Gardien de tombe zhenmushou

Gardien de tombe zhenmushou

Auteur

Dimensions

H. 98 cm ; L. 265 cm

Provenance

Lieu de découverte : Chine, Hubei, Royaume de Chu

Technique

Sculpture, Laque

Matériaux

Bois de cerf

Datation

Période des Royaumes combattants (481-221 av. J.-C.) - Royaume de Chu (Ve-IVe siècle av. J.-C.)

Lieu de conservation

France, Paris, musée Guimet, musée national des Arts asiatiques (MNAAG)

Comment ces deux monstres protégeaient-ils l’âme du défunt dans la Chine ancienne ?

Conçues pour être placées dans les tombes au niveau du cercueil, ces sculptures en bois laqué image principale appartiennent au royaume de Chu et datent des Royaumes combattants (481-221 av. J.-C.). Elles représentent des monstres protecteurs de l’âme des défunts, connus depuis le début du XXe siècle sous le nom de zhenmushou (« animal protégeant les tombes »).

Des êtres hybrides

Il s’agit ici d’un double zhenmushou image principale : il se présente sous la forme de deux têtes de monstres de forme cubique détail b. Leurs sourcils en volute surmontent des yeux globuleux, un large museau et une longue langue pendante. Adossés l’un à l’autre et opposés, ces monstres doubles sont couronnés de véritables andouillers (bois) de cerf détail c. Les deux corps simplifiés à l’extrême se courbent en forme de S détail d, pour se réunir au niveau d’une bague centrale, fichée sur un grand socle de section carrée. Sur celui-ci, des motifs géométriques en relief évoquent un entrelacs de serpents détail e.

La technique est celle de la sculpture sur bois, à laquelle on ajoute des andouillers naturels ; l’ensemble a été recouvert de couches de laque dans une bichromie de noir et de rouge, avec peut-être des rehauts de blanc effacés par le temps. On peut toutefois encore distinguer çà et là des motifs d’enroulements peints sur les andouillers, les extrémités de ceux-ci étant également colorées détail c. Des motifs de spirales, de nuages en virgule, d’oiseaux et de dragons stylisés étaient peints également sur les corps des zhenmushou. Ils s’apparentent à ceux que l’on trouve sur d’autres grandes sculptures des tombes de Chu : des oiseaux juchés sur des tigres, munis ou non d’andouillers, et qui pouvaient servir de support de tambour image 1 pour accompagner le mort dans l’au-delà au son d’une musique rituelle.

Histoire des Royaumes combattants

Ces objets sont caractéristiques de la période de la dynastie des Zhou orientaux (770-221 av. J.-C.), et plus particulièrement celle de la division des Royaumes combattants, entre le milieu du Ve siècle av. J.-C. et le début du IIIe siècle av. J.-C. En 221 av. J.-C., ces royaumes seront absorbés par le royaume de Qin, qui fonde le premier empire chinois.

La Chine des Royaumes combattants est divisée en sept royaumes qui se livrent une guerre permanente, chacun rivalisant de luxe avec son voisin. L’une de ces sept entités est le grand royaume de Chu, situé au centre-sud image 3. Les nombreuses tombes de l’aristocratie de Chu reflètent le luxe et l’apparat de ce royaume.

Une tombe pour protéger l’âme

Les traditions funéraires de l’âge du bronze s’y perpétuent, avec la réalisation de tombes structurées comme de vastes coffres à compartiments en madriers. Au centre se situe le cercueil, les coffres autour servant à déposer le mobilier funéraire (vases à aliments, objets du quotidien, fiches en bambou portant des écritures…). Les zhenmushou se situent à la tête du cercueil, tournés vers le défunt. Ce dernier appartient tantôt à l’aristocratie de Chu, tantôt à la catégorie des fonctionnaires du royaume. Les zhenmushou ont pour mission d’empêcher les mauvais esprits de détruire l’âme du mort.

On considère dans la Chine ancienne qu’il y a deux types d’âme : si les âmes hun, légères, montent vers le monde céleste, les âmes po, lourdes, restent au sol, et il faut empêcher les démons de les détruire. Ces derniers, dans le royaume de Chu, prennent souvent la forme de serpents, prêts à venir se nourrir du cadavre et à faire disparaître les âmes po. Leurs formes sont peut-être évoquées par les entrelacs situés sur le socle. Les zhenmushou, par leur pouvoir surnaturel, dominent les forces mauvaises et les empêchent de s’introduire dans la tombe en les dévorant.

Probablement issus du chamanisme ancien, ces êtres hybrides restent caractéristiques du royaume de Chu. Ils font partie du groupe des gardiens de tombe, que l’on retrouve au fil des siècles, d’abord en bois laqué puis en terre cuite polychrome image 2. Leur présence protectrice dans la tombe se perpétue jusqu’à la fin de la dynastie Tang (618-907).

Mots-clés

Vinca Baptiste

Permalien : https://panoramadelart.com/analyse/gardien-de-tombe-zhenmushou

Publié le 05/09/2024

Ressources

Une pièce de comparaison au musée Cernuschi La notice d’une pièce de comparaison conservée au musée Cernuschi

https://www.cernuschi.paris.fr/fr/gardien-de-tombe-zhen-mu-shou

La notice d’une bête gardienne du tombeau, "zhenmushou" conservé au musée Cernuschi

https://www.cernuschi.paris.fr/fr/collections/collections-chinoises/epoque-des-six-dynasties/bete-gardienne-du-tombeau-zhenmushou-zhen

Un article d’Alain Thote sur les "zhenmushou"

https://www.persee.fr/doc/arasi_0004-3958_2006_num_61_1_1639

Un article (en anglais) sur Leigudun, site d’une tombe célèbre des Royaumes combattants

https://smarthistory.org/tomb-of-marquis-yi-of-zeng-ambition/