Coupe de cerises, prunes et melon Moillon Louise

Coupe de cerises, prunes et melon

Dimensions

H. : 48 cm ; L. : 65 cm

Provenance

Technique

Peinture

Matériaux

Huile sur bois

Datation

Vers 1633

Lieu de conservation

France, Paris, musée du Louvre

Cette nature morte, simple et silencieuse, renvoie-t-elle à une signification morale ou symbolique ?

La nature morte, fréquente au XVIIe siècle, présente un ensemble d’objets généralement inanimés. La composition, les couleurs, les matières précieuses apportent un plaisir du regard. Toutefois, ces tableaux cachent souvent une interprétation symbolique. Cette coupe de fruits image principale peinte par Louise Moillon, est représentée avec précision et application et semble destinée à la délectation.

Une peinture silencieuse

Cette nature morte de Louise Moillon image principale figure parmi les plus célèbres de l’artiste. Des fruits sont arrangés avec élégance dans une coupe posée sur une table de bois dont l'arrière se perd dans la pénombre. L'éclairage brutal du premier plan découpe les formes et révèle les couleurs de la composition. sur une étagère en bois. Au centre, une coupe contient des cerises jaunes et rouges détail b, disposées dans une couronne de feuilles d’un vert sombre. Sur la tablette sont exposés des prunes bleues détail c et un melon à la chair orangée, dont l'écorce verte est brodée de stries plus pâles détail d. La touche de la peintre décrit avec précision les éléments de cette nature morte. Il s’en dégage un sentiment de silence et de calme.

La beauté naturelle

La nature morte est un thème en peinture montrant des fruits, des fleurs, des gibiers et des objets quotidiens ou précieux. On connaît la nature morte depuis l’Antiquité, en Égypte image 1 et à Rome image 2. Au Moyen Âge, les éléments de la nature morte prennent une valeur symbolique ou religieuse. Les grandes découvertes, à partir de Christophe Colomb, font affluer en Europe des plantes et autres merveilles naturelles suscitant l’intérêt des amateurs, collectionneurs et savants, qui les accumulent dans les cabinets de curiosités et les jardins botaniques pour le savoir et la délectation. Représentées dans les tableaux, ces curiosités comme les fruits de Louise Moillon image principale, les fleurs image 3 et les coquillages image 4 sont associées rapidement à une symbolique religieuse image 5 ou morale. Les représentations se veulent exactes, précises, voire scientifiques. Leur sens le plus fréquent est celui de la vanité, incitant à réfléchir au caractère passager de la vie et des choses terrestres image 6.

Éprise de la réalité la plus humble et la plus quotidienne, Louise Moillon se refuse aux effets décoratifs. Dans ses tableaux, on ne trouve pas d’accessoires luxueux, comme les étoffes précieuses, les bijoux, les monnaies ou la vaisselle de prestige. La composition simple et le cadrage resserré guident le regard du spectateur au centre du tableau image principale. Elle nous touche par son talent scrupuleux, soumis à la vérité de l’objet qu’elle s’applique à reproduire. Elle est particulièrement attentive à un rendu sensible de la peau et de la chair des fruits. Les multiples taches ajoutent au réalisme, symbolisant les différentes étapes de la maturation du fruit. Toutefois, elle n'insiste pas sur les effets du temps, même si l’on observe des tavelures (champignons qui attaquent les fruits) sur les cerises et des feuilles percées par le coryneum (moisissure) détail b. Il s’agit avant tout d’un tableau pour amateur (celui qui aime la peinture), dont la principale préoccupation est la beauté, la délectation visuelle.

Une femme artiste

Louise Moillon est née à Paris en 1609 ou 1610, dans une famille de peintres protestants. Elle s'est convertie au catholicisme, peut-être dans le but d'entrer à l'Académie royale qui n'acceptait pas les protestants. Son père, Nicolas, est peintre de tableaux religieux ; son frère Isaac sera reçu à l’Académie royale en 1663. Elle habite le quartier Saint-Germain, à Paris, entourée de voisins eux-mêmes peintres et marchands de tableaux. A cette époque les femmes peintres étaient assez nombreuses même si elles étaient moins reconnues. Notons que la première femme peintre qui entre à l'académie en 1663, 15 ans après sa création, se nomme Catherine Duchemin.

