La Buveuse Hooch Pieter de
La Buveuse
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Pour qui Pieter De Hooch peint-il ce genre de scène d’intérieur ?
Ce petit tableau image principale décrit une réunion de jeunes gens. Ce sujet plaisant laisse toutefois transparaître une situation ambiguë et une mise en garde moralisatrice.
Une ambiance et des accessoires
Cette scène de genre réunit quatre personnages détail b dans un intérieur. Le titre du tableau, La Buveuse, se réfère à la jeune femme vêtue d’une robe rouge et d’un corsage argenté, assise et tendant son verre. Un homme debout avance sa carafe pour lui servir du vin blanc. Derrière lui, une femme âgée le regarde et semble lui indiquer de la main la pièce qui se trouve à l’arrière du tableau. Sous la fenêtre, un homme fumant la pipe porte un chapeau qui jette une ombre sur son visage. Cet intérieur est confortable, avec son plancher de bois et ses fenêtres vitrées qui laissent entrer la lumière. Il est meublé élégamment d’une chaise garnie de cuir et d’une armoire incrustée de plaquettes de bois d’ébène précieux. Une sculpture représentant certainement Bacchus, le dieu du vin, est posée sur ce meuble détail c. L’armoire et la statue apparaissent dans d’autres peintures de Pieter De Hooch image 1. Le tapis de soie, sans doute oriental, posé sur la table, les pichets en métal ouvragé et le gobelet de verre traduisent l’aisance de la maison. Un tableau à droite représente le Christ et la femme adultère, un sujet religieux à vertu morale. Le mur du fond est orné d’un paysage urbain, peut-être Amsterdam image 6. Ce décor et la propreté qui règne dans ce lieu reflètent la piété et la moralité de ses occupants, qui sont également ouverts sur le monde.
Un reflet de la société
La concentration croissante de la population dans les villes de la République des Pays-Bas, et dans la province de Hollande en particulier, est unique au XVIIe siècle en Europe. Le commerce très florissant apporte la prospérité à une bourgeoisie de marchands qui souhaite acquérir des œuvres d’art. Pour répondre aux commandes, presque toutes les villes ont leurs peintres, la plupart pratiquant un seul genre pour atteindre un haut niveau technique. Les artistes se spécialisent dans le portrait, les sujets religieux, les vues urbaines, les paysages de la campagne, les animaux image 2 ou les scènes du quotidien.
La Hollande du XVIIe siècle est principalement calviniste (communauté protestante qui suit la pensée de Calvin). La vie est austère, laborieuse et morale. Pourtant, le goût de la fête et des loisirs est bien présent (kermesse, jeux, musique) et la bourgeoisie achète des objets de luxe et des peintures. Cette société aime les tableaux de genre, apparemment réalistes et domestiques, mais qui cachent un message moral parfois difficile à déchiffrer. Toutefois, la clientèle de l’époque sait les déceler au premier coup d’œil.
Le vrai sens du tableau
Dans cette maison bien tenue, ces gens élégants semblent jouer des rôles. La femme âgée a vraisemblablement organisé une rencontre entre les jeunes gens et une demoiselle naïve. On la flatte, on lui verse du vin et elle se grise. L’entremetteuse indique discrètement à l’homme une porte ouverte pour mener la jeune femme dans un lieu plus intime.
Pieter De Hooch mêle des aspects contraires : ordre et désordre, moralité et tentation, tenue et désinvolture, bien et mal. Au-delà de l’anecdote, le tableau devient un objet de méditation individuelle. À droite, la peinture flamande figurant le Christ et la femme adultère donne une indication sur le droit chemin à suivre. Le petit chien symbolise la fidélité conjugale, mais il dort profondément détail c. Il incite à penser que la jeune femme étourdie par le vin a perdu sa vigilance. Ses joues sont roses et sa posture désinvolte. Le fumeur avec sa pipe représente l’oisiveté, mère de tous les vices.
Perspective et lumière
Vers 1650, les peintres de Delft s’intéressent particulièrement à la lumière, à l’optique et à la perspective image 3. Ils forment ce que l’on nomme l’école de Delft image 6. Parmi eux figurent Gerard Houckgeest, Emanuel De Witte, Hendrik Cornelisz Van der Vliet, le célèbre peintre Johannes Vermeer image 4 et Pieter De Hooch.
Issu d’un milieu modeste, Pieter est né à Rotterdam image 6, il apprend la peinture avec le paysagiste Nicolaes Berchem et s’installe à Delft en 1654. Ses nombreuses scènes domestiques, comme La Buveuse, ont été une source d’inspiration pour son concitoyen Vermeer. Pieter De Hooch utilise cet univers pour ses recherches formelles. Il connaît la géométrie et crée des illusions spatiales avec la perspective, dans ses tableaux image 5 image 1. Dans La Buveuse image principale, les lames du parquet et les solives (poutres) du plafond dessinent des lignes de fuite. La porte à l’arrière-plan et la fenêtre ouvrent l’espace. Le peintre ajoute du mobilier (chaises, table, armoire) pour accentuer la profondeur détail c. La lumière extérieure anime la scène d’un jeu de clair-obscur et renforce le sentiment spatial. Elle provient de la fenêtre à gauche, mais une deuxième source éclaire la pièce du fond. Le détail de la carafe en verre, sur l’armoire, renvoie son éclat.
Le talent de Pieter De Hooch à traduire le réel dans tous les détails lui assure la célébrité en son temps. Oublié ensuite, il est redécouvert vers 1780. On connaît de lui environ 200 tableaux. Il figure parmi les peintres de la réalité des Pays-Bas du XVIIe siècle qui séduiront les représentants du mouvement réaliste au XIXe siècle, tels que Millet et Courbet.
Mots-clés
Marie-Bélisandre Vaulet-Lagnier
Permalien : https://panoramadelart.com/analyse/la-buveuse
Publié le 13/12/2024
Ressources
Notice de l'oeuvre sur le site web du musée du Louvre
Delft par Johannes Vermeer sur le site de l'Histoire par l'image
Glossaire
Scène de genre : Sujet de peinture qui présente la vie quotidienne en famille et en société.
Clair-obscur : Répartition des ombres et des lumières sur une peinture, de telle sorte que les couleurs les plus sombres se juxtaposent aux plus claires et produisent un fort effet de contraste.