Taureaux ailés de Khorsabad

Salle des Taureaux : vue axiale de la porte aux taureaux

Auteur

Dimensions

Provenance

Dur-Sharrukin

Technique

Haut-relief

Matériaux

Albâtre

Datation

Vers 710 av. J.-C.

Lieu de conservation

France, Paris, musée du Louvre

Quelle était la fonction de ces êtres fantastiques ?

L'Assyrie est un des royaumes de la Mésopotamie antique situé dans le nord de l'Iraq actuel, dans le triangle formé par les fleuves Tigre, Grand Zab et Petit Zab image 7. Il est attesté à partir du début du IIe millénaire avant J.-C. et devient un empire au premier millénaire avant J.-C. grâce à ses nombreuses guerres de conquête. Ses rois font alors construire de vastes palais comme celui de Khorsabad dont les portes principales étaient encadrées de grandes sculptures de taureaux ailés. image principale

La redécouverte de l'art assyrien

C'est la rivalité franco-anglaise pour le contrôle de la route des Indes qui donne le coup d'envoi à la recherche archéologique dans cette région avec la création, en 1842, par Louis-Philippe, du consulat de France à Mossoul. Le nouveau consul Paul-Emile Botta, médecin et botaniste, connait bien les pays arabes. Il entreprend à ses frais des sondages sur le tell de Kuyundjik, en face de Mossoul. Ce site se révèlera être Ninive de la Bible. Lorsque, en mars 1843, découragé, il reporte, sur les conseils d'un ouvrier, ses travaux sur le site de Khorsabad à 16 km au nord-est de Mossoul, le succès est total : les fouilles révèlent le palais du roi assyrien Sargon II, construit vers 710 avant J.-C. l'antique Dûr-Sharrukîn, « forteresse de Sargon ». Croyant avoir trouvé Ninive, Botta obtient une subvention du roi afin de poursuivre les travaux et la collaboration du dessinateur Eugène Flandin. Celui-ci dessine en 6 mois les reliefs de 15 salles, soit 130 dessins, 1 km 2 de sculptures sur 2 km trouvés. Beaucoup d'œuvres sont perdues, car laissées sur place, mais celles conservées témoignent de la fiabilité de ces dessins image 1.

La chasse à l'objet, pour enrichir les musées européens, est le moteur des fouilleurs de cette époque, d'où des méthodes un peu brutales.

En 1845 pour le premier envoi d'antiquités vers la France, Botta a eu du mal à choisir et par prudence certaines grandes statues sont découpées. Ainsi nos deux taureaux sont arrivés en 6 morceaux pour l'une et 5 pour l'autre.

En 1847, la première salle assyrienne du musée du Louvre est inaugurée grâce à l'arrivée des décors de Khorsabad image 2.

Les fouilles du palais de Sargon sont reprises, sous Napoléon III, par le consul Victor Place (1852-1854) aidé du dessinateur Félix Thomas. Ces travaux se veulent plus scientifiques et aux dessins s'ajoutent des plans, des empreintes et des photographies. Ces découvertes sont expédiée dès1853 mais le convoi ne part de Mossoul qu'en avril 1855. Il est constitué d'une grande barque et de 8 kéleks (énormes radeaux flottant grâce à des peaux de boucs gonflées) tous en surcharge image 3 . Après de nombreuses aventures et pertes de caisses, ce qui reste du convoi fait naufrage le 21 mai 1855. Sur les 149 caisses d'antiques parties, 123 sont perdues et seulement 26 caisses arrivent à Paris.

Henri Frankfort rouvre le site en 1929 pour le compte de l'Oriental Institute de Chicago et y travaille jusqu'en 1934. Nous lui devons les premiers vrais relevés architecturaux.

Depuis il n'y a eu que peu d'activité sur ce site et les vestiges découverts laissés en place sont abandonnés.

Le roi Sargon (722-705 avant J.-C.) et sa nouvelle capitale

Sargon II d'Assyrie image 4 règne à partir de 722 avant J.-C. et réside dans la capitale de ses prédécesseurs Nimrud (l'antique Kalkhu). Dans l'empire assyrien, on peut dire qu'il y a deux capitales : Assur, centre historique, administratif et religieux du pays et la ville siège de la résidence royale Nimrud au IXe siècle avant J.-C., Khorsabad au VIIIe siècle avant J.-C. et Ninive au VIIe siècle avant J.-C.

Sargon décide de créer une nouvelle ville en accord avec ses dieux il réfléchit à ses plans, choisi le site et y fait creuser un canal amenant l'eau du fleuve. Après quoi il achète les terres et organise le travail des ouvriers surtout des prisonniers de guerre. Le chantier démarre en l'an 5 du règne (717 avant J.-C. ) par la création d'une plate-forme servant de fondation à la ville. En l'an 15 (707 avant J.-C.), les dieux arrivent dans leurs sanctuaires ce qui donne lieu à de grandes fêtes et la nouvelle ville est inaugurée en l'an 16 (706 avant J.-C.). Mais Sargon meurt un an plus tard en 705 avant J.-C. et son fils et successeur Sennachérib fait le choix de partir à Ninive en abandonnant la ville neuve.

Sargon a plusieurs objectifs pour cette création : renforcer le rôle politique et économique de l'Assyrie à l'ouest ce qui lui permet d'accumuler denrées et matériaux pour la construction, contrôler de grands territoires étrangers sources de main d'œuvre déportée en nombre.

