La Bataille de San Romano - Contre-attaque de Micheletto Attendolo da Cotignola Uccello Paolo

Contre-attaque de Micheletto Attendolo da Cotignola

Auteur

Dimensions

H. : 182 cm ; L. : 317 cm

Provenance

Paris, musée du Louvre

Technique

Détrempe (tempera)

Matériaux

Huile sur bois

Datation

1450-1475

Lieu de conservation

France, Paris, musée du Louvre

Comment cette peinture donne-t-elle la sensation de mouvement ?

La Bataille de San Romano image principale appartient à un ensemble de trois tableaux aujourd’hui dispersés entre Paris image principale, Londres image 1 et Florence image 2. Ils représentent le même épisode de la guerre qui oppose les Républiques de Florence et de Venise au duché de Milan image 7.
Uccello est un peintre réputé pour ses effets complexes de perspective. Dans ce tableau, il met son imagination au service de la sensation de mouvement.

Une victoire pour Florence

La guerre entre Florence et Milan est un conflit territorial qui a débuté à la fin du XIVe siècle. Au début du Quattrocento, elle tourne au désavantage des Florentins, l’épisode de San Romano étant un des seuls qui leur soit favorable. Milan s’est allié en cette occasion aux Siennois, que les troupes florentines affrontent le 1er juin 1432 à Torre San Romano, près de Lucques (Toscane) image 7.

Niccolò da Tolentino image 3, à la tête des Florentins, décide d’engager la bataille alors que l’armée siennoise assiège la ville de Montopoli. Les chefs d’armée, à cette époque, sont des professionnels, des condottieres. Engagés pour une durée déterminée, ils recrutent leurs propres troupes. Les batailles sont peu meurtrières, la stratégie consistant à faire le maximum de prisonniers pour en tirer rançon. L’armée florentine est en infériorité numérique et son capitaine a pris un risque. La bataille de San Romano dure huit heures et se termine par la retraite des Siennois. C’est une demi-victoire pour les Florentins, mais ils vont l’exploiter politiquement à des fins de propagande.
Les tableaux sont commandés par Lionardo Salimbeni, un proche des Médicis, après le décès de Niccolò da Tolentino en 1435. Ils seront plus tard récupérés par Laurent le Magnifique, qui les installera au palais Médicis.

Un cycle en trois parties

L’auteur des peintures est Paolo di Dono, dit Paolo Uccello, un artiste florentin polyvalent. Il a réalisé aussi des mosaïques, des vitraux et des fresques, dont le portrait équestre du condottiere John Hawkwood image 4 dans la cathédrale de Florence.
Le premier des trois tableaux, conservé à la National Gallery de Londres, image 1, relate l’attaque menée contre les Siennois par le condottiere Niccolò da Tolentino.
Le paysage à l’arrière-plan, traité verticalement comme une tapisserie, donne un sentiment de sérénité, alors que le premier plan est plus dynamique. Le mouvement s’oriente de la gauche vers la droite, en suivant l’inclinaison des lances. Au centre, le capitaine florentin, sur son cheval cabré, cherche à repousser l’ennemi. Des lances jonchant le sol et un corps de soldat à terre, vu en raccourci, suggèrent la profondeur. Le tableau du Louvre, image principale serait l’élément central de cet ensemble, conçu comme un triptyque. Il évoque la contre-attaque menée par un autre condottiere au service des Florentins, Micheletto da Cotignola. Celui-ci arrive en renfort pour prendre l’adversaire en tenaille et sauver la situation.
Le tableau de de la galerie des Offices image 2 est le seul signé, en bas à gauche image 5. Il serait la conclusion du cycle : Bernardino della Ciarda, le condottiere engagé par les Siennois, est désarçonné, ce qui entraîne la débandade de ses troupes. La composition très dense donne une impression chaotique.

Un jeu de perspective et de mouvement

L’œuvre du Louvre est la mieux conservée des trois. On peut encore y voir les feuilles d’argent appliquées sur les cuirasses et les pastilles dorées ornant les harnachements des chevaux détail b. Cet effet de brillance accentuait le réalisme, rendant plus vivante l’action représentée.
L’attaque est déclenchée par le geste de Micheletto da Cotignola détail c, au centre, sur son cheval noir cabré. Le condottiere est coiffé d’un mazzocchio image 6, un chapeau enturbanné sur une structure d’osier, dont Uccello se plaît à faire miroiter les facettes.
À droite, un groupe de chevaliers se rassemble ; des chevaux en raccourci détail b se présentent de dos. Le mouvement s’accentue à gauche avec la charge des cavaliers. Ils présentent un front uni et se dirigent vers l’ennemi, situé hors champ. La visière fermée de leurs casques donne à leur élan un effet de brutalité.
Les silhouettes des chevaux sont simplifiées en volumes géométriques. Uccello s’intéresse avant tout à leur position dans l’espace, les disposant comme les figures d’un jeu d’échecs.
Le sol, comme un damier, est parsemé de petits carrés de verdure qui créent la profondeur détail d.
La position des lances renforce le dynamisme de la composition détail e. Verticales à droite, elles s’inclinent progressivement jusqu’à l’horizontale dans la partie gauche. Le mouvement de rotation des chevaux vers la gauche et le passage du repos au galop donnent l’impression d’un mouvement en cours sous nos yeux.
Les chevaliers, à cette époque, forment l’élite d’une armée. Les fantassins sont peu présents dans ce tableau, suggérés surtout par leurs jambes qui, ajoutées à celles des chevaux, donnent l’impression d’une armée compacte et puissante détail f.
Le tableau ayant noirci avec le temps, le paysage au fond est peu visible. Mais les étendards flottant au vent et les plumets des casques créent un effet décoratif.

Moderne et original

L’art de Paolo Uccello est ancré dans son époque, la Renaissance, dont il est l’un des pionniers. Elle met au centre de ses préoccupations la glorification de l’homme et le désir de représenter la nature de façon illusionniste.
Dans le cycle de San Romano, Uccello évoque l’histoire contemporaine. Chaque tableau met en scène une action héroïque à son point culminant avec, en son centre, un condottiere comme personnage principal.
L’expressivité des attitudes, la décomposition du mouvement en phases successives donnent à la narration une intensité dramatique.
Toutefois, la démarche d’Uccello est idéaliste et reconstruit la réalité. Il n’utilise pas un point de fuite unique et central de perspective : il multiplie les points de vue et privilégie la dynamique.
Les volumes simplifiés et les couleurs étranges créent une atmosphère d’irréalité.

Les futuristes au début du XXe siècle, par exemple, redécouvrent le sens du mouvement d’Uccello [Exemple 1] [Exemple 2].

Ressources

Glossaire

Condottiere : En Italie, au Moyen Âge et à la Renaissance, chef des compagnies de mercenaires se mettant par contrat (condotta) au service des princes ou des villes

Raccourci : Déformation de l’anatomie ou d’un objet pour donner l’illusion de la profondeur.

Quattrocento : Correspond au XVe siècle en Italie et coïncide avec le début de la Renaissance notamment à Florence

Renaissance : Mouvement artistique né au XVe siècle en Italie et qui se diffuse dans le reste de l’Europe au XVIe siècle. Il repose sur la redécouverte, l’étude et la réinterprétation des textes, monuments et objets antiques. À la différence de la pensée médiévale qui donne à Dieu une place centrale, c'est l'homme qui est au cœur de la pensée de la Renaissance.