Le Parement de Narbonne Orléans Jean d' (attribué à)

Le Parement de Narbonne

Dimensions

H. 765 cm ; L. 2855 cm

Provenance

Technique

Dessin

Matériaux

Cannelé de soie moirée marouflée

Datation

Vers 1375

Lieu de conservation

France, Paris, musée du Louvre

Qu’est-ce que le parement de Narbonne ?

Le Parement de Narbonne image principale est un ornement d’autel dessiné à l’encre sur un pan de soie blanche. On appelle cette technique monochrome une grisaille. Il décorait le devant de l’autel de la cathédrale de Narbonne image 2 au moment du Carême. Ce camaïeu de gris très sobre s’accorde avec l’esprit de ce temps de jeûne et d’abstinence qui précède la fête de Pâques. Y sont représentées les scènes de la Passion, de la mort et de la résurrection du Christ. Le parement faisait partie d’un ensemble d’objets et de vêtements nécessaires au déroulement du culte.

Le récit de la Passion en sept tableaux

Le récit s’organise de part et d’autre de la crucifixion image f qui occupe le centre du parement. Chaque épisode de la Passion s’inscrit sous de frêles arcades qui unifient l’ensemble de la composition. À gauche, l’arrestation du Christ image b, la flagellation image c et le portement de croix image d. À droite, la mise au tombeau image k, la descente aux limbes image i et l’apparition du Christ à Marie-Madeleine (Noli me tangere) image l. Les longues figures élancées mises en valeur par les drapés, les trognes repoussantes des bourreaux, les femmes éplorées au bord de l’évanouissement, tout dans l’œuvre invite à la compassion et au pardon. Les situations s’expriment par des gestes et des jeux de mains : les mains de Judas, posées sur l’épaule du Christ, et celles des soldats, signe de l’arrestation et des souffrances à venir ; celles du Christ ramenant Adam et Ève des entrailles de la terre ; enfin, celles du Sauveur ressuscité et de Marie-Madeleine qui ne se toucheront pas… Et sans doute la plus belle leçon d’amour, restera-t-elle celle du pardon inaugural : en bas, à gauche, à genoux, sous l’épée remisée de saint Pierre, se tient recroquevillé le serviteur du grand prêtre qui a livré le Christ : Malchus, bâton et bouclier en mains. Jésus, harcelé de toutes parts, lui « remet » l’oreille coupée par saint Pierre sous le feu de la colère image b. Parce qu’il doit en être ainsi et qu’il ne sert à rien d’opposer la violence à la violence.

Une commande prestigieuse

Cette œuvre a été probablement offerte par le roi de France Charles V (1364-1380) à la cathédrale de Narbonne. Le chiffre de Charles V (K pour Karolus, en latin) image m se répète sur les médaillons de la bordure. En outre, le roi et son épouse Jeanne de Bourbon, vêtue à la mode du temps, sont tous deux représentés en donateurs, agenouillés de part et d’autre de la scène de la crucifixion image e image h. Au-dessus de Charles V, se tiennent deux personnages dont une femme couronnée qui tient un calice dans lequel apparaît une hostie : elle incarne l’Église catholique triomphante image g. Au-dessus de Jeanne de Bourbon, une autre femme, les yeux bandés, dos tourné à la crucifixion et tenant les tables de la Loi incarne, quant à elle, la religion juive image j. Ainsi se superposent les dimensions politiques et religieuses. On peut dater le parement entre 1364, date de l’accession au trône de Charles V, et 1378, date de la mort de la reine.

Un artiste au service de Charles V

La répartition des noirs et blancs, le jeu subtil des nuances de gris, le modelé délicat des figures et le rythme de l’ensemble incitent à penser qu’il s’agit de l’œuvre d’un artiste expérimenté longtemps baptisé maître du parement de Narbonne, mais dont l’identité est incertaine. De nombreux éléments donnent cependant des indices qui permettent de cerner le contexte dans lequel cet artiste a évolué. La description des objets (lances, lanterne, coiffures, vêtements…) et l’horrible faciès des bourreaux sont inspirés de la peinture nordique. Les courbes mélancoliques sont empruntées aux Siennois. À cela s’ajoutent les partis pris d’un peintre français. L’émotion contenue, les airs langoureux et méditatifs des personnages, le dessin mélodieux ouvrent l’art sur des perspectives nouvelles : dans le silence de ces nobles lamentations s’exprime toute la profondeur d’un art de cour à la française.

Une attribution à Jean d’Orléans ?

Certains historiens de l’art pensent que l’auteur du parement de Narbonne pourrait être Jean d’Orléans, peintre officiel du roi. En effet, cet artiste connaît bien la peinture élégante de Jean Pucelle image 1, enlumineur actif à Paris vers 1320, et le réalisme de la peinture nordique. Il est aussi au fait des recherches plastiques de Giotto et des maîtres italiens contemporains.

La politique culturelle de Charles V et de ses frères

Comme le montre l’inventaire de ses biens établi en 1379, Charles V est un mécène avisé : grand bâtisseur de résidences royales (le Louvre, l’hôtel Saint-Pol, le château de Vincennes…), il possède une « librairie » riche de près de mille volumes, de précieux manuscrits enluminés, et fait preuve « d’un goût particulier pour les petits tableaux et les grisailles ». Le souverain affirmait ainsi par les arts la puissance de la monarchie française. Ses trois frères, les ducs d’Anjou, de Berry et de Bourgogne, partagent cette même passion, allant jusqu’à mettre chacun leurs artistes à la disposition des autres. Jean Bandol, un des peintres de Charles V, dessine par exemple les cartons de la tapisserie de l’Apocalypse d’Angers pour Louis d’Anjou  Cette itinérance des artistes favorise en Europe la diffusion d’un savoir-faire d’excellence et l’émergence d’un style : le gothique international, dit aussi gothique courtois.

Sabine Barbé

Permalien : https://panoramadelart.com/analyse/le-parement-de-narbonne

Publié le 23/11/2022

Ressources

Notice de l'oeuvre du musée du Louvre

https://collections.louvre.fr/ark:/53355/cl020111524

Glossaire

Gothique international : Style qui se développe autour de 1400 dans les cours princières européennes et dans tous les domaines artistiques. Il combine des caractéristiques qui peuvent sembler opposées : le raffinement et la préciosité, mais aussi le réalisme et la monumentalité. Il s’intéresse à la nature, au paysage, au portrait et privilégie l’éclat des couleurs et l’élégance des lignes.

Camaïeu : Technique de peinture qui consiste à n’utiliser qu’une seule couleur et ses différentes tonalités.

Grisaille : Peinture monochrome qui joue sur les nuances de noir et de gris afin de représenter les volumes. Dans l’art du vitrail, la grisaille désigne plus particulièrement le mélange utilisé pour réaliser le contour des figures et de certains détails.