Les Noces de Cana Véronèse

Les Noces de Cana image principale est une œuvre spectaculaire commandée en 1562 au peintre Paolo Caliari, dit Véronèse, par les moines bénédictins de San Giorgio il Maggiore, à Venise image 1 image 8.

Né à Vérone, Véronèse s’est établi à Venise image 7, où il est protégé par le grand peintre Titien. Lorsque Les Noces de Cana lui sont commandées, il a 34 ans et vient de terminer le décor de la villa Barbaro image 3 construite par l’architecte Palladio image 2 à Maser image 7. Il peint le tableau en quinze mois, probablement aidé par son frère Benedetto et les membres de son atelier.

La Cène

À la fin du XV^e siècle, Léonard de Vinci introduit en Italie du Nord la coutume toscane de représenter un repas biblique sur un mur de la salle où les moines prennent leurs repas image 4 image 5 image 6, grâce à sa fresque La Cène à Santa Maria delle Grazie, à Milan. Véronèse utilise une technique différente de celle de Léonard de Vinci : il ne peint pas une œuvre murale, mais une grande toile, mesurant environ 10 m sur 7. En effet, le climat humide de Venise ne permet pas la bonne conservation des fresques.

Les Noces de Cana

Le sujet du tableau n’est pas le dernier repas du Christ, mais son premier miracle. Dans l’Évangile selon saint Jean, Jésus, Marie et les disciples sont invités à un banquet de mariage à Cana, en Galilée. Le vin venant à manquer, Jésus dit aux serviteurs de remplir six jarres d’eau. L’eau se transforme miraculeusement en vin et la fête peut continuer.

La toile comprend 132 figures en grandeur réelle. Confisquée par l’armée napoléonienne en 1797, la toile a été transportée, roulée, jusqu’à Paris. Elle est alors exposée au musée du Louvre, où elle a été restaurée de 1989 à 1992.

Une composition binaire

Le tableau des Noces de Cana image principale prolongeait de façon illusionniste l’architecture du réfectoire du monastère. Il était accroché à plus de 2 m de haut. Sa composition est très étudiée. La partie inférieure, très animée, se présente comme une scène de théâtre, où chaque personnage exprime par ses gestes et son attitude sa réaction vis-à-vis du miracle image b. La partie supérieure, plus sobre, est caractérisée par la verticalité de l’architecture et la limpidité du ciel image c, où apparaissent des oiseaux en vol image d. Sont ainsi opposés un niveau terrestre et un niveau céleste, que Véronèse n’a pas cherché à unifier par une perspective homogène. Les lignes de fuite du carrelage convergent au-dessus de la balustrade, celles de l’architecture vers la figure du Christ, nimbé et placé au centre de la composition image e. On peut y voir un symbole de la double nature du Christ, humaine et divine. De même, à gauche de Jésus, sont assis principalement des membres du clergé, et à sa droite des laïcs. L’ensemble dégage néanmoins un sentiment d’harmonie et d’animation joyeuse, aux couleurs vives et à la lumière intense.

Un thème religieux dans un décor mondain

Curieusement, Véronèse n’a pas représenté les mœurs et les costumes de l’Antiquité de façon réaliste. Il a transposé l’épisode évangélique dans la cour d’un palais de la Renaissance. Les vêtements de soie colorée image g, les bijoux, la vaisselle évoquent le mode de vie fastueux des riches Vénitiens du XVI^e siècle image f. Seuls Jésus, au centre, Marie, à sa droite, et les apôtres portent de simples draperies atemporelles image e. L’exotisme des personnages enturbannés, la présence d’un perroquet (image h) renvoient au cosmopolitisme de la ville de Venise, qui tire sa richesse du commerce avec l’Orient.

Au premier plan, un groupe de musiciens joue d’instruments contemporains. Selon la tradition, celui vêtu de blanc jouant de la viole serait l’autoportrait du peintre tandis que son voisin, en rouge, aurait les traits de Titien image i. À l’extrême droite, se déroule le miracle : l’échanson regarde avec surprise le vin dans son verre image j, alors que les serviteurs s’affairent à remplir les carafes. Les époux sont assis à l’extrémité opposée. Un jeune serviteur noir apporte au marié une coupe de vin image f. Derrière lui se tient le maître de cérémonie, tenant dans sa main un pan de son manteau vert image h. Autour de la table en U se pressent les invités, entourés d’une foule de serviteurs, bouffons et spectateurs.

Des détails symboliques

Au-delà de l’aspect décoratif et anecdotique, Véronèse a enrichi sa toile de symboles qui lui donnent une dimension spirituelle. Le miracle de l’eau transformée en vin préfigure l’institution de l’Eucharistie lors de la Cène. Les serviteurs coupant la viande sur la terrasse annoncent le sacrifice de Jésus image k. Le flacon de vin posé entre les barreaux de la balustrade  image k évoque sans doute le sang qu’il versera pour racheter l’humanité. Le sablier sur la table des musiciens rappelle que la mission de Jésus vient de commencer, mais que son temps est compté image l. Les colonnes antiques, la statue de Vénus à laquelle fait face un campanile surmonté d’une statue de saint symbolisent le désir de fusion entre sagesse antique et religion chrétienne image m. Les nombreux chiens (cinq en tout, dont un regardant le spectacle du haut d’un balcon image n incarnent la fidélité. De manière amusante, les deux lévriers au premier plan attachés par une même laisse peuvent faire allusion aux contraintes du mariage. L’un d’eux ronge un os, tandis que l’autre semble plus intéressé par le chat jouant avec un vase sur la droite image o.

Glorifier Venise

Actualiser le sacré est aussi une façon de glorifier Venise, ville miraculeuse surgie des eaux, protégée par saint Marc et par la Vierge. République gouvernée par un doge élu à vie, elle propose un régime politique parfait et se veut le rempart de la chrétienté contre l’avancée des Turcs. À travers l’éclatante scénographie d’une fête vénitienne, Véronèse célèbre la gloire politique et la prospérité économique d’une ville exceptionnelle.

La Villa Barbaro, une vidéo du musée du Louvre

Les Noces de Cana, une vidéo de Sous la toile