L’Homme à la guitare Picasso Pablo

L’Homme à la guitare

Auteur

Dimensions

H. : 154 cm ; L. :77,5 cm

Provenance

Technique

Peinture

Matériaux

Huile sur toile

Datation

1011

Lieu de conservation

France, Paris, musée Picasso

Un tableau cubiste ? Représentation du réel ou abstraction ? Que cherche à faire Picasso ? 

Formé à la peinture classique, Pablo Picasso a rompu brutalement avec elle en 1907 dans une toile monumentale intitulée Les Demoiselles d'Avignon, aujourd'hui aux États-Unis. Il s'engage alors dans l'aventure du cubisme. L'Homme à la guitare, que l'artiste avait conservé dans sa collection personnelle, permet de comprendre ses recherches au sein de ce mouvement fondateur de l'art moderne.

Mais où est la guitare ?

Le thème de la musique est récurrent dans l'œuvre de Picasso. L'Homme à la guitare fait partie d'une série de huit compositions monumentales des années cubistes qui représentent des figures d'hommes ou de femmes avec un instrument de musique.

Le spectateur est d'abord dérouté devant cette grande peinture image principale qui impose au regard un réseau de lignes géométriques et une gamme de couleurs restreinte, limitée aux tons bruns, ocres et gris. L'impression générale est celle de petites surfaces fragmentées vibrant dans la lumière. Mais quelques signes sont autant d'indices donnés à l'œil pour aider à la lecture : trois lettres, KOU, et des objets. Une pipe image b permet de trouver la bouche et à partir de là de reconstruire la forme du visage. Un verre image c qu'il faut recomposer à partir du pied et de la coupe indique une table à droite. La feuille blanche d'une partition permet de repérer un peu plus haut le trou sombre de la guitare autour duquel s'articulent la caisse et le manche de l'instrument image d. Le spectateur participe intellectuellement à la recomposition de l'image fragmentée, analysée par le peintre, et finit par identifier un guitariste, la pipe à la bouche, assis à la table d'un café.

Pourquoi Picasso rend-il la représentation si peu lisible ?

L'artiste se pose une des questions fondamentales de la peinture : comment représenter un sujet en trois dimensions, sur une surface plane, en deux dimensions ?

Picasso refuse la perspective pour représenter l'espace ; il exclut le modelé pour rendre les volumes. Il renonce à ces procédés illusionnistes et tente au contraire de lier au maximum la figure et le fond. Il est marqué par les recherches de Cézanne, qui décompose les formes en volumes géométriques et travaille la couleur en hachures parallèles, créant ainsi des transitions, des passages, entre les différents plans juxtaposés image 1.

Pour rendre sur la toile ce que l'œil perçoit de manière globale, Picasso analyse tous les éléments indépendamment, ce qui le conduit à fragmenter la réalité image c. En même temps il intègre la figure et le fond dans une même grille de lignes géométriques et il abandonne la couleur qu'il juge trop expressive. Mais ce cubisme dit « analytique » des années 1910-1911 présente un risque, celui que la représentation devienne illisible, que la géométrisation conduise à l'abstraction.

Le cubisme de Picasso et Braque, la peinture en recherche

L'Homme à la guitare a été peint durant les années 1908/1914, période durant laquelle Picasso et Braque travaillent en étroite collaboration et se livrent à une remise en question permanente de leur écriture plastique ; ils forment alors ce que Braque a appelé « une cordée en montagne » ; chaque avancée de l'un suscite une nouvelle proposition de l'autre.

Ils partagent le même atelier et revendiquent leur communauté créatrice en décidant de ne pas signer leurs œuvres. Ils peignent des personnages, des paysages et des natures mortes qu'il est parfois difficile d'attribuer à l'un ou à l'autre image 2.

