La Louve capitoline

Le Capitole est l’une des sept collines de la ville de Rome. Depuis le XV^e siècle, la colline accueille un ensemble de musées d’art et d’archéologie nommé Musei Capitolini où est conservée, depuis sa donation par le pape Sixte IV en 1471, la Louve en bronze, symbole de la naissance de Rome.

Une œuvre à la fois naturaliste et stylisée

La louve est représentée debout image principale. Elle est en position de garde, ses oreilles sont en alerte et ses yeux guettent le danger. Les pattes ont un aspect rugueux. Son corps est maigre, laissant apparaître les côtes saillantes. Les mâchoires sont ouvertes, ses dents sont pointues. La fourrure sur la nuque, qui se poursuit sur le dos jusqu’à la queue, est minutieusement gravée avec un motif graphique de mèches en forme de flammes. Cette stylisation se retrouve dans la forme des yeux et des narines. Les huit mamelles sont proéminentes et pleines. Les jumeaux, d’une facture complètement différente, ont été réalisés indépendamment de l’animal. Ils sont inconscients de leur environnement détail b et absorbés par la tétée. Les enfants ne sont pas des nouveau-nés, comme le dit la légende. Ils sont capables de postures nécessitant un certain âge. Ils savent s’asseoir, s’agenouiller, tenir leur tête.

La sculpture a été restaurée en 1997. À cette occasion, l’historienne de l’art Anna Maria Carruba a constaté que la statue avait été coulée en une seule pièce, au moyen d’une variante de la technique du moulage à la cire perdue. Les bronzes romains antiques étaient en principe réalisés à partir de plusieurs pièces, ce qui donnait des moulages de haute qualité. La coulée en une seule pièce était plutôt utilisée au Moyen Âge. Il est possible que la Louve ait été créée à cette période.

L’histoire d’un symbole

À l’issue de la guerre de Troie, qui voit triompher les Grecs, Énée arbre généalogique, prince troyen, fuit vers l’Italie avec son père Anchise et son fils Ascagne image 1. Arrivé dans le Latium, Ascagne fonde la ville d’Albe image 3. Ses descendants Numitor et Amulius se disputent la possession de la cité. Le cadet, Amulius, destitue son frère du trône, tue son neveu et fait de sa nièce, Rhéa Silvia, une vestale, ce qui l’oblige au célibat. Cependant, le dieu Mars la séduit et deux jumeaux naissent, Romulus et Rémus. Furieux, Amulius fait jeter les nourrissons dans le Tibre à l’intérieur d’une corbeille, mais le fleuve porte miraculeusement les enfants sains et saufs au pied du mont Palatin. Les pleurs des jumeaux attirent une louve qui les allaite près d’une grotte. Romulus et Rémus sont ensuite recueillis par un berger qui les emmène chez lui, où ils seront nourris par sa femme, Acca Larentia image 2.

Romulus et Rémus fondent Rome

Les jumeaux devenus adultes décident de fonder une ville. Ils voulurent que les dieux protecteurs des lieux désignent par le vol des oiseaux celui qui donnerait son nom à la ville et qui règnerait sur celle-ci. Romulus se plaça sur la colline du Palatin, Rémus sur celle de l’Aventin. Rémus le premier voit six oiseaux. Mais, immédiatement après, Romulus en voit douze et se proclame vainqueur. Alors qu’il trace à la charrue le sillon sacré marquant l’enceinte de la future cité, son frère, pour se moquer de lui, franchit le sillon d’un bond. En colère, Romulus le tue. La ville prend alors le nom de son fondateur et Romulus devient le premier roi de Rome. Traditionnellement, la date de la fondation légendaire de Rome est fixée à 753 av. J.-C. Ce rite fondateur est suivi de différents événements qui concourent au peuplement de Rome, dont l’enlèvement des Sabines.

La symbolique de la louve

Tandis que la mère Rhéa Silvia est peu représentée, la louve envahit l’imaginaire romain antique et moderne en prenant une place essentielle dans le mythe fondateur. Elle est représentée sur les monuments, les pièces de monnaie et sur les fresques.

La louve est ici un animal sauvage, mais pas féroce. Attirée par les pleurs des enfants, elle s’approche d’eux, non pour les dévorer, mais pour les nourrir. Certains auteurs dont Ovide précisent que la louve veut se soulager de la quantité de lait qu’elle a, car ses louveteaux sont morts. Près de la grotte où les enfants sont recueillis était un figuier. Le figuier contient un liquide qui rappelle le lait et qui est utilisé par les Romains pour la fabrication du fromage. Le figuier est l’arbre dédié à Rumina, la déesse de l’allaitement. Les informations sur cette déesse sont rares. Son nom vient de l’ancien terme ruma signifiant « mamelle ». Le loup est l’animal associé au dieu Mars. Les enfants reçoivent donc de l’aide d’un animal associé à leur père.

Un mythe au service de la propagande

L’empereur Auguste privilégie dès le début de son règne le mythe de Romulus et Rémus. Pour créer une origine prestigieuse, car Énée est un héros de la guerre de Troie mais aussi d’origine divine : il est le fils de la déesse Aphrodite. Deux auteurs latins proches d’Auguste, Virgile et Tite-Live, vont transformer le mythe en version officielle. Leurs récits seront utilisés comme moyen de propagande par l’empereur.

L’image de la louve a été très utilisée par Benito Mussolini, qui s’est présenté comme le fondateur d’une nouvelle Rome, à la montée du fascisme. Il a fait don de copies de la statue à des villes américaines.

La Louve capitoline est choisie comme emblème des jeux olympiques de Rome en 1960. Elle est aussi représentée sur le logo du club de football de l’AS Rome. Une réplique a été offerte par la ville de Rome à Paris en 1962 à l’occasion du jumelage des deux capitales. Cette œuvre est dans le square Paul-Painlevé dans le V^e arrondissement.