Skyphos du trésor de Boscoreale

Skyphos du trésor de Boscoreale

Auteur

Dimensions

H. 9,2 cm ; L. 19,2 cm ; D. 12,5 cm

Provenance

Boscoreale, Italie

Technique

Orfèvrerie

Matériaux

Argent

Datation

Première moitié du Ier siècle

Lieu de conservation

France, Paris, musée du Louvre

Quelle est la signification de la scène représentée sur cette coupe en argent ? Événement historique ou représentation symbolique ? Quelle était la fonction de ce vase précieux ?

C'est en 1895 qu'est mis au jour au lieu-dit Boscoreale près de Pompéi un trésor exceptionnel, presque entièrement conservé aujourd'hui au musée du Louvre. Parmi les vases en argent, deux coupes, en forme de skyphos, présentent des images qui illustrent l'idéologie impériale à Rome au début du Ier siècle.

Une image du pouvoir impérial

Sur la première coupe [ image principale ], qui a perdu une partie de son décor, figure l'empereur Auguste (27 av. J.-C. – 14 apr. J.-C.) assis, entouré de licteurs. L'identification d'Auguste est incontestable, car son portrait officiel varie peu durant un long règne de quarante et un ans [ image 1 ]. La scène se passe sans doute lors de campagnes militaires menées sur le Rhin. La main droite tendue dans un geste d'accueil [ détail b ], l'empereur reçoit des Barbares vaincus qui lui présentent leurs jeunes enfants on voit encore l'un d'eux juché sur les épaules de son père [ détail c ]. Cette scène historique revêt une valeur symbolique. Elle exalte l'une des vertus impériales : la clémence exercée envers les populations, autrefois hostiles, désormais soumises et accueillies au sein de l'empire. Dans le testament politique d'Auguste, on peut lire en effet : « Les peuples étrangers auxquels je pouvais pardonner sans danger, j'ai préféré les épargner que les anéantir. »

L'autre face de la coupe est très endommagée, mais des photographies anciennes permettent de restituer la scène [ détail d ]. Auguste reçoit la victoire des mains de la déesse Vénus, tandis que le dieu Mars lui présente les personnifications des provinces [ détail e ]. L'Afrique est identifiable à la dépouille d'éléphant qui la coiffe. Cette image complète l'autre : Auguste apparaît ici comme le représentant d'un ordre universel dont les dieux sont les garants.

Deux coupes qui dialoguent entre elles

Dans le trésor, cet objet forme une paire avec une seconde coupe [ détail f ] qui représente Tibère (14-37), le successeur d'Auguste, conduisant une cérémonie de triomphe et participant à un sacrifice, deux moments importants de la vie politique et religieuse romaine.

Il est difficile de dater précisément les deux objets. Sont-ils contemporains ? Datent-ils tous deux du règne de Tibère ou bien celui d'Auguste est-il plus ancien ? Malgré ces incertitudes, leur présence dans le même trésor fait que leurs images dialoguent pour proclamer que l'action de l'empereur Tibère est fondée sur l'idéologie impériale définie par Auguste, le fondateur de la dynastie. Le traitement de ce thème dans la vaisselle d'argent est unique au Ier siècle et souligne le caractère exceptionnel des deux coupes de Boscoreale.

Un trésor caché à la hâte

Les deux coupes font partie d'un ensemble remarquable. Le trésor était en effet composé d'une centaine de pièces d'argenterie [ détail g ], de huit bijoux et d'un millier de pièces de monnaie d'or.

La villa de Boscoreale était une exploitation viticole située près de Pompéi, sur les pentes du Vésuve. Il est probable que, alerté par les secousses sismiques qui ont précédé l'éruption du 24 août 79, le propriétaire ait décidé de cacher ses biens les plus précieux dans la citerne alors vide. C'est là que le trésor a été retrouvé en 1895. L'identité de ce riche Romain reste inconnue, même si la présence des deux coupes indique vraisemblablement qu'il était proche du milieu impérial. En effet il n'était pas rare que l'empereur offrît à ceux qui l'avaient servi des pièces d'argenterie qui diffusaient la propagande officielle.

La constitution du trésor, sans doute amassé durant plusieurs générations, illustre le goût de la collection dont font preuve les riches Romains. Mais collectionner des pièces d'orfèvrerie, c'est aussi amasser une fortune autre que monétaire certaines pièces du trésor portent d'ailleurs, gravé sous le pied, le poids du métal.

Une coupe à boire ou à regarder ?

