Pazuzu

Pazuzu

Auteur

Dimensions

H. : 15 cm ; L. : 8,6 cm ; Pr. : 5,6 cm

Provenance

Lieu de création : Assyrie (?) - Lieu de découverte : Assyrie (?)

Technique

Sculpture, Fonte à la cire perdue

Matériaux

Bronze

Datation

Néo-assyrien - 911-604 av J.-C.

Lieu de conservation

France, Paris, musée du Louvre

À quoi servait cette sculpture de démon ?

Cette inquiétante statuette image principale est connue du grand public depuis son utilisation dans le cinéma et la bande dessinée. Mais elle est beaucoup plus ancienne, remontant à l’antique civilisation mésopotamienne.

Un démon assyrien

Au début du Ier millénaire av. J.-C., des rois d’Assyrie, région du nord de la Mésopotamie, s’emparent de tout le pays. Puis, par la conquête d’une grande partie des contrées voisines, ils en font le cœur d’un des plus vastes empires du Proche-Orient. Son apogée est atteint au VIIe siècle av. J.-C., sous le règne d’Assurbanipal image 1, dont la capitale est Ninive image 6. La religion assyrienne comprend de très nombreux dieux, les plus importants étant notamment Assur, dieu dynastique et guerrier, Adad, dieu de l’orage, Marduk, dieu agraire, et Ishtar, déesse de l’amour et de la guerre. Mais il existe aussi des divinités secondaires, parfois liées à la magie et à la sorcellerie, comme Pazuzu (prononcer « Pazouzou »). Apparu dans la littérature et l’art mésopotamiens au début de l’empire assyrien, il est le chef des génies malfaisants. L’inscription sur le dos et les ailes de la statuette image b en atteste : « Moi, le dieu Pazuzu, fils de Hanpa, je suis le roi des mauvais démons Lilû… » Ces derniers sont liés aux vents froids soufflant dans les montagnes de l’Est irakien, vecteurs de maladies et autres maux (tempêtes…). Pazuzu présente un physique effrayant, mi-humain, mi-animal. Sa tête est grosse et rectangulaire, et ses grands yeux, sous d’épais sourcils froncés, sont exorbités. Son nez et sa bouche aux dents pointues évoquent le museau d’un chien ou d’un fauve. Son corps est celui d’un homme nu et maigre. Certaines représentations le montrent couvert d’écailles. Ses mains sont plutôt des pattes griffues et ses pieds sont pourvus de serres de rapace. Enfin, il est doté de deux paires d’ailes et d’une queue de scorpion image c, attributs visibles également chez les génies bienfaisants de grande taille du décor sculpté de certains palais assyriens image 2. Comme ici, Pazuzu est souvent figuré dans une attitude menaçante, montrant ses crocs et levant la main, prêt à déchaîner les vents mauvais qu’il a le pouvoir de contrôler.

Un recours contre d’autres forces maléfiques

Cependant, il peut également les empêcher de nuire, comme le rappelle la fin de l’inscription : « Je suis celui qui gravit la puissante montagne qui en tremble. Les vents contraires que j’ai rencontrés ont été renvoyés vers l’ouest, et j’ai brisé les ailes de chacun d’entre eux. » Ainsi, Pazuzu, gouvernant les démons, peut aussi se retourner contre eux. Il devient alors une divinité protectrice, que les hommes peuvent solliciter. Ce rôle positif explique la représentation du dieu sur un grand nombre d’objets à but prophylactique ; certains peuvent même avoir été utilisés dans des cérémonies d’exorcisme. Datés du VIIIe au IVe siècles av. J.-C., ils ont été retrouvés en Irak, mais aussi en Iran et en Palestine. Ils prennent la forme de statuettes, de plaques ou de sceaux image 3 sculptés en bas- relief. Fabriqués dans divers matériaux, terre cuite, pierre (jaspe, stéatite…) ou métal, ils pouvaient être suspendus au cou des personnes concernées (malades…). Les plus grands étaient probablement accrochés comme notre figurine, puisqu’elle comporte un anneau de suspension au sommet de la tête. Ces objets étaient placés dans une pièce de la maison, souvent la chambre, peut-être à proximité des ouvertures (porte, fenêtre) facilitant l’entrée des êtres malveillants.

