Table mécanique Oeben Jean-François

Table mécanique

Table ouverte

Dimensions

H. : 68,3 cm ; L. : 79,5 cm ; Pr. : 44,8 cm

Provenance

Technique

Ébénisterie, Marqueterie, Laque

Matériaux

Acacia (bois), Bois de violette, Ivoire, Bronze doré

Datation

Vers 1755

Lieu de conservation

France, Paris, musée du Louvre

Qu'est ce qu'une table mécanique ?

Cette petite table image principale aux pieds galbés et chantournés a été réalisée par Jean-François Oeben. Elle est caractéristique du style rocaille et de l'époque de Louis XV. Très certainement destinée à un usage féminin, sa particularité est d'être transformable : elle peut être utilisée comme table à écrire, à lire, mais aussi comme meuble de toilette.

Un travail d'équipe

Il est difficile de savoir qui a donné le dessin d'ensemble de cette table : un marchand-mercier, un architecte, un commanditaire, un ébéniste…

En effet, un meuble est réalisé par plusieurs artisans. La structure est faite par un menuisier, qui travaille les bois locaux l'ébéniste réalise le placage ou la marqueterie à l'aide de bois exotiques le bronzier prépare les bronzes, qui sont ensuite travaillés par le ciseleur puis dorés par le doreur le peintre vernisseur vernit le meuble qui, enfin, est vendu par le marchand mercier.

De cette équipe, seul reste le nom de l'ébéniste, qui signe en posant son estampille sur le meuble.

L'un des plus importants ébénistes de l'époque de Louis XV

D'origine flamande, Jean-François Oeben naît en Allemagne en 1721. Il arrive à Paris avant 1749. Par un jeu d'alliances familiales, il est lié à plusieurs ébénistes, dont Martin Carlin. Il travaille aux côtés de Jean-Pierre Latz et d'un fils d'André-Charles Boulle, avant de devenir ébéniste du Roi en 1754. Il s'installe dans l'enclos des Gobelins, où il dispose d'un atelier et d'un logement. Nommé ébéniste et mécanicien du Roi en 1760, il passe sa maîtrise en 1761.

Jean-François Oeben travaille beaucoup pour le marchand mercier Lazare Duvaux, et réalise de nombreux meubles pour Madame de Pompadour, le Dauphin, Louis XV image 1

Un ingénieux mécanisme

À ses talents d'ébéniste s'ajoute une ingéniosité technique dont témoigne cette petite table. En effet, elle est dotée d'un mécanisme complexe, commandé par la serrure se trouvant sur le côté droit et qui permet de faire reculer le plateau et avancer le grand tiroir, pourvu d'un pupitre dans la partie centrale. Celui-ci, garni d'une soie verte côté écriture, et d'un panneau en laque provenant du Japon côté lecture, peut s'élever à l'aide d'une crémaillère et se retourner. Un petit tiroir se cache sous le grand, au niveau de la ceinture du meuble. Le pupitre est encadré de deux casiers fermés par des couvercles à charnières.

Jean-François Oeben se fait une spécialité de ces meubles à mécanisme complexe image 2, comportant parfois des tiroirs secrets. En 1756, il déménage pour l'Arsenal, ce qui lui permet de disposer d'une forge pour ses travaux de mécanique.

Un décor floral

Le bâti de la table est en chêne, mais celui-ci est entièrement caché par la marqueterie composée d'acajou, d'amarante, de bois de violette, de satiné… et même d'ivoire teinté en vert.

Le plateau image c, bien chantourné, est décoré d'une corbeille fleurie posée sur un socle, lui-même orné d'une large coquille et de deux encadrements de croisillons d'ivoire. Un cartouche encadre le tout, avec, dans la partie haute, un décor de guirlandes de fleurs et, dans les quatre coins, d'animaux évoquant les quatre éléments : un lion (la terre), une salamandre (le feu), un oiseau (l'air) et un cygne (l'eau).

L'ébéniste joue non seulement sur les veines des différents bois, mais aussi sur leurs contrastes de couleurs, certains ayant été teintés de couleurs vives (rouge, vert, jaune…).

Des éléments de bronze protègent les rebords du plateau et les pieds, tandis que des mascarons surmontés d'une feuille déployée décorent le haut des pieds image d.

Les côtés du meuble et le dessus des casiers sont couverts d'une marqueterie mosaïquée à décor de losanges, avec un petit fleuron central.

Un meuble à la mode

On attribue souvent à Madame de Pompadour un rôle dans le lancement de la mode de ce type de petites tables, d'ailleurs rapidement appelées tables Pompadour.

Sur un tableau de François Guérin montrant la marquise en compagnie de sa fille, apparaît une petite table semblable à celle-ci.

La présence d'un panneau de laque du Japon rappelle le goût de Madame de Pompadour pour ce type d'objets qu'elle collectionnait.

Si rien ne permet d'affirmer que cette table lui ait appartenu, elle est tout à fait représentative de son goût. Elle constitue un parfait exemple des meubles destinés aux femmes fortunées, et reflète la mode et l'art de vivre du XVIIIe siècle.

Christine Bourdeaux

Permalien : https://panoramadelart.com/analyse/table-mecanique

Publié le 27/09/2019

Glossaire

Marqueterie : assemblage de petites plaques, en matériaux variés, formant un motif décoratif.

Ciselure : technique de métallurgie par laquelle les objets sont retravaillés à l’aide de petits instruments dits ciselets pour soit supprimer les imperfections soit pour créer des détails et donner plus de finesse aux décors.

Gobelins : Manufacture de meubles et de tapisseries créée à Paris sous Louis XIV, dont Charles Le Brun fut le premier directeur. Institution royale puis nationale, elle conserve et produit encore aujourd’hui des pièces destinées à l’ameublement des palais de la République.

Chantourné : Découpé en suivant une ligne courbe.

Marchand mercier : « Marchand de tout et faiseur de rien », selon la définition attribuée à Denis Diderot dans l’Encyclopédie. Le marchand mercier est donc l’intermédiaire entre le client ou commanditaire et les artisans. Il n’a pas le droit de fabriquer, mais il est le dernier maillon de la chaîne puisqu’il vend ce que les artisans produisent. Il peut fournir également des dessins qu’il propose à ses clients ou aux artisans avec lesquels il travaille.

Arsenal : Ancien entrepôt de munitions et d’armes sous l’Ancien Régime, dès le XIVe siècle, et lieu d’habitation du grand maître de l’Artillerie jusqu’en 1755. Les forges aménagées ne servant plus pour la fonte des canons, les artisans les utilisent pour la fabrication de décors.

Laque : Résine d’arbustes poussant en Asie qui durcit en séchant. La laque est utilisée pour décorer meubles, boîtes, paravents... D’abord importée de Chine ou du Japon, la laque est ensuite imitée par des vernis en Europe.