Les vases du trésor forment un ensemble de vaisselle pour le service de table, le ministerium. Les coupes vont toujours par paires [ détail g ] lors des repas, les convives commentent leurs décors variés et admirent leur facture raffinée, comme le décrit Pétrone dans son roman Le Satiricon. Mais les coupes à décor politique prennent sans doute plutôt place sur une console, afin de témoigner du goût et de la richesse de leur propriétaire, mais aussi de son attachement au pouvoir. Les peintures murales et les textes gardent le souvenir de ces présentations luxueuses au sein des pièces de réception des maisons romaines.

Un chef-d'œuvre de l'argenterie romaine

Ce sont les rois grecs de la période hellénistique qui les premiers ont suscité la création de vases en métal précieux. Dès le IIe siècle av. J.-C., les Romains apprécient la valeur esthétique de ces objets qu'ils rapportent dans le butin des campagnes menées en Méditerranée orientale. Ils font venir des orfèvres grecs en Italie, car ce sont eux les plus recherchés pour leur talent. Ces coupes montrent une maîtrise exceptionnelle de la technique du repoussé, qui consiste à travailler la feuille d'argent de l'intérieur pour obtenir un relief plus ou moins accentué.

La composition du groupe d'Auguste entouré de licteurs témoigne de la virtuosité de l'artiste à animer une scène à plusieurs personnages [ détail b ]. Traité en haut-relief, l'empereur se détache vigoureusement. Au second plan, ses compagnons forment un groupe uni, à la structure solide, étayée par les lignes obliques des baguettes déployées en éventail. Les attitudes sont variées, les visages individualisés. Les draperies tombent avec fluidité, les chevelures sont traitées en boucles légères. Certains historiens de l'art pensent qu'un décor d'une si grande qualité ne peut que s'inspirer d'un monument officiel. D'autres considèrent qu'il s'agit d'une création originale.

Outre le caractère exceptionnel du sujet, l'élégance du style et la virtuosité technique indiquent que les œuvres sont vraisemblablement issues d'un atelier proche du pouvoir. Les deux coupes du trésor de Boscoreale ne sont pas de simples vases à boire, mais, comme les grands camées [ image 2 ], ce sont des pièces de prestige qui se haussent au niveau des créations les plus remarquables de l'art romain au service de la propagande impériale.

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Hélène Bordier

Permalien : https://panoramadelart.com/analyse/skyphos-du-tresor-de-boscoreale

Publié le 07/10/2013

Ressources

La clémence et la douceur d’Auguste dans Vies des douze Césars de Suétone

http://bcs.fltr.ucl.ac.be/suet/AUG/51.htm

Le premier livre publié en France sur le trésor de Boscoreale en 1903, ouvrage très complet où l’on trouve notamment quelques photos anciennes des objets du trésor

http://archive.org/stream/largenterieetbij00hruoft#page/n0/mode/2up

Un extrait du Satiricon de Pétrone : le banquet chez Trimalcion

http://www.mediterranees.net/civilisation/esclavage/petrone.html

Glossaire

Skyphos : Vase à boire de la Grèce antique.

Licteur : Garde de l’Antiquité romaine. Son rôle était de porter une hache entourée d’un faisceau de verges, attribut de la fonction des grands magistrats qu’il accompagnait.

Haut-relief : Type de relief dans lequel les figures se détachent fortement du fond, à la différence du bas-relief.

Barbares : Pour les Grecs, tous les autres peuples. Pour les Romains, toutes les populations qui ne partagent pas la culture gréco-romaine.

Mars : Dieu romain de la Guerre, vénéré sous le nom d’Arès par les Grecs.

Trésor : Le terme trésor désigne à la fois un ensemble d’objets précieux et le lieu qui les abrite.

Période hellénistique : Dernière période chronologique de la civilisation grecque antique. Elle s’étend de la mort d’Alexandre le Grand en 323 av. J.-C. à la défaite des royaumes hellénistiques vaincus par les Romains à la bataille d’Actium en 31 av. J.-C. Par le choix des thèmes, l’art hellénistique privilégie la représentation de la souffrance humaine et affirme la toute-puissance des dieux. Il offre les premières représentations de l’âge, du petit enfant au vieillard. Il s’intéresse à la représentation du corps en mouvement et à l’expression des sentiments.

Camée : Pierre dure, de la famille des agates, gravée d’un motif en relief.

Aphrodite (Vénus) : Déesse de l’Amour et de la Beauté, vénérée sous le nom d’Aphrodite par les Grecs et de Vénus par les Romains. Selon Hésiode, la déesse serait née de l’écume fécondée par les organes sexuels d’Ouranos, tranchés par son fils Cronos. Son nom est donné aux statuettes préhistoriques, caractéristiques de la culture gravettienne, réalisées en pierre ou en ivoire, représentant des femmes aux formes généreuses.