Allégorie du Bon Gouvernement Lorenzetti Ambrogio

Allégorie du Bon Gouvernement

Détail de l’allégorie de la Paix

Dimensions

H. : 200 cm ; L. : 700 cm

Provenance

Technique

Fresque

Matériaux

Datation

1338-1339

Lieu de conservation

Italie, Sienne, palazzo publico

Quel est le sens politique de cette fresque, qui orne la salle du Conseil des Neuf du palais communal de Sienne ?
Ambrogio Lorenzetti, un peintre entre Moyen Âge et Renaissance ?

À la fin du Moyen Âge, la commune de Sienne est gouvernée par le Conseil des Neuf, dont le devoir est de garantir la paix et la sécurité, gages de prospérité de la ville. Renouvelable tous les deux mois, il est composé de neuf citoyens élus par tirage au sort. Ce système permettait de limiter l'emprise de quelques familles sur la ville et garantissait, en théorie, un gouvernement juste et équitable.

Un décor complexe

Les neuf magistrats siégeaient au palais communal de la ville. Le décor complexe qui orne la salle du Conseil a été peint par Ambrogio Lorenzetti, artiste siennois actif au XIVe siècle.

Sur le mur nord, la fresque principale, représentant l'allégorie du Bon Gouvernement image principale, fait face aux fenêtres du mur sud. De part et d'autre se déploient deux autres compositions. Celle de droite, sur le mur est, représente les effets du Bon Gouvernement sur la ville image 1 et sur la campagne image 2. Celle de gauche, sur le mur ouest, réunit l'allégorie du Mauvais Gouvernement et ses conséquences sur la ville et la campagne. Ces grands paysages permettent sans doute de rendre le message politique accessible au plus grand nombre.

Un gouvernement en image

La fresque principale est composée d'allégories évoquant les qualités et les vertus du Bon Gouvernement. Identifiables par des inscriptions, elles sont organisées en trois registres horizontaux.

Le ciel constitue le registre supérieur image b. De gauche à droite, la Sagesse et les trois vertus théologales (la Foi, la Charité et l'Espérance) rappellent que le Bon Gouvernement est d'inspiration divine.

Dans la partie gauche du registre médian image c, la Justice est assise sur un trône et tient une balance. Dans la partie droite, un vieil homme barbu, allégorie du Bien commun, est assis au milieu d'une estrade. Muni d'un sceptre et d'un bouclier orné d'une figure de la Vierge, protectrice de la cité, il est entouré des vertus nécessaires au bon exercice du pouvoir (la Paix, la Force et la Prudence à sa droite, et la Magnanimité, la Tempérance et la Justice à sa gauche).

Dans le registre inférieur enfin image d, la Concorde munie d'un rabot et placée sous la Justice évoque le nivellement des inégalités dans l'intérêt de la collectivité, incarnée par vingt-quatre citoyens. Sur la droite, des soldats gardent des prisonniers ligotés.

Un langage codé

En recourant à l'allégorie, Ambrogio Lorenzetti crée une image dont il est nécessaire de connaître les clés de lecture. Certaines sont évidentes et très répandues, comme la balance de la Justice image c évoquant l'idée d'équité, et le glaive associé à la tête coupée, symbolisant la justice punitive garante de l'ordre social et de la sécurité. D'autres, en revanche, sont nouvelles et imagées, comme le rabot de la Concorde image d qui aplanit les dissensions.

Si elles reflètent la culture du peintre et de ses commanditaires, ces allégories sont cependant difficiles à comprendre pour un public non averti.

Un curieux sens des proportions

Ces personnages, représentés dans un même espace, présentent des dimensions sensiblement différentes. Ainsi, le Bien commun est la figure la plus grande de la composition, tandis que les vingt-quatre citoyens en sont les plus petites. La Justice est quant à elle plus grande que la Concorde. Il s'agit là d'une codification fréquente dans l'art médiéval, qui veut que la taille des personnages soit proportionnelle à leur importance sémantique. Plus la figure est grande, plus son rôle est important dans le message délivré.

