Karomama
Karomama
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Lieu de conservation
Qui est cette jeune femme importante qui a vécu en Égypte vers 850 av. J.-C. ?
Cette précieuse statuette de bronze incrustée d’or, d’argent et d’électrum représente Karomama, divine adoratrice d’Amon image principale. Elle a été acquise en 1829 par Jean-François Champollion. Témoin d’une période troublée, cette statuette reste néanmoins un symbole du savoir-faire des artisans égyptiens.
Une sculpture aux proportions parfaites
La sculpture image principale représente une jeune femme debout, pieds nus, en attitude de marche, une posture solennelle caractéristique des divines adoratrices image principale image 1. Elle est vêtue d’une longue robe plissée s’arrêtant aux chevilles et décorée de deux ailes de vautour, ou de faucon, qui lui enserrent les jambes détail b. Sa perruque arrondie et bouclée est munie d’un uræus ou cobra dressé, et surmontée d’un modius, une base sur laquelle était fixée la couronne détail c. Celle-ci devait être ornée d’un disque solaire et de plumes d’autruche image 2. Son visage est délicat, avec des yeux en amande, un nez droit et une bouche souriante détail c. Son buste est couvert d’un collier ousekh image 3 aux riches motifs : spirales, fleurettes, rosaces et lotus, disposés en huit rangs détail d. L’imposant contrepoids du collier appuyé sur son dos présente un cartouche mentionnant « Karomama, aimée de Mout » détail e. Ses bras sont à demi pliés et ses poings serrés détail d devaient tenir deux sistres image 4 aujourd’hui disparus.
Orfèvrerie et damasquinage
La sculpture de Karomama est un des rares grands bronzes conservés de cette époque. Elle témoigne de l’habileté des orfèvres, dotés d’un véritable sens artistique et d’un grand savoir-faire. La technique du bronze à la cire perdue, mise en œuvre pour sa fabrication, est un procédé connu depuis le IIIe millénaire avant notre ère. Le modèle en cire, sculpté en creux ou moulé sur un modèle plein (en argile, par exemple), est recouvert d’une chape de terre réfractaire ; le métal en fusion est ensuite diffusé à l’intérieur à partir d’un canal de coulée, et remplace la cire, qui est ainsi « perdue ». Les différentes parties de la statue sont ensuite assemblées et fixées par des tenons. On note également un travail de damasquinage très précis d’or, d’argent et d’électrum, soulignant les détails de la statue par des effets de couleur en partie disparus. Il subsiste néanmoins une partie de ce décor d’incrustation dans le collier et dans le plumage de la robe, après restauration.
Karomama dans son époque
Durant la période que l’on nomme la Troisième période intermédiaire (v. 1080 – v. 650 avant notre ère), l’Égypte vit une époque mouvementée, entre instabilité politique et invasions étrangères. Après la chute de la dynastie des Ramsès en 1085 av. J.-C., le pays est divisé en deux entités politiques : les grands prêtres d’Amon au sud, à Thèbes, et les pharaons du delta au nord image 1. La coexistence est pacifique et les rapports restent cordiaux grâce à un jeu d’alliances. La divine adoratrice d’Amon, souveraine spirituelle de sang royal, assure les liens familiaux entre les deux pouvoirs. Malgré cette période de troubles, la Troisième période intermédiaire a légué des trésors du savoir-faire et des techniques de l’époque, dont la sculpture de Karomama est l’exemple.
Une princesse vouée au dieu Amon
Karomama est un nom répandu dans l’aristocratie sous le règne de Takélot II (IXe siècle avant notre ère). Néanmoins, nous savons aujourd’hui qu’elle était la petite-fille du pharaon Osorkon Ier, roi de la XXIIe dynastie. Le socle de la statue, gravé d’inscriptions hiéroglyphiques, nous apprend la titulature de Karomama, appelée « épouse du dieu » et « divine adoratrice » détail f. On y lit également le nom du commanditaire de cette sculpture, Iahentefnakht, son chambellan. Vraisemblablement située dans une chapelle du grand temple de Karnak image 5 image 6 la sculpture devait prendre place sur la proue de la barque divine d’Amon image 7.
L’institution des divines adoratrices est assurée par les épouses ou par les filles du pharaon depuis le Nouvel Empire. Durant la Troisième période intermédiaire, la fonction évolue. La grande prêtresse, chargée de la régénération et de l’apaisement rituel du dieu Amon, ne peut alors qu’être vierge, vouée au célibat, annulant de fait son héritage familial. La divine adoratrice devient ainsi l’épouse exclusive du dieu Amon, et cette fonction sera transmise par adoption. Ce nouveau statut lui permet d’obtenir des prérogatives royales : son nom est inscrit dans un cartouche, elle porte l’uræus et une couronne. Elle joue un rôle politique de premier plan à l’échelle du pays. La fonction disparaît au VIe siècle avant notre ère, après l’invasion perse.
Ressources
La notice de l’œuvre sur le site web du Musée du Louvre
La technique de fonte du bronze à cire perdue, expliqué par le musée Bourdelle
https://www.musee-jardin-bourdelle.fr/fr/la-technique-de-fonte-du-bronze-cire-perdue
La fonte à la cire perdue, une vidéo du musée Rodin
https://www.musee-rodin.fr/ressources/techniques/fonte-cire-perdue
Glossaire
Amon : Dieu de Thèbes dans l’Égypte ancienne, dont le nom signifie « le caché ». Il est souvent représenté sous forme humaine avec une couronne surmontée de deux plumes. Paré du disque solaire, il prend le titre d’Amon-Rê, le dieu le plus important de la mythologie égyptienne. Son épouse est Mout et son fils est Khonsou, le dieu de la lune.
Bronze : Alliage de cuivre (au moins 75 %) et le plus souvent d’étain.
Damasquinage : Incrustation de fil d’or, d’argent ou de cuivre dans un objet métallique pour former un décor.
Électrum : Alliage d’or et d’argent utilisé dans l’Antiquité.
Fonte à la cire perdue : Technique de fonte inventée au début du IVe millénaire av. J.-C., qui consiste à remplacer la cire évacuée du moule par du métal en fusion. Pour ce faire, trois étapes sont nécessaires : – l’objet initial à mouler, réalisé en cire, est placé dans une gangue d’argile ; – la gangue d’argile est chauffée et la cire s’évacue par des canaux spécialement aménagés à cet effet ; – le métal fondu est introduit dans les creux ainsi obtenus par d’autres canaux prévus pour la coulée.
Mout : Déesse égyptienne, épouse du dieu Amon, le dieu de Thèbes, et mère de Khonsou, le dieu de la lune. Elle est représentée coiffée d’une dépouille de vautour surmontée du pschent (double couronne formée des couronnes de la Haute et de la Basse-Égypte).
Ousekh : Collier large d’Égypte ancienne, que l’on trouve dès l’Ancien Empire (environ 2700 à 2200 av. J.-C.). Cette parure, constituée de perles de pierres colorées en rangs serrés ou réalisée en métal précieux, est placée sur le cou et les épaules et peut être complétée d’un contrepoids qui prend appui dans le dos. Ces colliers ornementaux ont aussi une dimension protectrice quand ils figurent des entités divines (Ptah, Horus…).
Sistre : Instrument musical rituel utilisé dans l’Égypte ancienne. Cette percussion ressemble à un hochet que l’on agite, et le son évoquerait le bruissement des papyrus.