Danse à la ville Renoir Auguste

Auguste Renoir est l’un des plus importants peintres impressionnistes. Il s’est particulièrement intéressé à la figure humaine. En 1883, Paul Durand-Ruel, collectionneur et marchand de tableaux, lui commande cette Danse à la ville image principale, pendant de Danse à la campagne image 1, qu’il accroche dans son salon. Aujourd’hui conservés au musée d’Orsay, ces deux chefs-d’œuvre évoquent une certaine joie de vivre de la classe moyenne et populaire au temps des impressionnistes.

Renoir, peintre du bonheur

À 20 ans, Renoir entre à l’académie Gleyre, un atelier privé de peinture, où il rencontre Sisley et Monet. Comme eux, à partir de 1869, il glisse vers l’impressionnisme, travaille la lumière et la couleur au détriment du dessin. Il peint des tableaux sur le motif, en extérieur, pour étudier les éclats de la lumière du soleil et les effets d’ombres colorés. Il affectionne tout particulièrement les accords de bleu et de vert. Ses paysages sont exécutés avec des touches visibles qui traduisent le mouvement incessant dans la lumière. Puis Renoir abandonne le paysage impressionniste pour la figure humaine. Les scènes qu’il peint alors montrent sa famille et ses amis image 2. Il est surnommé le peintre du bonheur par Eliane Reynold de Seresin dans le titre du livre qu’elle lui consacre (2014). En 1881, inspiré par la technique lisse et équilibrée des maîtres classiques comme Raphaël image 3  ou Ingres,  le réalisme de Courbet et la fougue romantique de Delacroix, il se remet au dessin, structurant davantage ses tableaux  Renoir écrit au marchand d’art Ambroise Vollard : « J’étais allé jusqu’au bout de l’impressionnisme et j’arrivais à la conclusion que je ne savais ni peindre ni dessiner… J’étais dans une impasse. »

Plusieurs styles dans une même œuvre

Au pied des plantes vertes image b, une composition fleurie, en touche dissociée, rappelle la période impressionniste image 4 de Renoir. Les ombres bleues, et non grises, de la robe de satin, la sensation de mouvement donnée par la queue-de-pie qui se soulève rappellent également les choix modernes du peintre. Mais en 1883, lorsqu’il réalise cette toile, son dessin reprend le pas sur ses couleurs. Ainsi, les contours des personnages sont précis, notamment celui de la jeune femme, qui se découpe sur l’habit noir du danseur image b. Le dessin de la nuque souligne son port de tête élégant. Sa peau claire est peinte de manière lisse, comme une porcelaine, sans trace de coups de pinceau, à l’exemple des tableaux de Raphaël et d’Ingres.

Des modèles connus

Célèbre sous le nom de Suzanne Valadon, Marie Clémentine est née en 1865. Trapéziste et danseuse, elle devient modèle à la suite d’un accident. Elle sera peinte par Puvis de Chavannes, Renoir, Steinlen, Henner, Lautrec. Parce qu’elle pose pour des peintres âgés, Toulouse-Lautrec la renomme Suzanne, en référence amusée au thème biblique de « Suzanne et les vieillards ». Elle sera son élève et sa protégée. Peu à peu, elle se met au dessin et à la peinture image 5. Très courtisée, elle met au monde Maurice Utrillo en 1883. Le danseur serait Paul Lhote (1850-1894), ami de Renoir. Séducteur incontesté, il pose souvent pour lui et sera même le témoin de son mariage avec Aline Charigot, le modèle féminin de Danse à la campagne, en 1890. Le couple aura trois enfants : Pierre, acteur (1885-1952), Jean, cinéaste (1894-1979) et Claude, céramiste (1901-1969).

Le bal, une pratique sociale

Le bal est à cette époque le loisir de toutes les couches sociales. Les bals privés, réservés à la haute société, sont organisés dans les luxueux salons des hôtels particuliers ou des administrations. Au XIX^e siècle, des bals publics, payants, sont installés dans des jardins, aux Champs-Élysées (le bal Mabille). On y danse valses, polkas et mazurkas. À l’époque du Second Empire, les guinguettes, le long de la Seine et de la Marne, attirent la classe ouvrière et les peintres. Elles deviennent les bals musettes. On y danse le boston, la matchiche et le cake-walk. L’étudiant va « guincher » (danser) dans un bal de quartier; le fonctionnaire, pour sa carrière, va au bal de la préfecture, tandis que la jeune fille débute dans un luxueux salon image 6.

L’importance de Durand-Ruel

Durand-Ruel voulait se lancer dans une carrière de militaire ou de missionnaire, mais il reprend la boutique de son père par devoir. Il vend des fournitures aux artistes, souvent pauvres, ou les échangent contre des tableaux. Il achète également des toiles de Géricault, de Delacroix, qu’il loue à la bourgeoisie désireuse d’impressionner ses invités, ou à de jeunes peintres qui veulent les copier. Paul Durand-Ruel expose les peintres de Barbizon (Théodore Rousseau, Corot, Millet, Daubigny, Decamps, Rosa Bonheur, Diaz…). Il organise des expositions, qui remportent un franc succès. Expert dans les ventes, il devient marchand de tableaux. Sa méthode consiste à faire monter la cote des artistes en proposant l’exclusivité de leur travail. Il achète toute leur production en échange d’une rente mensuelle. Il organise régulièrement des expositions monographiques dans sa galerie. Elle est ouverte gratuitement, ainsi que son appartement, près de la gare Saint-Lazare. Dans son salon, les visiteurs peuvent admirer Danse à la ville image principale et Danse à la campagne image 1, et dans sa salle à manger, le Déjeuner des canotiers. Durand-Ruel entretient avec ses artistes des relations presque familiales. L’un de ses fils sera le parrain du cinéaste Jean Renoir, fils du peintre. Renoir déclarera au collectionneur: «Ils [le public, la presse et les marchands] auront beau faire, ils ne vous tueront pas votre vraie qualité: l’amour de l’art et la défense des artistes avant leur mort.»

Auguste Renoir, l'ami fidèle, une vidéo de la RMN-GP et de la Fondation Orange

Auguste Renoir - Les Grands Maîtres de la Peinture, une vidéo de CultureTube