La Flagellation du Christ à la colonne Caravage
La Flagellation du Christ à la colonne
Auteur
Dimensions
Provenance
Technique
Matériaux
Datation
Lieu de conservation
Pourquoi une scène aussi violente a-t-elle été peinte?
Au début du XVIIe siècle en Italie, Le Caravage révolutionne la peinture en s'opposant à l'art raffiné et artificiel des peintres maniéristes de son époque. En s'inspirant directement de la nature, il rejette le répertoire des formes dérivé des œuvres des génies de la Renaissance tels que Raphaël et Michel Ange. Michelangelo Merisi dit le Caravage, du nom de son village natal, Caravaggio en Lombardie, débute sa carrière à Milan. Il tente sa chance à Rome dès 1592, soutenu par des collectionneurs influents (le cardinal Del Monte et le marquis Giustiniani), au moment où l'Eglise catholique met tout en œuvre pour retrouver sa souveraineté religieuse face au protestantisme. L'originalité de ce peintre consiste à élever la réalité la plus banale à la dignité de la peinture et à s'en servir de manière encore inédite dans les tableaux religieux comme [ La Flagellation du Christ à la colonne ].
La peinture au service de l'Eglise catholique
En pleine crise, l'Eglise affronte la Réforme protestante avec la Contre-réforme au travers du Concile de Trente (1545-1563). Plusieurs décrets concernent l'emploi des images religieuses qui doivent affermir la foi et éduquer les fidèles les moins instruits. Ceux-ci préconisent une simplicité des formes et des gestes, peu de personnages et des couleurs franches, comme le montre la toile de La Flagellation du Christ. Les peintres doivent représenter en priorité les thèmes du culte des saints et de la Vierge et les scènes montrant la Passion du Christ. Ces épisodes insistent sur la souffrance humaine que Jésus endure au moment de son jugement et de sa mise à mort sur la croix. La flagellation, un thème souvent choisi pour son effet particulièrement violent, décrit le supplicié attaché, soit à la colonne basse du Prétoire de Jérusalem (une relique vénérée encore aujourd'hui à Rome dans la Basilique Sainte Praxède), soit à une colonne haute qui évoque le portique du Temple de Jérusalem. C'est celle qu'a choisi Le Caravage pour ce tableau.
Un réalisme mesuré
Le style réaliste initié par Le Caravage, se fonde sur l'étude des figures d'après des modèles vivants. Certains de ses tableaux font d'ailleurs l'objet de critiques à l'époque, comme La Mort de la Vierge (1605-1606, musée du Louvre), un tableau jugé vulgaire. Les biographes du peintre racontent qu'il se vantait de choisir ses modèles dans la rue, pour plus de vérité et pour se moquer des raffinements de ses prédécesseurs. Les bourreaux de La Flagellation donnent la certitude qu'ils ont été peints d'après des gens du peuple, aux visages marqués et aux mains rudes. Ils sont pauvrement vêtus et l'un deux porte même une chemise avec un accroc à la manche. Mais l'artiste décrit leur humanité simple sans caricature, contrairement à certains tableaux de l'époque [ image 1 ] . Même si l'artiste suit la règle d'observer la nature pour peindre ses figures, une recherche de la beauté reste perceptible dans le motif du buste athlétique du Christ. Il rappelle le modelé classique du torse du Belvédère [ image 2 ], une œuvre de l'antiquité célèbre que le peintre a pu copier à Rome.
Un sentiment humain
Cette toile appelée aussi Le Christ à la colonne, montre une scène violente, pourtant il n'y a ni cri, ni agitation et le fouet reste caché. Le peintre a choisi de mettre en scène l'instant avant le supplice, un moment de tension et d'émotion saisissants. Les personnages silencieux posent immobiles au bord du tableau, de part et d'autre de la colonne. Chaque élément de la composition insiste sur la gravité du sujet : Isolé à gauche dans la toile, Jésus se détache sur le fond sombre et marque une expression d'abattement et de solitude [ détail b ]. Le bourreau du premier plan, quant à lui, a des yeux brillants pleins de pitié [ détail c ] mais ses mains, au centre exact de l'œuvre, nouent fermement les cordes. L'ambition du peintre est de toucher la sensibilité et de susciter l'empathie.
