La Naissance de Vénus Botticelli Sandro

La Naissance de Vénus

Dimensions

H. : 172,5 cm ; L. : 278,5 cm

Provenance

Technique

Détrempe (tempera)

Matériaux

Toile (support)

Datation

Vers 1484

Lieu de conservation

Italie, Florence, musée des Offices

Comment la mythologie gréco-romaine reprend-elle de l’importance au cœur au XVe siècle à Florence ?

La Naissance de Vénus image principale est devenue une véritable icône de la peinture de la Renaissance italienne. Créé à Florence, ce tableau reprend un thème de la mythologie gréco-romaine. Dans la civilisation grecque, Aphrodite est la déesse de la beauté et de l’amour. Les Romains l’appellent Vénus. Selon la légende, elle naît de l’écume des flots puis, portée sur un coquillage, apparaît sur l’île de Cythère. Elle est aussi la déesse de la fertilité. Éros (Cupidon pour les Romains), le petit dieu ailé, est généralement considéré comme son fils. Toutefois, Botticelli donne une interprétation mystérieuse de cette déesse.

Un artiste à la cour de Laurent le Magnifique

Alessandro Filipepi, dit Sandro Botticelli, est l’un des plus grands peintres florentins de la seconde moitié du XVe siècle. En 1481, il est envoyé à Rome avec les meilleurs artistes de son temps pour décorer la chapelle Sixtine. Il réalise essentiellement des peintures religieuses. La Naissance de Vénus, qu’il peint vers 1484, est un tableau original car il s’agit d’un sujet non chrétien et de la représentation d’une femme nue. C’est d’autre part une œuvre peinte sur toile et non sur bois, ce qui est rare à l’époque. Le commanditaire est sans doute Lorenzo di Pierfrancesco de Medicis, cousin de Laurent le Magnifique, membre de la célèbre famille Médicis, banquiers, qui détient le pouvoir à Florence à cette époque. Le tableau ainsi qu’une autre œuvre contemporaine de Botticelli, Le Printemps, se trouvait à la fin du XVe siècle dans la villa de Castello.

Une image poétique de la déesse

Au centre de la composition, se trouve Vénus, jeune femme nue aux longs cheveux dénoués, presque grandeur nature image principale. Elle est debout sur un grand coquillage poussé par le souffle de deux figures en vol, sur la gauche image b. À droite, sur un rivage (l’île de Cythère ?), une femme vêtue d’une draperie lui tend un manteau rose brodé de fleurs image c. Sur l’île, poussent le laurier et le myrte, plantes symboliques de Vénus. Celle-ci semble indifférente et rêveuse. Sa posture est en contrapposto, c’est-à-dire un déhanchement inspiré de la pose des statues grecques. La référence ici est la Vénus pudique (Vénus de Cnide) de Praxitèle, dont les Médicis possédaient une copie d’époque romaine image 1.

Botticelli semble s’être aussi inspiré d’un poème de l’humaniste Ange Politien, nommé les Stanze per la giostra (Chambre pour le manège). Ce dernier est un élève de Marsile Ficin, un humaniste et précepteur des enfants de Laurent le Magnifique. Ce poème décrit un relief imaginaire placé sur la porte du palais de Vénus. Il nous permet d’identifier le couple enlacé comme Zéphyr (le vent printanier régénérateur) et sa compagne Flore image b. Des roses s’échappent de leurs bouches. À droite, il s’agirait de l’Heure du Printemps, une nymphe fille de Zeus symbolisant l’arrivée de la belle saison image c.

La technique de Botticelli n’est pas particulièrement novatrice. S’intéressant peu aux recherches naturalistes de son temps (perspective, lumière), il privilégie les lignes ondoyantes, un modelé lisse et des couleurs claires.

Botticelli et le néoplatonisme ?

Plus importante est la signification symbolique de cette œuvre, qui est à replacer dans le contexte de la pensée néoplatonicienne en vogue à la cour des Médicis. La pensée du philosophe grec Platon (IVe siècle av. J.-C.) connaît un grand essor au XVe siècle à Florence. La ville est le grand centre culturel de la Renaissance. On y redécouvre avec enthousiasme la pensée antique. Les humanistes florentins, en premier lieu Marcile Ficin, cherchent à édifier un système philosophique unifiant l’héritage antique païen et la doctrine chrétienne. En se référant à Platon, ils font naître le néoplatonisme.