Elle signe « Louyse Moillon » détail d de façon nette, se présentant sans équivoque comme une artiste femme. Elle est, à son époque, au premier plan dans le genre de la nature morte de fruits, travaillant sur des formats modestes, des sujets simples, célébrant la « vie silencieuse » à travers sa foi protestante. Excellente peintre, elle commence à vendre ses tableaux alors qu’elle est très jeune, et reçoit des commandes de Claude de Bullion, surintendant des Finances de Louis XIII, et du roi Charles Ier d’Angleterre. Au moment de son mariage, alors qu’elle a 30 ans, elle a réalisé la majeure partie de sa production et s’est établie une confortable indépendance financière.

On attribue à Louise Moillon une cinquantaine de tableaux. Sa carrière est brillante et fructueuse. Si elle a réalisé quelques tableaux avec des humains image 7 elle s’est souvent consacrée à la nature morte, la catégorie la plus modeste dans la hiérarchie des genres.

Dans Coupe de cerises, prunes et melon image principale, l’artiste n’a pas cherché à impressionner par des fruits exotiques : elle a simplement voulu montrer les beautés de la nature dans leur simplicité, et composer un tableau harmonieux et appétissant.

Marie-Bélisandre Vaulet-Lagnier

Permalien : https://panoramadelart.com/analyse/coupe-de-cerises-prunes-et-melon

Publié le 28/08/2025

Ressources

La notice de l’œuvre sur le site web du Musée du Louvre

https://collections.louvre.fr/ark:/53355/cl010066853

Une notice biographique consacrée à Louise Moillon dans l’exposition virtuelle des musées de France « Les femmes artistes sortent de leur réserve »

https://www.culture.gouv.fr/Thematiques/Musees/Les-musees-en-France/Les-collections-des-musees-de-France/Decouvrir-les-collections/Les-femmes-artistes-sortent-de-leur-reserve/Icones/Moillon-Louyse

Une notice biographique consacrée à Louise Moillon sur le site du Musée protestant

https://museeprotestant.org/notice/louise-moillon-1610-1696/

Glossaire

Cabinet de curiosités : Petite pièce conservant une collection d’objets rares ou précieux qu’on appelle aussi Cabinet d’art. Il se répand au XVIe siècle de Copenhague à Naples, de Lisbonne à Saint-Pétersbourg dans les cours princières, impériales et même dans la noblesse et la bourgeoisie. Le Cabinet de curiosités représente leur pouvoir et leur influence. Il est constitué d’éléments qui permettent d’appréhender le savoir, comme les œuvres d’art (artificialia), les instruments et livres scientifiques (scientifica), les productions rares de la nature (naturalia) et les objets d’origine extra-européenne (ethnografica).

Hiérarchie des genres : Classification, par l’Académie royale de peinture et de sculpture, des sujets de tableaux. Le grand genre est celui de la peinture d’histoire, relatant des épisodes de l’Antiquité, de la Bible, de l’Histoire…il permet de transcrire le sentiment, le devoir, la pensée humaine. Viennent ensuite le portrait, qui décrit les formes et l'expression d'une morphologie humaine, puis la scène de genre, qui met en scène la personne humaine dans le quotidien, le labeur, non plus dans le sentiment ou la pensée. Le paysage traduit quant à lui une idée de perspective, de construction, de composition. Enfin la nature morte : elle se limite à une description simple d'un objet ou d'un groupe d'objets inanimé ou peu animé.

Nature morte : Représentation d’objets, de végétaux, de nourriture ou d’animaux sans vie.

Vanité : Type d’œuvre favorisant la méditation sur la mort et le caractère éphémère des plaisirs sensuels. Parmi les objets symboliques le plus fréquemment représentés figurent le crâne, le sablier, la flamme …