Effet dramatique de la lumière
Dans les années de jeunesse, Le Caravage éclaire ses sujets avec un effet de lumière du jour (diurne). Dans La Bohémienne [ image 3 ], des rais lumineux tombent à l'oblique sur les personnages et sur le mur à l'arrière-plan, pour apporter une qualité d'atmosphère et d'espace. Progressivement, les tableaux du peintre prennent une intensité dramatique et les effets de contrastes d'ombre et de lumière font émerger du fond obscur les gestes et les regards. Dans La Flagellation, un éclair de lumière frappe le corps du christ et dessine un arc de cercle lumineux qui unit les deux bourreaux. Les effets d'éclairage simplifient les volumes et réduisent le nombre des couleurs utilisées par le peintre. Cette manière nouvelle et théâtrale d'utiliser le clair-obscur, permet d'exprimer le drame instantanément et suggère la présence du sacré dans le quotidien le plus simple.
Le Caravage et la peinture caravagesque
Des historiens de l'art ont réétudié Le Caravage dans le milieu du XXe siècle, lui redonnant la place de premier plan qu'il occupait au XVIIe siècle. Le tableau de La Flagellation a été découvert seulement vers 1950 et Il est considéré aujourd'hui comme un original du peintre et un chef d'œuvre de sa maturité. L'exécution possible de ce tableau vers 1606-1607, coïncide avec le premier voyage du peintre à Naples. L'un des critères permettant d'attribuer cette toile au peintre, s'appuie sur la physionomie des bourreaux étudiée d'après nature avec des modèles reconnaissables dans d'autres tableaux de cette période. Le Caravage n'a pas eu d'élèves mais de nombreux peintres européens se sont inspirés de ses œuvres de maturité pour leurs tableaux religieux et profanes, comme celle de Valentin de Boulogne [ image 4 ] , un français actif à Rome. Ces peintres constituent un mouvement pictural appelé caravagisme qui dure jusque vers 1630 Au-delà, l'influence du Caravage se décèle dans la peinture d'artistes inclassables comme Georges de La Tour (voir notice Nouveau-Né) et Rembrandt Van Rijn.
Mots-clés
Isabelle Majorel
Permalien : https://panoramadelart.com/analyse/la-flagellation-du-christ-la-colonne
Publié le 20/04/2015
Ressources
Article sur l’exposition Caravage au Quirinal à Rome en 2010
http://www.lintermede.com/exposition-caravage-ecuries-du-quirinale-rome.php
Caravage et le caravagisme
http://www.latribunedelart.com/corps-et-ombres-caravage-et-le-caravagisme-europeen
La Manfrediana methodus, projet de thèse
http://hicsa.univ-paris1.fr/documents/pdf/CHAR/KITISAKON.pdf
La peinture italienne en perspective
https://www.louvre.fr/decouvrir/le-palais/la-peinture-italienne-en-perspective
Glossaire
Plaies du Christ : Les plaies du Christ sont celles qui résultent du supplice de la crucifixion : celles laissées par les clous enfoncés aux mains et aux pieds pour le fixer au bois de la croix et celle laissée au côté droit par le coup de lance du centurion Longin.
Concile : Assemblée d’évêques réunis pour résoudre les questions qui peuvent se poser sur le dogme, la morale ou la discipline ecclésiastique.
Flagellation : Épisode de la Passion du Christ qui précède sa crucifixion. Le Christ, qui vient d’être jugé, est fouetté.
Passion : Dernière partie de la vie du Christ. Le Nouveau Testament rapporte les souffrances endurées par Jésus depuis son arrestation jusqu’à sa mise au tombeau.
Relique : Reste du corps d’un saint personnage ou d’un objet lui étant associé.