Un palais à la mesure du pouvoir d'un roi

Le roi assyrien est le représentant terrestre de son dieu Assur et son bras armé. Toutes ses actions sont destinées à les magnifier. Cela nous explique la monumentalité des palais et de leurs décors véritables instruments politiques d'auto proclamation, plus que de réelle propagande. Comme toutes les constructions mésopotamiennes, les palais assyriens sont construits en briques de terre crue. Les murs sont recouverts d'un enduit de chaux ou de plâtre. Les murs intérieurs sont ornés de dalles de pierres sculptées et peintes, de peintures murales sur enduit sec et de frises de briques émaillées. Le bois de cèdre du Liban est utilisé pour faire les grandes poutres de charpente et les vantaux de porte.

La ville de Khorsabad image 5 est entourée d'un rempart, aux angles orientés vers les points cardinaux, de 7 km de long, haut de 16 à 25 m, d'une épaisseur de 24 m avec tous les 27 m une tour de 30 m de haut (en tout 157 tours). Cette enceinte délimitant un espace de 300 hectares possédait sept portes toutes dédiées à une divinité. Une seconde enceinte entoure le palais autour duquel sont construits des temples et d'autres résidences dont celle du prince héritier.

Le palais et ses gardiens sculptés

Le vaste palais de 10 hectares est construit sur une butte naturelle qui domine la ville de 10 m. Il est organisé en environ 200 pièces et 30 cours il est plus grand et plus complexe que Nimrud. Le palais est divisé en deux parties principales : le babanou ou secteur officiel et administratif et le bîtanou secteur privé situé à l'arrière de la salle du trône. Les portes sont encadrées de génies protecteurs que les assyriens appellent alad-lammû ou lamassu. Taillés dans un seul bloc d'albâtre gypseux, pierre locale et fragile, ces sculptures associent le haut relief pour le corps et la ronde bosse pour la tête à l'origine elles étaient peintes comme tous les reliefs décorant les palais assyriens. En fonction de leur place dans le palais, ces géants de pierre ont une hauteur entre 3m50 à 5m80, une longueur de 1 m 30 et pèsent environ 30 tonnes. Un lamassu image b associe une tête humaine, des oreilles et un corps de taureau et les ailes d'un oiseau. La représentation d'un animal ailé à tête humaine est fréquente dans l'art du Proche Orient antique, et la plus ancienne connue provient d'Ebla en Syrie et date du IIIe millénaire avant J.-C. Typique du décor des palais assyriens, les plus anciens taureaux ailés proviennent du palais de Nimrud et les plus récents de Ninive, dernière capitale de l'empire. Leur fonction est plus magique qu'architecturale. En effet, le poids des voûtes ne repose qu'en partie sur eux et ils sont là pour protéger le palais, ses entrées et ses fondations contre les puissances néfastes.

Placés dans les jambages des portes, ils ont cinq pattes, pour les exemples les plus anciens, ce qui permet de les voir à l'arrêt (face) et en marche (coté). Entre les pattes, un texte en écriture cunéiforme et en langue assyrienne donne les titres du roi, rappelle ses exploits guerriers et se termine par le récit de la fondation de la ville et les malédictions contre quiconque s'attaquerait à cette fondation.

Ces gardes n'ont rien d'effrayant dans leur apparence de par leurs proportions harmonieuses. Réalisés selon un calcul mathématique image c, la face se divise en deux parties symétriques de part et d'autre d'une ligne verticale partant du centre d'une plume de la tiare, passant par le milieu des sourcils et de la barbe et se terminant entre les deux pattes avant. Leur tiare à motif de rosette, typique des lamassu de Khorsabad, porte plusieurs rangs de cornes marque du monde divin dans l'art mésopotamien. Le traitement des visages est caractéristique de l'époque : sourcils en une seule ligne, yeux en amande dont l'iris autrefois peinte nous regardait et bouche ourlée. La barbe et le poitrail sont traités en boucles disposées en lignes.

Nos deux lamassu proviennent de la cour VI dans la désignation actuelle, façade m de Botta. Il y a dégagé trois murs pourvus d'une porte centrale à deux lamassu et identifié ces portes en k, j et g. Nos deux taureaux encadraient la porte sud-est : la porte k image 6. Les bas-reliefs des murs figuraient une procession de personnages humains et de génies protecteurs en marche vers le roi Sargon. Les appartements royaux devaient s'organiser autour de cette cour.

Du palais au musée

Les différents fouilleurs ont découvert à Khorsabad une cinquantaine de lamassu intacts ou cassés. Le nombre d'origine devait être bien supérieur puisque le site n'a pas été intégralement dégagé. Actuellement neuf exemplaires complets sont présentés dans les musées du Louvre, de Londres, de Chicago et de Bagdad. Aucun de ces musées ne peut proposer de réelle reconstitution « archéologique » car beaucoup de sculptures sont restées sur place, que la polychromie a disparue et que leurs salles sont trop petites pour donner une idée de la grandeur réelle de ces palais.

Evelyne Faivre-Martin

Permalien : https://panoramadelart.com/analyse/taureaux-ailes-de-khorsabad

Publié le 12/12/2016

Ressources

Le site de Khorsabad, site grandpalais.fr

http://www.grandpalais.fr/fr/article/le-site-de-khorsabad

Glossaire

Haut-relief : Type de relief dans lequel les figures se détachent fortement du fond, à la différence du bas-relief.