Noctambules (Nighthawks) Hopper Edward

Noctambules

Auteur

Dimensions

H. : 84,1 cm ; L. : 152,4 cm

Provenance

Technique

Peinture

Matériaux

Huile sur toile

Datation

1942

Lieu de conservation

États-Unis d’Amérique, Chicago, Art Institute Chicago

Que raconte ce paysage urbain d’une ville plongée dans l’obscurité et privée de ses habitants ?

Accoudés au Phillies, un bar restaurant new-yorkais, trois personnages sont murés dans le silence, la solitude, l’immobilisme image principale. Seul le serveur qui leur fait face semble vivant, violemment éclairé par la lumière des néons. La nuit est noire ; seul l’éclairage intérieur de ce restaurant situé à l’angle de deux rues découvre les façades et les trottoirs de la ville vide et silencieuse. L’ambiance mélancolique, les couleurs (le vert, le rouge et le jaune) rappellent Le Café de nuit, tableau de Vincent Van Gogh qui vient d’être exposé à New York. Pour Van Gogh lui-même, cette ville est « un endroit où l’on peut se ruiner, devenir fou, commettre des crimes… » image 1. Edward Hopper s’inspire également des éléments du roman d’Ernest Hemingway The Killers, qu’il vient de lire et d’apprécier : la nuit, un café, des tueurs à gages. Le cadrage, le côté sombre et le sujet sont inspirés des films noirs américains contemporains, qui mettent en scène des criminels.

Un tableau d’histoire

Edward Hopper peint Nighthawks quelques semaines après le bombardement de Pearl Harbor par les Japonais le 7 décembre 1941, qui précipitera les États-Unis dans la Seconde Guerre mondiale. Craignant une attaque aérienne, le gouvernement américain impose un couvre-feu et met en place des brigades de volontaires afin d’assurer la surveillance du ciel pendant la nuit. Edward Hopper en fait partie. C’est probablement ces marches nocturnes qui lui ont inspiré ce tableau. L’artiste a certainement aussi en tête la célèbre toile de Rembrandt La Ronde de nuit (Nightwatch) image 2 qu’il admire tant. Dans cette œuvre, la sécurité de la population était également confiée à des civils volontaires.

Edward Hopper, peintre du silence

Né en 1882 à Nyack, dans l’État de New-York, Edward Hopper, après une formation d’architecte naval puis d’illustrateur, suit les cours de Robert Henri à la New York School of Art durant six années avant de partir pour Paris. Très francophile (sa mère est d’origine française), il séjourne à trois reprises dans la Ville lumière, en 1906, 1909 et 1910. Il admire en particulier les œuvres d’Albert Marquet, d’Édouard Manet, d’Edgar Degas et l’intériorité silencieuse des compositions de Félix Vallotton image 3. Il devra attendre 1923 pour que le succès de l’exposition de ses aquarelles lui permette d’abandonner sa carrière d’illustrateur qu’il méprise. Il ne représentera plus jamais de scènes animées de la société américaine vivante, joyeuse, consommatrice, mais consacrera ses recherches à la représentation du silence, d’un instant figé, d’individus perdus dans leur pensées et solitaires. Fondamentalement attaché à la réalité, il reprend cette citation de Goethe : « La fin première et dernière de toute activité littéraire, c’est la reproduction du monde qui m’entoure via le monde qui est en moi. » Pour Hopper, ceci est le principe fondateur de la peinture.

Le peintre de la lumière et du tragique

Grand amateur de théâtre et de cinéma, Edward Hopper emprunte à ces arts leurs éclairages violents et la mise en scène psychologique des personnages. Sa personnalité est marquée par la philosophie de Ralph Waldo Emerson et la recherche d’une transcendance spirituelle. La lumière est pour lui la forme prosaïque de la spiritualité. Il cherchera tout au long de sa carrière à peindre la lumière en elle-même, une lumière qui ne serait pas attachée aux choses.

Une icône américaine

Edward Hopper est un artiste moderne, contemporain et acteur des mouvements artistiques d’avant-garde qui marquent le XXe siècle. Mais il s’en démarque par une peinture figurative particulière, pour laquelle il sera reconnu par l’exposition que lui consacre le MoMA de New-York en 1933. Nighthawks est aujourd’hui un tableau iconique pour les Américains. D’innombrables parodies ont repris l’effet aquarium du bar vu de l’extérieur, des Simpsons aux Lego, des dessinateurs aux cinéastes. Le réalisme de Hopper ne disparaîtra pas sous la poussée des abstractions formalistes, expressionnistes ou minimalistes et dans les années 1960. Un nouveau souffle apparaît avec les artistes du Pop' Art qui représenteront avec une esthétique nouvelle la réalité américaine.

Edward Hopper Nighthawks, une vidéo d'Art Institute of Chicago

Entre Réalisme et Abstraction, une vidéo de la RMN-Grand Palais

Anne de Farcy

Permalien : https://panoramadelart.com/analyse/noctambules-nighthawks

Publié le 27/01/2023

Ressources

L’interview de Didier Ottinger commissaire de l’exposition Edward Hopper au Grand Palais (2012-2013), par Hélène Valance

http://journals.openedition.org/transatlantica/5913

Le commentaire du tableau par Sarah Kelly Oehler, conservatrice à l’Art Institute of Chicago

https://www.artic.edu/articles/808/nighthawks-as-a-symbol-of-hope

Les Grandes traversées : Hemingway - Podcasts de France Culture

https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/serie-mythes-et-realites-d-ernest-hemingway

Glossaire

Pop’ Art (1950-1970) : Mouvement rassemblant des artistes explorant les sujets liés à la société de consommation, particulièrement le phénomène de l’image publicitaire.