La Mort de la Vierge Caravage
La Mort de la Vierge
Chapelle Contarelli
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Lieu de conservation
Pourquoi ce chef-d’œuvre plein d’humanité du Caravage a-t-il choqué ses contemporains ?
La Mort de la Vierge image principale du Caravage est un tableau d’église, peint à Rome au moment d’un renouveau de l’Église catholique, aujourd’hui conservé au musée du Louvre. La monumentalité et le recueillement le caractérisent. Pourtant, le peintre voit sa toile refusée.
Une iconographie byzantine
Si les évangiles n’évoquent pas la mort de la mère du Christ, ce récit figure dans la Légende dorée, écrite par Jacques de Voragine. À la fin de sa vie, la Vierge s’endort. On parle alors de dormition de la Vierge. Les apôtres, avertis par un ange et transportés miraculeusement, l’assistent. La dormition est une iconographie d’origine byzantine : la Vierge, sur un lit, est entourée par les apôtres tandis que son âme, sous la forme d’un nouveau-né, est recueillie par le Christ image 1 Dans le contexte de la Réforme protestante, le culte marial est réaffirmé par l’Église catholique de la Contre-Réforme, notamment par les moines de l’ordre des Carmes auquel appartient l’église Santa Maria della Scala, et pour laquelle est peinte notre œuvre.
Le Caravage, acteur du renouveau de la peinture au XVIIe siècle
Né à Milan en 1571, Michelangelo Merisi da Caravaggio, dit le Caravage, part à Rome à l’âge de 20 ans. Cette capitale de l’État pontifical est alors en pleine effervescence religieuse et artistique. L’Église de la Contre-Réforme utilise l’art dans un but militant. De nombreux artistes sont sollicités pour décorer des édifices religieux. Le Caravage devient célèbre en 1600 grâce aux tableaux qu’il peint pour la chapelle Contarelli dans l’église Saint-Louis-des-Français : trois peintures décrivant la vie de saint Matthieu image 2 image 3 image 4. En marge de sa carrière artistique, il mène une vie de bohème agitée, jalonnée de violences et d’agressions.
En 1601, il reçoit la commande d’un tableau d’autel pour une chapelle de l’église Santa Maria della Scala, dans le quartier populaire du Trastevere. Le commanditaire est Laerzio Cherubini, un juriste du Vatican. Le Caravage doit peindre la mort de la Vierge image principale.
Comme une scène de théâtre
Le Caravage a révolutionné l’art de son temps en introduisant deux nouveautés : le réalisme des figures et l’utilisation théâtrale de la lumière. Il prend comme modèles des gens du peuple sans les idéaliser, projette sur eux un éclairage oblique qui accentue leur présence. L’arrière-plan est dans l’ombre, et les couleurs sont limitées. Ces caractéristiques se retrouvent dans La Mort de la Vierge image principale. La scène se passe dans une pièce simple, sans ornement, et la Vierge est allongée, morte, sur un lit. Le seul élément décoratif est la grande draperie rouge image b. Les apôtres, peu individualisés, forment trois groupes image c. Les plus proches expriment de façon naïve leurs sentiments : chagrin, désespoir. Au premier plan, le Caravage a introduit une jeune femme à la tête baissée, sans doute Marie-Madeleine image d. Près d’elle, une bassine en cuivre contient l’onguent pour l’embaumement image e. Un faisceau de lumière, dont la provenance est mystérieuse, traverse le tableau en diagonale. Il éclaire la Vierge, vêtue de rouge, le bras gauche étendu. La disposition des figures reproduit la forme d’une croix. Le Caravage a accentué l’humanisation du sujet en donnant à Marie un corps raide et gonflé et une discrète auréole image f. Placée légèrement en oblique, elle offre tout d’abord à notre regard ses pieds et ses chevilles nus image g.
Un tableau scandaleux
Ce tableau est le dernier réalisé par le Caravage durant son séjour romain. C’est aussi le plus grand. Il n’est pas accepté et sera remplacé dans la chapelle par une toile du peintre Carlo Saraceni, plus conventionnelle On ne connaît pas exactement les circonstances du refus de l’œuvre, mais son réalisme est jugé trop cru. Plusieurs œuvres religieuses du Caravage ont été refusées pour indécence. Son interprétation de la mort de la Vierge a pu être considérée comme trop profane, trop réaliste. Marie est représentée dans la réalité de sa mort physique, et le surnaturel semble absent. Des contemporains évoquent aussi le fait que le modèle de la Vierge aurait été une prostituée ou une noyée repêchée dans le Tibre. Une autre raison est d’ordre circonstanciel : d’après ses biographes, Caravage a souvent eu affaire à la justice. Notamment en 1606, il est accusé d’homicide et doit fuir Rome pour échapper à la peine capitale. Il n’y reviendra jamais et mourra en 1610, à l’âge de 37 ans, après une vie d’errance. L’accusation de crime portée contre lui peut avoir dissuadé le commanditaire de garder le tableau. La toile est alors achetée par le duc de Mantoue, conseillé par le peintre Rubens. Elle entrera finalement dans les collections de Louis XIV.
Une lumière divine
Le Caravage a traduit le thème de la mort de la Vierge dans un langage moderne, tout en respectant la signification théologique du sujet. La Contre-Réforme prône un christianisme proche des valeurs originelles de simplicité, de pauvreté et d’humilité. En humanisant le divin, le peintre répond de façon efficace à la demande de l’Église : émouvoir et éduquer le fidèle. C’est par la lumière que le Caravage transcende une réalité humaine banale. Cette lumière isole les figures, rejetant dans l’ombre ce qui n’est pas essentiel. On peut y voir l’irruption de la grâce divine dans la vie des gens simples.
La Mort de la Vierge de Caravage, une vidéo de KTOTV
Colette Féraudet
Permalien : https://panoramadelart.com/analyse/la-mort-de-la-vierge
Publié le 05/01/2023
Ressources
Un commentaire du tableau : « L’indésirable image »
Une évocation du caravagisme
http://www.aparences.net/periodes/peinture-baroque/caravage-et-le-courant-caravagesque
Glossaire
Caravagisme : Courant artistique initié à Rome au début du XVIIe par Caravage, qui se caractérise principalement par des compositions sobres, clairement structurées, une représentation fidèle de la réalité et des effets de clair-obscur. On qualifie les peintres qui se rattachent à ce mouvement de « caravagesques ».
Légende dorée : Le plus célèbre recueil de la vie des saints au Moyen Age. Il fut écrit en latin dans les années 1260 par Jacques de Voragine, un moine dominicain italien qui fut aussi archevêque de Gênes. Les récits qu’il contient, emplis de merveilleux, avaient pour but d’exalter la foi chrétienne et ont inspiré de nombreux artistes.
Contre-Réforme : En pleine crise, l’Église affronte la Réforme protestante avec la Contre-réforme au travers du Concile de Trente (1545-1563). Plusieurs décrets concernent l’emploi des images religieuses qui doivent affermir la foi et éduquer les fidèles les moins instruits. Les formes et les gestes doivent être simples. Les tableaux doivent comporter peu de personnages et des couleurs franches. Les thèmes du culte des saints et de la Vierge et les scènes montrant la Passion du Christ sont privilégiés.
Carme : Religieux d’un ordre mendiant institué en Terre sainte (mont Carmel) au XIIIe siècle.
Dormition : Mort de la Vierge, peu de temps avant son Assomption (montée au ciel, fêtée le 15 août).