L’Impératrice Joséphine Prud’hon Pierre-Paul

L’Impératrice Joséphine

Dimensions

H. : 244 cm ; L. : 179 cm

Provenance

Technique

Peinture

Matériaux

Huile sur toile

Datation

1805

Lieu de conservation

France, Paris, musée du Louvre

Portrait officiel ou portrait privé ?

Marie-Josèphe Rose Tascher de La Pagerie (1763-1814) naît aux Trois-Îlets dans une famille installée en Martinique depuis le début du XVIIIe siècle. Elle quitte la Martinique à quinze ans pour épouser le vicomte de Beauharnais. Séparée de son époux dont elle a deux enfants, Eugène et Hortense, elle est veuve en 1794 et épouse civilement le général Napoléon Bonaparte deux ans plus tard. Elle participe à l’ascension de son époux, sacré empereur en 1804, et le soutient grâce à ses relations dans la société de l’Ancien Régime et les milieux de la finance.

Ce grand portrait commandé par Napoléon attire l’attention sur la personnalité singulière de l’impératrice, protectrice des arts et des sciences. Son auteur, Pierre-Paul Prud’hon, proche des artistes néoclassiques, est un des peintres favoris de la famille impériale. Son traitement pictural et ses thèmes en font un précurseur du mouvement romantique.

Un portrait d’impératrice bien peu conventionnel

L’impératrice Joséphine, assise sur un rocher du parc de son château de Malmaison, semble en pleine rêverie. Son bras gauche soutient délicatement sa tête, dans une attitude pensive, son bras droit passe devant son buste et engage une torsion du corps vers la droite. La blancheur de la robe et le rouge profond du châle contrastent avec les tons vert sombre du paysage. Filtrant à travers les frondaisons des arbres du parc, la lumière du soir éclaire la carnation délicate et fait scintiller l’or du costume et des bijoux. La nature, très présente dans ce portrait, participe à la douceur de l’œuvre.

Une impératrice en son jardin

Joséphine se réfugie régulièrement dans son château de Malmaison, demeure qu’elle affectionne particulièrement et où elle s’adonne à sa passion pour la botanique. La valeur scientifique des serres, des roses et des plantes exotiques importées à grands frais était reconnue en Europe par les botanistes, les pépiniéristes et les savants.

Joséphine aménage dans le parc de Malmaison des jardins à l’anglaise [ image 1 ]. Le principe de ces jardins apparus au siècle des Lumières consiste à imiter les irrégularités de la nature : accidents du terrain, sinuosité du parcours et luxuriance de la végétation en constituent les particularités. Le jardin champêtre du Petit Trianon, conçu par Richard Mique pour Marie-Antoinette, en est un des premiers exemples en France [ image 2 ] . C’est donc dans un lieu qui lui est cher et dont elle a modelé l’aspect que Joséphine pose.

Un portrait « au naturel »

Au XVIIIe siècle, l’intérêt des Lumières pour la nature renouvelle l’art du portrait. La nature n’est plus un simple décor, mais elle devient sujet, pratiquement au même titre que le modèle. Les couleurs des arbres ou la densité des frondaisons doivent alors s'accorder avec l’état émotionnel du modèle. En littérature, Les Confessions de Rousseau, écrites dès 1765 mais publiées en 1782, évoquent la contemplation d’un paysage sauvage et primitif comme une des sources de l’introspection et des sentiments. Le goût pour les romans sentimentaux, comme Paul et Virginie de Bernardin de Saint-Pierre, exacerbe cette veine. Prud’hon choisit pour son modèle une attitude méditative, héritière des images de la Mélancolie des siècles précédents et de la sculpture antique [ image 3 ]. Au début du XIXe siècle, ce repli sur soi favorise, d’après les penseurs, le développement des émotions les plus vives.

Les artistes anglais inventent un nouveau type de portrait où la nature figurée à l’arrière-plan épouse par, ses couleurs ou son aspect, les émotions du modèle. Loin de tout artifice, ce type de portrait est appelé « portrait au naturel ». Le portrait de Prud’hon est fidèle à cette école tout en y intégrant de nouveaux éléments qui seront repris par les peintres romantiques : la pose alanguie, le regard rêveur, la douceur des éclats de lumière sous les frondaisons et la touche picturale estompée.

Un portrait d’impératrice

Cette peinture échappe aux conventions du portrait d’apparat. Pourtant il s’agit bien d’une représentation de l’épouse de Napoléon Ier, impératrice des Français. Joséphine porte une robe blanche à l’antique brodée d'or. Elle est enveloppée d’un châle de cachemire pourpre, couleur impériale. Un diadème d’or ceint sa tête, telle une couronne [ détail b ] . À l’arrière-plan à gauche apparaît un vase rempli de fritillaires [ détail c ], appelées aussi « couronne impériale ». La symbolique de ces fleurs sera utilisée plus tard par Prud’hon dans le portrait du petit roi de Rome [ image 5 ], mais aussi dans le décor textile du salon du Roi de Rome au château de Meudon [ image 6 ] .

L’atmosphère mélancolique de ce tableau peint à partir de 1805 a souvent été associée à une période particulièrement difficile de la vie de Joséphine. Elle est alors âgée de quarante-deux ans, et il est évident qu’elle ne pourra jamais donner d’héritier à l’empereur. C’est pourquoi Napoléon songe au divorce, bien que mariés religieusement la veille du sacre, le 1er décembre 1804, et malgré leur attachement. Le divorce par consentement mutuel est prononcé le 15 décembre 1809. Et pourtant, la séparation ne sera jamais définitive. Joséphine et Napoléon continueront à correspondre. Après l’abdication le 16 avril 1814, Napoléon écrit : « Adieu, ma chère Joséphine, résignez-vous ainsi que moi, et ne perdez jamais le souvenir de celui qui ne vous a jamais oubliée et ne vous oubliera jamais. »

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Cécile Galinier

Permalien : https://panoramadelart.com/analyse/limperatrice-josephine

Publié le 10/03/2014

Ressources

Commentaire d’une œuvre représentant le divorce

http://www.histoire-image.org/site/etude_comp/etude_comp_detail.php?i=1132

Sur la symbolique napoléonienne, sur le site de la Fondation Napoléon

http://www.napoleon.org/fr/essentiels/symbolique/index.asp

Une fiche du musée des Beaux-Arts de Dijon, présentant l’artiste et son époque

http://mba.dijon.fr/sites/default/files/Collections/XVIII/pdf/prudhon.pdf

Glossaire

Néoclassicisme : Mouvement artistique qui se développe du milieu du XVIIIe au milieu du XIXe siècle. Renouant avec le classicisme du XVIIe siècle, il entend revenir aux modèles hérités de l’Antiquité, redécouverts par l’archéologie naissante. Il se caractérise par une représentation idéalisée des formes mises en valeur par le dessin.