Une patricienne de Venise Véronèse
Une patricienne de Venise
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Qui est cette femme ? Réalité ou idéal féminin ?
Ce portrait image principale peint par Véronèse est celui d'une femme de la haute société vénitienne, dont l'identité nous échappe encore. Il a été acquis par le musée du Louvre en 1914.
Paolo Caliari, dit Véronèse
Paolo Caliari est né en 1528 dans la ville de Vérone, d'où il tient son surnom, Véronèse. C'est à Venise image 8 que se déroule la majeure partie de sa carrière, qu'il entame à l'âge de 25 ans. Recevant de plus en plus de commandes officielles, tant pour des toiles que des fresques, il devient, avec Titien et Tintoret, l'une des trois principales figures de l'école vénitienne du Cinquecento italien.
Véronèse est un grand décorateur et un grand coloriste, maître de l'illusion et du trompe-l'œil : il exécute notamment d'importantes fresques dans les villas de la région de Venise, ainsi que des compositions monumentales au palais des Doges. Il est également l'auteur des Noces de Cana image 1, immense toile conçue pour le réfectoire du couvent San Giorgio Maggiore, aujourd'hui conservée au musée du Louvre.
Il décède en 1588 et est enterré à Venise, dans l'église San Sebastiano.
Qui est cette femme ?
On a longtemps cru que la femme ici représentée était membre de la famille Nani, d'où son surnom de Belle Nani. En réalité, nous ne connaissons ni le commanditaire du tableau, ni l'identité du modèle. Pourrait-il s'agir d'une de ces courtisanes élégantes et raffinées, qui faisaient la réputation de Venise ?
L'anneau d'or et la main sur le cœur image b suggèrent plutôt une femme mariée, réservée et fidèle. Le faste de son vêtement indique une femme aisée ou patricienne, hypothèse renforcée par le décolleté carré image c, réservé aux mères de famille vertueuses et porté uniquement lors des festivités. La cour de France était alors choquée par de tels décolletés !
Au moment où Véronèse peint ce portrait, l'artiste réalise des fresques pour la villa Barbaro image 2, à Maser image 8, immortalisant notamment la propriétaire du lieu, Giustiniana Giustiniani Barbaro. Pour certains, le tableau ici présenté pourrait être une commande de cette dernière. Pour d'autres, il pourrait s'agir d'Elena Badile, l'épouse de Véronèse. Or leur mariage n'a été célébré qu'en 1566, alors que la robe du modèle et le style du peintre indiquent plutôt une datation vers 1560. Mais Véronèse connaissait sa future épouse depuis qu'il avait fréquenté l'atelier de son père, Antonio Badile, dans ses jeunes années. Aurait-il anticipé le rôle d'épouse et de mère qu'elle tiendrait plus tard ?
L'art du portrait et l'illusion de la réalité
On sait que Véronèse a peint six portraits de femmes image 3 image 4 image 5 image 6 image 7 , ce qui est très peu au regard de l'ensemble de sa production.
Si le mystère quant à l'identité du modèle du tableau reste entier, il est tout à fait possible que ce soit parce que Véronèse ait voulu y dépeindre une forme d'idéal féminin. Cela pourrait être la participation du peintre au débat de l'époque concernant la définition même de la beauté, tant morale que physique.
Les formes généreuses du modèle, symbole de richesse autant que de fécondité, rappellent les canons de beauté de l'époque. Vêtue de bleu image d comme la Vierge, elle incarne l'idéal de la femme vertueuse.
On peut s'émerveiller de la finesse et de la régularité de ses traits, de la délicatesse de ses joues rosées, de son teint clair que le fond sombre fait ressortir autant que les perles le rehaussent, de son regard bleu et doux un peu perdu, de la magnificence des étoffes et des bijoux image e qu'elle porte. Véronèse imitait la réalité, sans doute pour mieux, comme ici, la transcender.
La mode à Venise
Cette femme est aussi représentative d'une Venise qui s'impose comme l'un des principaux centres européens de la mode. Sa blondeur était probablement travaillée par une exposition au soleil et accentuée par d'autres préparations, souvent à base d'urine. Des fanons de baleine sculptent son corps et rehaussent sa poitrine pour en souligner l'opulence. Sa robe est faite d'un velours de soie bleu argenté avec des manches en brocart de velours de soie image d et, surtout, des rehauts de dentelle image f qui montrent le savoir-faire vénitien dans les métiers de l'aiguille.
L'opulence de ses bijoux ainsi que son collier de perles image e vont à l'encontre des nombreux édits somptuaires qui interdisaient alors d'apparaître avec autant d'ostentation… Les exceptions à cette règle étaient cependant nombreuses. On voit bien la sensibilité de Véronèse à ces délicats artifices rehaussant la beauté de cette femme.
L'ensemble de ces éléments explique sans doute pourquoi ce portrait est aujourd'hui considéré comme l'un des plus beaux du XVIe siècle.
Les lieux de Paolo Veronèse - Le Palais ducal
Les lieux de Paolo Veronèse - La Villa maser
Mots-clés
Raphaëlle Frémont
Permalien : https://panoramadelart.com/analyse/une-patricienne-de-venise
Publié le 01/03/2022
Ressources
« Petite chronique du costume : La Belle Nani ou le chic vénitien », un article de Sabine de La Rochefoucauld publié dans le magazine Grande Galerie : le journal du Louvre (no 10, décembre 2009 – février 2010)
https://www.lateliercanson.com/petite-chronique-du-costume-la-belle-nani-ou-le-chic-venitien
La notice de l’œuvre sur le site des collections du musée du Louvre
Glossaire
Fresque : Technique de peinture murale qui consiste à appliquer des couleurs délayées à l’eau sur un enduit frais. Le mot est d’origine italienne, il vient de fresco qui signifie frais. Toute œuvre peinte d’après ce procédé est aussi désignée sous le nom de fresque.
Renaissance : Mouvement artistique né au XVe siècle en Italie et qui se diffuse dans le reste de l’Europe au XVIe siècle. Il repose sur la redécouverte, l’étude et la réinterprétation des textes, monuments et objets antiques. À la différence de la pensée médiévale qui donne à Dieu une place centrale, c'est l'homme qui est au cœur de la pensée de la Renaissance.
Cinquecento : XVIe siècle italien, parfois appelé haute Renaissance.
Patricien(ne) : Classe supérieure des citoyens romains. Le mot est utilisé pour parler des aristocrates.
Courtisane : Femme entretenue par des hommes, et au rang social élevé.
Rehaut : Zone de couleur claire utilisée pour faire ressortir des détails.