En 1908, Matisse taxe avec humour un paysage peint par Georges Braque de « petits cubes» ; un critique s'empare de cette expression pour inventer le mot « cubisme ». Picasso et Braque occupent une place privilégiée au sein de ce mouvement d'avant-garde dans l'art du XXe siècle. Le poète Guillaume Apollinaire soutient leur démarche et, dans Les Peintres cubistes, ouvrage qu'il publie en 1913, il écrit « […] on peut peindre avec ce qu'on voudra […] il me suffit à moi de voir le travail ».

Le « travail » de Picasso

L'Homme à la guitare porte trois dates au dos de la toile : 1911, 1912, 1913. Les œuvres de Picasso sont toujours soigneusement datées ; la succession de ces dates témoigne du travail du peintre, ce travail qu'il définit dans la fameuse formule « Je ne cherche pas, je trouve » ; chaque « trouvaille » est expérimentale.

Dans ce tableau, le processus d'expérimentation à l'œuvre est bien visible. Picasso l'a en effet repris plusieurs fois. Le centre de la toile est traité en une succession de plans géométriques fragmentés caractéristiques du « cubisme analytique ». Mais le tiers inférieur est construit en plans plus larges ; la fragmentation disparaît au profit d'une reconstruction de la forme pour éviter sa dissolution. Ce cubisme dit « synthétique » illustre le souci de Picasso de ne pas tomber dans l'abstraction.

Très vite cette volonté de revenir au réel le conduit à de nouvelles expérimentations. En 1912, dans Nature morte à la chaise cannéeimage 3, il utilise la technique du collage et introduit des matériaux nouveaux comme la toile cirée, la corde. Pour explorer la tridimensionnalité, il construit des sculptures en assemblant du carton, de la ficelle, de la tôle… image 4. Il revient également à la couleur. Pour Picasso, le cubisme constitue avant tout un moyen d'expérimenter la peinture durant quelques années.

Picasso, un homme d'influence, une vidéo de la RMN-Grand Palais

L'histoire du cubisme, une vidéo de la RMN-Grand Palais

Hélène Bordier

Permalien : https://panoramadelart.com/analyse/lhomme-la-guitare

Publié le 08/10/2014

Ressources

Cubisme et papiers collés, sur le site du musée Picasso

http://www.musee-picasso.fr/homes/home_id23984_u1/2.htm

L’influence de Cézanne, sur le site du musée Picasso

http://www.musee-picasso.fr/homes/home_id23984_u1/2.htm

Les Demoiselles d’Avignon, conservé au Museum of Modern Art de New York

http://www.moma.org/explore/conservation/demoiselles/history.html

Un article « Les peintres cubistes selon Apollinaire »

http://artsrtlettres.ning.com/profiles/blogs/les-peintres-cubistes-selon

Un dossier pédagogique « Pablo Picasso », sur le site du Centre Georges-Pompidou

http://mediation.centrepompidou.fr/education/ressources/ENS-PICASSO/ENS-picasso.html

Glossaire

Modelé : Manière de rendre le relief des formes, particulièrement celles du corps humain.

Perspective : Technique qui permet de représenter l’espace et les objets avec de la profondeur et des volumes sur une surface plane pour donner l’illusion de la troisième dimension.

Nature morte : Représentation d’objets, de végétaux, de nourriture ou d’animaux sans vie.

Art abstrait : Expression artistique, née au début du XXe siècle, qui ne met pas en jeu la représentation du réel. Kandinsky (1866-1944) est un artiste pionnier de cette nouvelle tendance en peinture. Plusieurs courants d’art abstrait se succèdent ou coexistent jusqu’à nos jours.

Cubisme : Courant artistique, né peu avant la guerre de 1914, dont les pionniers furent Pablo Picasso et Georges Braque. Il porte un nouveau regard sur l’objet, dont les volumes et les plans peuvent être représentés de manière stylisée et vus simultanément sous plusieurs angles. Il s’inspire à la fois des recherches formelles de Paul Cézanne et des arts premiers.