Un couple infernal

Ainsi, ces objets révèlent que Pazuzu est souvent invoqué pour contrer l’action néfaste de son épouse Lamashtu (« Lamachtou »). Cette redoutable démone provoque des fausses couches et enlève aux jeunes mères leurs bébés ou enfants en bas âge. Elle est aussi d’aspect hybride, avec une tête de lionne et des pieds en forme de griffes de rapace. Pazuzu apparaît donc sur certaines plaques protectrices, s’employant à chasser Lamashtu dans des scènes d’exorcisme accompagnées de textes de conjuration : sur la Plaque des enfers image 4, sa tête et ses griffes dominent le décor, mais il figure aussi dans le bas de la représentation, affrontant sa compagne : Lamashtu est installée sur un âne, ce dernier étant dans une barque ; brandissant des serpents, tout en allaitant un porcelet et un chiot, elle essaie d’atteindre le malade étendu sur un lit au-dessus d’elle. Mais Pazuzu (à gauche) intervient pour que le bateau de la démone la ramène aux enfers.

La redécouverte de Pazuzu

Son allure générale préfigurant celle des diablotins du Moyen Âge image 5, jointe au mystère de son origine antique, Pazuzu est redécouvert par les amateurs de fantastique du XXe siècle occidental. Après L’Exorciste, film d’horreur américain de William Friedkin sorti en 1973 et dans lequel les héros sont possédés par Pazuzu, la statuette est réutilisée dans la bande dessinée. En 1976, elle figure dans les Aventures d’Adèle Blanc-Sec, Le Démon de la Tour eiffel, dues au Français Jacques Tardi. Elle fait également une discrète apparition chez Corto Maltese, de l’Italien Hugo Pratt. Pazuzu figure aussi, très librement réinterprété, dans les comics Marvel, la musique rock (clip et pochette d’album du groupe Gorillaz), de même que dans certains jeux (Donjons et Dragons ; Louvre : l’ultime malédiction…)

Qui est Pazuzu ?, une vidéo des Ateliers d'art RMN-Grand Palais, présentation par Ariane Thomas, conservatrice au département des Antiquités orientales du Louvre

Sylvie Cuni-Gramont

Permalien : https://panoramadelart.com/analyse/pazuzu

Publié le 14/04/2023

Ressources

La notice de l'oeuvre sur le site du musée du Louvre

https://collections.louvre.fr/ark:/53355/cl010120489

Orient cunéiforme : qui est Pazuzu ? sur le site web de l'Archéologie.Culture.fr

https://archeologie.culture.fr/orient-cuneiforme/fr/est-pazuzu

"Pazuzu, le roi des démons de l'empire assyrien" - Les Odyssées du Louvre, un podcast deFrance Inter

https://www.youtube.com/watch?v=lkaMNfbIZBg

Robert Masson, "Catalogue des amulettes apotropaïques de Pazuzu, du Ier millénaire av. J.-C.", sur le site web Academia

https://www.academia.edu/17868086/Catalogue_des_amulettes

Jacques Tardi, "Les Aventures extraordinaires d’Adèle Blanc-Sec : le Démon de la tour Eiffel" sur le site web BDZoom

http://bdzoom.com/76107/patrimoine/%c2%ab-adele-blanc-sec-t2-le-demon-de-la-tour-eiffel-%c2%bb-par-jacques-tardi/

Glossaire

Mésopotamie : « Le pays entre les fleuves ». Nom donné par les Grecs dans l’Antiquité à la plaine située entre le Tigre et l’Euphrate. Cette région correspond à l’Irak et à une partie de la Syrie actuels.

Prophylaxie : Qui prévient la maladie.

Stéatite : Roche blanche, grise ou verte.

Cunéiforme (écriture) : Antique écriture mésopotamienne, aux caractères ressemblant à des clous ; les savants qui l’étudièrent, au XIXe siècle, l’appelèrent écriture « cunéiforme », clou se disant « cuneus » en latin.

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