Botticelli, artiste raffiné et intellectuel, ne se contente pas d’illustrer le mythe antique. Il reprend l’interprétation complexe du thème de l’amour établie par Platon dans Le Banquet. C’est une recherche de beauté absolue accessible au terme d’un processus en plusieurs étapes : amour d’un beau corps, puis d’une belle âme, finalement amour du savoir, qui en est la forme supérieure. Le philosophe définit deux principes : la Vénus terrestre, associée à l’amour charnel et à la fécondité, et la Vénus céleste, symbolisant l’amour divin. Si la Vénus de Botticelli reprend le contrapposto antique, elle n’a pas les proportions d’une statue grecque. Son cou est plus long, ses épaules étroites. Sa posture instable, son expression mélancolique, donnent une impression de grâce et de fragilité image d. Sa nudité ne doit pas être interprétée dans un sens érotique. Contrairement au Moyen Âge, qui associe le corps humain nu à la honte et au vice, la Renaissance voit dans la beauté physique le reflet de l’âme. La déesse nue de Botticelli, innocente et pure, serait la Vénus céleste néoplatonicienne. La Vénus vulgaire, charnelle, est au contraire représentée vêtue. Un tableau du peintre Sodoma, conservé au musée du Louvre image 2, nous donne un exemple de cette conception dualiste de l’amour : d’un côté, la Vénus terrestre, parée, avec son fils Éros, le désir ; de l’autre, la Vénus spirituelle, nue, avec Antéros, l’amour réciproque.

Cette complémentarité de l’amour (chaste et sensuel) exprime de façon plus générale l’idée que l’homme et la nature sont nés de l’union de l’esprit et de la matière.

Dans cette toile, Vénus, créature immatérielle, née de l’air (Zéphyr, le souffle divin) et de l’eau, s’incarne en Vénus charnelle en abordant la terre.

Cette seconde Vénus est célébrée par l’artiste dans un autre tableau de la galerie des Offices, Le Printemps image 3. Elle régit le cycle fécondateur de la nature et apporte, par l’amour, l’harmonie dans l’univers. Ainsi les philosophes néoplatoniciens de la Renaissance, dont s’inspire Botticelli, ont-ils pu rêver d’un âge d’or conciliant humanisme grec et pensée chrétienne.

Les clefs de la Renaissance, une vidéo du MOOC Une Brève Histoire de l'art de La RMN-GP et de la Fondation Orange

Colette Féraudet

Permalien : https://panoramadelart.com/analyse/la-naissance-de-venus-0

Publié le 20/01/2023

Glossaire

Médicis : Famille florentine de banquiers collectionneurs et protecteurs des arts. Ses membres s’emparent progressivement du pouvoir à Florence au XVe siècle. Deux grands papes de la Renaissance en sont issus : Léon X (1475-1521) et Clément VII (1478-1534). Anoblie au XVIe siècle, la famille Médicis s’allie deux fois à la France en lui donnant deux reines et régentes : Catherine (1519-1589), épouse d’Henri II, et Marie (1575-1642), épouse d’Henri IV.

Aphrodite (Vénus) : Déesse de l’Amour et de la Beauté, vénérée sous le nom d’Aphrodite par les Grecs et de Vénus par les Romains. Selon Hésiode, la déesse serait née de l’écume fécondée par les organes sexuels d’Ouranos, tranchés par son fils Cronos. Son nom est donné aux statuettes préhistoriques, caractéristiques de la culture gravettienne, réalisées en pierre ou en ivoire, représentant des femmes aux formes généreuses.

Renaissance : Mouvement artistique né au XVe siècle en Italie et qui se diffuse dans le reste de l’Europe au XVIe siècle. Il repose sur la redécouverte, l’étude et la réinterprétation des textes, monuments et objets antiques. À la différence de la pensée médiévale qui donne à Dieu une place centrale, c'est l'homme qui est au cœur de la pensée de la Renaissance.   

Néoplatonisme : Doctrine philosophique inspirée de la philosophie de Platon et des doctrines religieuses orientales, qui se développa à partir d’Alexandrie du IIIe au VIe siècle apr. J.-C. et dont le représentant le plus célèbre fut Plotin. Le néoplatonisme médicéen est un mouvement philosophique et artistique local à la Toscane qui regroupe penseurs d’une part, et artistes florentins d’autre part.