En rongeant celles-ci, ils rappellent la fugacité de leur beauté et, plus généralement, le caractère temporaire de toute vie, évoqué dans un verset biblique : « Semblable à la fleur, l’homme s’épanouit et se fane, il s’efface comme une ombre » (Livre de Job).
De plus, les papillons, souvent représentés, sont, depuis l’Antiquité, un symbole de l’âme échappée du corps. Les coquillages évoquent eux aussi la mort puisqu’ils abritaient autrefois un animal. Ainsi, ces peintures florales rejoignent les vanités, tableaux incitant à la réflexion sur l’existence humaine.
Mais dans ce chef-d’œuvre de la peinture florale, le message religieux s’efface derrière un souci esthétique évident. Sa composition raffinée ouvre la voie aux tableaux de fleurs plutôt décoratifs qui se multiplieront par la suite dans les Pays-Bas, avec des peintres comme Jan Davidsz de Heem (1606-1684) image 5 ou Jan Van Huysum (1682-1749) image 6.
Sylvie Cuni-Gramont
Permalien : https://panoramadelart.com/analyse/fleurs-dans-une-coupe-en-verre-coquillages-papillons-et-sauterelle
Publié le 30/06/2025
Ressources
La page Wikipédia consacrée à Balthasar Van der Ast
La notice du palais des Beaux-Arts de Lille concernant un autre tableau de Van der Ast : Fruits, coquillages et insectes (1623)
La notice de l’œuvre sur le site du Louvre
La notice consacrée à Balthasar Van der Ast dans le Dictionnaire de la peinture de Larousse
https://www.larousse.fr/encyclopedie/peinture/Balthasar_Van_der_Ast/150917
Un diaporama d’œuvres de l’artiste
Glossaire
Cabinet de curiosités : Petite pièce conservant une collection d’objets rares ou précieux qu’on appelle aussi Cabinet d’art. Il se répand au XVIe siècle de Copenhague à Naples, de Lisbonne à Saint-Pétersbourg dans les cours princières, impériales et même dans la noblesse et la bourgeoisie. Le Cabinet de curiosités représente leur pouvoir et leur influence. Il est constitué d’éléments qui permettent d’appréhender le savoir, comme les œuvres d’art (artificialia), les instruments et livres scientifiques (scientifica), les productions rares de la nature (naturalia) et les objets d’origine extra-européenne (ethnografica).
Vanité : Type d’œuvre favorisant la méditation sur la mort et le caractère éphémère des plaisirs sensuels. Parmi les objets symboliques le plus fréquemment représentés figurent le crâne, le sablier, la flamme …