Statue équestre de Marc-Aurèle

Statue équestre de Marc-Aurèle

Réduction du groupe érigé sur la place Louis-le-Grand (actuelle place Vendôme) à Paris et détruit en 1792

Auteur

Dimensions

H. 424 cm

Provenance

Technique

Sculpture

Matériaux

Bronze doré

Datation

Règne de Marc-Aurèle (161-180 apr. J.-C.) ou de son fils Commode (180-192 apr. J.-C.)

Lieu de conservation

Italie, Rome, musées du Capitole

D’où vient la célébrité de cette statue équestre, un des chefs-d’œuvre de l’art romain ? Comment a-t-elle pu traverser les siècles presque sans dommages ?

Cette œuvre impressionnante [ image principale ] est exceptionnelle à bien des égards : elle est la seule statue équestre de taille colossale (plus de 4 m de haut) datant de l'Antiquité à être parvenue jusqu'à nous, dans un excellent état de conservation (on voit bien les traces de dorure). Elle est également le seul monument équestre d'un empereur romain conservé, et l'image la plus célèbre de l'empereur Marc-Aurèle. Toujours exposée au public depuis l'Antiquité, elle a constitué au cours des siècles un modèle pour tous ceux qui se considéraient comme les héritiers de la civilisation romaine.

Un imposant portrait équestre

La statue frappe par sa taille et par l'impression de majesté qui s'en dégage. Apparues au milieu du VIe siècle av. J.-C. en Grèce pour honorer les cavaliers victorieux à une course [ image 1 ] , les statues équestres sont réservées à partir de l'époque hellénistique aux plus hauts personnages de l'État, souverains, généraux victorieux, magistrats. À Rome, sur le forum, elles constituent un honneur suprême, soumis à l'approbation du Sénat.

Assis sur un cheval puissant qu'il monte sans étriers (accessoires inconnus des Romains), l'empereur lève le bras droit dans un geste d'accueil et de clémence, non dénué d'autorité. Il est vêtu d'une tunique courte ceinturée à la taille et d'un manteau d'apparat agrafé sur l'épaule droite. Il s'agit d'un vêtement civil et non militaire, adapté à un contexte pacifique. Il porte des chaussures en cuir maintenues par des lanières entrecroisées.

On reconnaît bien le visage de Marc-Aurèle, qui est connu par de nombreux portraits [ détail b ] : ovale, il se caractérise par les lignes arrondies des sourcils surmontant de grands yeux légèrement proéminents. Le nez est droit, la bouche étroite est en partie masquée par une moustache tombante. Une chevelure épaisse et bouclée et une barbe mi-longue encadrent le visage lisse et serein d'un Marc-Aurèle plutôt jeune. Le regard est indiqué par le creusement des pupilles. Le cheval a été traité avec le même soin : grand, puissant, il est représenté avec beaucoup de réalisme. Ses naseaux sont fortement dilatés, ses lèvres tirées par le mors laissent apparaître les dents et la langue [ détail c ] . Une jambe levée, il vient d'être arrêté par son cavalier, qui tient les rênes de la main gauche. Comme lui, il tourne légèrement la tête vers la droite, signe que la statue était faite pour être vue de ce côté. Une partie de son harnachement est conservé, mais les rênes ont disparu.

Marc-Aurèle, l'empereur-philosophe

On ne connaît ni la date ni les circonstances de la commande. Mais la présence d'un ennemi vaincu sous l'antérieur droit du cheval (attesté par les témoignages médiévaux et perdu depuis), le geste de l'empereur et la forme du tapis de selle, inhabituel dans le monde romain [ détail c ], font penser que la statue commémorait les victoires de Marc-Aurèle, peut-être à l'occasion de son triomphe à Rome en 176, ou même après sa mort. En effet, son règne (161-180) est marqué par des guerres incessantes pour repousser les incursions de peuples germaniques ou orientaux aux frontières d'un empire désormais menacé et sur la défensive. Ainsi, cet empereur, passionné par la philosophie, adepte du stoïcisme et auteur de célèbres Pensées où il livre ses réflexions sur la vie humaine, passe son temps en campagne. Mais la calme majesté du visage, le costume civil et le geste de clémence reflètent bien cet idéal de maîtrise de soi et de pacification du monde qui est celui de Marc-Aurèle.

Une célébrité immense à l'époque moderne

À la chute de l'Empire romain et contrairement à la majorité des bronzes antiques, la statue échappe à la fonte grâce à une méprise : on pensait qu'elle représentait Constantin, le premier empereur romain à s'être converti au christianisme, au début du IVe siècle ; il était impensable de détruire l'image d'un souverain chrétien. On ne connaît pas son emplacement dans l'Antiquité (sans doute au forum), mais elle se trouvait au Moyen Âge devant la basilique Saint-Jean-de-Latran (la plus ancienne église de Rome, fondée justement par Constantin) et le palais du Latran, alors résidence pontificale. Charlemagne la connaissait, lui qui ressuscita en partie l'Empire romain en se faisant couronner empereur d'Occident par le pape Léon III en 800 à Rome. C'est peut-être lui, ou son petit-fils Charles le Chauve, qui est représenté dans une célèbre statuette conservée au musée du Louvre [ image 2 ] celle-ci est une des premières œuvres à faire écho au monument équestre de Marc-Aurèle qui, par sa dimension symbolique et le défi technique qu'il constitue, continue à inspirer les artistes et leurs commanditaires à la Renaissance. Au milieu du XVe siècle, Donatello est ainsi le premier sculpteur de l'époque moderne à réaliser une statue équestre en bronze, élevée en l'honneur d'Erasmo da Narni, dit le « Gattamelata », un valeureux condottiere de la République de Venise, mort à Padoue en 1443 (image 3). Plus tard, en Europe, les effigies équestres sont plutôt réservées aux souverains, qui cherchent à rivaliser avec leurs prestigieux prédécesseurs antiques. Girardon exécute ainsi une colossale statue équestre de Louis XIV pour la place Louis-le-Grand (actuelle place Vendôme) à Paris ; fondue à la Révolution, elle est connue par des versions de taille réduite [ image 4 ] .

En 1538, le pape Paul III fait transférer le monument de Marc-Aurèle au Capitole, siège du gouvernement de la ville. Michel-Ange restaure la statue et redessine autour d'elle la place, une des plus belles de Rome [ détail d ] . Malheureusement, de graves problèmes de corrosion amènent à la retirer de cet emplacement historique en 1981 et à la restaurer longuement. Désormais trop fragile pour être exposée en plein air, elle est visible depuis 1990 dans une cour couverte et climatisée des Musées capitolins et remplacée sur la place par une copie en bronze.

Françoise Besson

Permalien : https://panoramadelart.com/analyse/statue-equestre-de-marc-aurele

Publié le 28/07/2015

Glossaire

Commanditaire : Personne qui commande et finance une œuvre, une entreprise.

Forum : Dans l’urbanisme du monde romain, le forum est la place principale d’une ville. C’est là que se discutent les affaires publiques.