Un réalisme tempéré

La fresque décrivant la ville image 1 et la campagne prospères image 2constitue l'un des premiers paysages panoramiques connus de l'art occidental. Si certains monuments de Sienne y sont reconnaissables, comme la cathédrale dans l'angle supérieur gauche, ou encore une porte fortifiée, il ne s'agit cependant pas d'une représentation topographique de la ville. En effet, le palais communal et la place du Campo, qui en sont les symboles, n'ont pas été représentés par Lorenzetti. Le peintre semble ainsi avoir recherché la vraisemblance plutôt qu'une représentation illusionniste de la cité.

Une perspective qui donne à voir

Ambrogio Lorenzetti ne connaissait pas la perspective à point de fuite unique, qui sera inventée au début du XVe siècle à Florence. Il privilégie donc une vue plongeante de la ville, en multipliant les points de vue sur les bâtiments image 1. Les plans lointains sont traités avec la même précision que les plans proches. Invité à circuler à l'intérieur des scènes, le spectateur perçoit l'ensemble des activités de la ville et de la campagne, garantes de la prospérité citadine : les multiples échoppes, avec leurs artisans, et la diversité des activités agricoles.

L'héritage de l'Antiquité

En Italie, le passé antique est toujours très présent. Pour son œuvre, Ambrogio Lorenzetti s'inspire des modèles de cette période. Ainsi, le personnage nu ailé flottant au-dessus de la porte de la ville, symbolisant la sécurité à laquelle tout citoyen siennois aspire, évoque les Victoires de l'Antiquité romaine image 3. Le drapé de la Paix et la position qu'elle adopte image 4 rappellent également certaines sculptures antiques. Enfin, aux pieds du Bien commun image principale, le peintre figure les jumeaux Senius et Aschinus, fils de Rémus, traditionnellement considérés comme les fondateurs de Sienne.

Ambrogio Lorenzetti, un peintre siennois lettré

Le décor de la salle du Conseil atteste de la culture intellectuelle complexe de Lorenzetti, qui annonce la figure de l'artiste de la Renaissance. En associant dans ces images allégories, références à l'Antiquité et souci du réel, le peintre montre une culture littéraire, visuelle et technique supérieure à celle d'un simple artisan peintre. La richesse des références de cet artiste, puisant dans les recherches initiées par ses prédécesseurs (Duccio, Cimabue, Giotto), montre que Sienne est l'un des foyers artistiques majeurs de la période de transition entre le Moyen Âge et la Renaissance. Mais la ville, durement touchée par l'épidémie de peste noire de 1348, connaît une grave crise économique et démographique, et peinera à se relever. Dans ce contexte la mort d'Ambrogio Lorenzetti freinera également cet élan vers la Renaissance.

Isabelle Bonithon

Permalien : https://panoramadelart.com/analyse/allegorie-du-bon-gouvernement

Publié le 14/09/2016

Ressources

Un historique de la ville de Sienne au Moyen Âge

http://whc.unesco.org/fr/list/717/

Un panorama général de la peinture siennoise au XIIIe siècle

http://www.aparences.net/ecoles/la-peinture-siennoise/sienne-lage-dor/

Une interview de Patrick Boucheron à propos de son livre Conjurer la peur, Sienne 1338, essai sur la force politique des images, et une introduction au contexte politique dans lequel la fresque a été réalisée

http://www.franceculture.fr/emission-concordance-des-temps-les-cites-italiennes-laboratoires-d-une-republique-2013-11-09

Glossaire

Allégorie : Représentation figurée d’une idée abstraite.

Perspective : Technique qui permet de représenter l’espace et les objets avec de la profondeur et des volumes sur une surface plane pour donner l’illusion de la troisième dimension.

Commanditaire : Personne qui commande et finance une œuvre, une entreprise.

Fresque : Technique de peinture murale qui consiste à appliquer des couleurs délayées à l’eau sur un enduit frais. Le mot est d’origine italienne, il vient de fresco qui signifie frais. Toute œuvre peinte d’après ce procédé est aussi désignée sous le nom de fresque.

Registre : Dans une œuvre peinte ou sculptée, lorsqu’un décor est réparti sur plusieurs bandes superposées, le registre désigne l’ensemble des éléments situés au même niveau.

Vertus théologales : Dans la religion catholique, les vertus théologales définissent les qualités nécessaires aux hommes pour établir un lien avec Dieu. Elles sont au nombre de trois : la Foi, l’Espérance et la Charité.