Lion dit de Monzon

Lion dit de Monzon

Auteur

Dimensions

H. : 31,5 cm ; L. : 54,5 cm ; Pr. : 13,7 cm ; Poids : 10,826 kg

Provenance

Espagne, Castille, Monzón de Palencia, château de Castellon

Technique

Sculpture

Matériaux

Bronze

Datation

975-1100

Lieu de conservation

France, Paris, musée du Louvre

À quoi sert cet objet ? Pourquoi ce lion a-t-il une gueule ouverte démesurée ?

Acquis par le célèbre peintre espagnol Mariano Fortuny (1871-1949), cet objet en bronze image principale peut être considéré comme un chef-d’œuvre. Prêt à bondir et rugissant, ce lion comporte un décor gravé sur son dos. Une inscription permet d’en savoir un peu plus sur son origine.

Un objet d’art utilitaire

Le lion dit de Monzon image principale présente une tête surdimensionnée par rapport à son corps détail b ; ses yeux sont en forme d’amande ; leurs contours sont très saillants, de même que les arcades sourcilières qui se prolongent tout autour de la tête pour se rejoindre sur le cou. La lèvre supérieure est garnie d’une bande de métal striée de profondes rainures. Juste au-dessus, le nez retroussé est le point de départ d’une série de lignes en relief s’étalant en éventail sur le front et entre les oreilles rondes ; deux d’entre elles se prolongent de chaque côté du dos détail c. Le fauve est fermement campé sur ses pattes courtes, abaissant légèrement son arrière-train sur ses membres postérieurs fléchis détail c. Sa queue, très longue, striée et terminée par un fleuron, se relève au-dessus de son dos détail c. La silhouette trapue, la gueule largement ouverte et les effets de la stylisation apportent à l’animal un aspect rugissant puissant.

En même temps, le soin avec lequel sont traités les motifs finement gravés au burin sur tout le corps révèle sa qualité d’œuvre d’art. On observe des points alignés sur sa tête ; des boucles parallèles qui suggèrent sa crinière ; des palmettes et des rinceaux végétaux sur son poitrail, son ventre et ses pattes ; des cercles et fleurons sur les extrémités de celles-ci. Un petit tapis est représenté sur son dos détail c.

Cette statuette avait une fonction pratique : elle servait de fontaine. En effet, le ventre comporte un large orifice, où aboutissait probablement une canalisation extérieure. De l’eau traversait le corps de l’animal pour être crachée par sa gueule largement ouverte. La queue détail c, articulée grâce à une charnière, est mobile mais ne servait pas de pompe, car l’intérieur de la paroi du lion est pleine au niveau de l’accroche de cette queue.

Un objet créé à Cordoue

Ce petit lion a été découvert en Espagne, dans les ruines d’un château musulman à Monzón de Campos, près de la ville de Palencia, en Castille image 6 ; mais il a probablement été créé en Andalousie, région située à 600 km de là. Au VIIIe siècle, l’Espagne avait été conquise par des armées arabes qui ont appelé cette région du Sud espagnol Al-Andalus. Les nouveaux souverains musulmans ont choisi la cité de Cordoue comme capitale image 6. Sur les flancs du lion sont inscrits des vœux : « Bénédiction parfaite » ; « Bonheur complet » (Baraka kamila, Ni’ima shamila). Dans le monde musulman médiéval, ce type de texte est fréquent dans le décor des objets en métal ou en céramique. On le retrouve sur un mortier métallique à anses en forme de têtes de lions découvert avec la statuette. Sur cette dernière, la partie supérieure des lettres présente une forme en col de cygne caractéristique de l’écriture arabe des XIIe et XIIIe siècles espagnols, moment où Al-Andalus est gouvernée par les trois almohades puis nasrides.

D’autres lions-fontaines

On doit à ces derniers souverains le splendide palais de l’Alhambra image 1, à Grenade (Andalousie) image 6. On y admire la cour des Lions, qui tient son nom de sa fontaine centrale, entourée de douze statues de lions qui en recrachent l’eau image 2. Bien que réalisées en pierre et plus grandes, elles ressemblent beaucoup au Lion de Monzon. Quelques autres sculptures animalières en bronze ont aussi cette fonction et peuvent lui être comparées, notamment des cerfs image 3 réalisés plus tôt pour Madinat al-Zahra (Medina Azahara), ville palatiale bâtie au Xe siècle près de Cordoue image 6. Ils ont en commun avec le Lion de Monzon une allure générale plutôt statique, des yeux en forme d’amande et un décor tapissant de rinceaux végétaux se terminant en fleurons. Par ailleurs, ces sculptures-fontaines peuvent être rapprochées d’aquamaniles métalliques zoomorphes créés également en Espagne à la même époque image 4. L’un d’eux représente un paon, animal symbole de royauté, comme le lion, dans le monde méditerranéen médiéval. L’Allemagne de la fin du Moyen-Âge produira elle aussi de semblables aquamaniles image 5. Les fontaines, de même que les aiguières en forme d’animaux, se rattachent au luxe des cours princières.

En Espagne musulmane, elles contribuent à la beauté des palais et jardins andalous. Ceux-ci sont plantés d’arbres et de fleurs variées, les Arabes ayant développé en Espagne la culture de végétaux orientaux : palmier-dattier, canne à sucre, citronnier, safran, henné. L’eau, précieuse dans les pays chauds, est amenée grâce à un système sophistiqué d’aqueducs et de canaux hérité des Perses et des Romains. Elle remplit des bassins et des fontaines dont les jets sortent parfois de statues comme le Lion de Monzon.

Mots-clés

Sylvie Cuni-Gramont

Permalien : https://panoramadelart.com/analyse/lion-dit-de-monzon

Publié le 14/11/2023

Ressources

La notice de l’œuvre sur le site du Musée du Louvre

https://collections.louvre.fr/ark:/53355/cl010330266

Ville califale de Medina Azahara sur le site web de l'UNESCO

https://whc.unesco.org/fr/list/1560/

L'Alhambra de Grenade sur le site web de l'UNESCO

https://whc.unesco.org/fr/list/314/

Glossaire

Fleuron : Motif décoratif en forme de fleur stylisée.

Dynastie des Almohades : Souverains musulmans d’origine berbère qui gouvernèrent l’Afrique du Nord et l’Espagne du milieu du XIIe siècle au milieu du XIIIe siècle.

Dynastie Nasride (1232-1492) : Derniers souverains musulmans d’Espagne, régnant en Andalousie sur Grenade et sa région.

Aquamanile : Terme provenant des mots latins aqua (« eau ») et manus (« main ») et désignant un récipient contenant de l’eau.

Zoomorphisme : En forme d’animal.