Maquette du temple du Bayon Filoz Auguste

Maquette du temple du Bayon

Auteur

Dimensions

H. 78 cm ; L. 170 cm ; Pr. : 258 cm

Provenance

Technique

Architecture

Matériaux

Bois, Carton, Miroir

Datation

1899

Lieu de conservation

France, Paris, musée Guimet, musée national des Arts asiatiques (MNAAG)

Comment la maquette du Bayon devient-elle un objet de collection ?

Le 26 mars 1901, Louis Delaporte image 1 peut enfin acquérir pour le Musée indochinois du Trocadéro, qu’il dirige, un « modèle en relief du temple du Baïon ». Cette impressionnante maquette image principale réalisée deux ans plus tôt par Auguste Filoz, capitaine d’infanterie de marine à la retraite, restituait à taille réduite l’un des édifices les plus emblématiques du site archéologique d’Angkor image 17 image 18.

La découverte d’Angkor

En janvier 1860, le naturaliste français Henri Mouhot voit surgir de la jungle cambodgienne de mystérieux visages de pierre image 2. Ce sont les tours qui couronnent les portes monumentales de l’ancienne ville d’Angkor Thom et les multiples pavillons d’un temple qui en occupe le centre, le Bayon. Mouhot meurt un an plus tard de la fièvre jaune. Mais son récit de voyage, publié en feuilleton dans Le Tour du monde dès 1863, le consacre « découvreur d’Angkor ». Un peu à tort, car le site avait déjà vu passer, au fil des siècles, plusieurs voyageurs occidentaux. Mais après Mouhot, la voie est ouverte pour d’autres explorateurs, que ne tardent pas à suivre archéologues et historiens d’art.

Le Bayon

Le Bayon occupe, dans son ensemble, un terrain de 228 sur 144 mètres, autrefois protégé par une enceinte extérieure image 3 dont ne subsistent que de rares vestiges image 4. L’accès principal se faisait à l’est image principale, par une chaussée encadrée de deux bassins restitués par des miroirs détail b sur la maquette.

Le plan est complexe, combinant tours et pavillons reliés par des galeries et quelques édifices autonomes dont la destination reste incertaine image 5. Le temple se déploie, en hauteur, sur trois niveaux principaux image 6. Le sanctuaire central, qui culmine à 42 mètres au-dessus du sol image 7, est une structure massive à laquelle sont associées de multiples annexes.

Les étonnantes tours à visages image 8, qui couronnent une grande partie des pavillons, constituent l’un des traits architecturaux les plus frappants du Bayon. On en dénombre une soixantaine image 9. Leur signification reste un mystère. Certains chercheurs pensent y voir une évocation de Lokeshvara image 10, l’un de ces êtres d’infinie compassion que l’on nomme bodhisattva dans le bouddhisme.

Un corpus exceptionnel de bas-reliefs puisant à l’iconographie du bouddhisme et de l’hindouisme se déploie dans les galeries, sur les frontons et linteaux image 11. Mais les plus célèbres d’entre eux sont d’inspiration historique et relatent des épisodes majeurs de la vie du roi fondateur, Jayavarman VII, auxquels se mêlent des scènes de la vie quotidienne image 4.

Angkor Thom et son roi

Le site archéologique d’Angkor image 12 s’étend sur plus de 200 kilomètres carrés où subsistent les vestiges de centaines d’édifices. Plusieurs villes s’y sont succédé au fil des siècles. Celle que l’on appelle aujourd’hui Angkor Thom, au centre de laquelle se trouve le Bayon, est son état ultime. Consacré roi en 1183, Jayavarman VII restaure la grandeur de l’Empire khmer après une longue période de troubles. Les inscriptions, source première pour connaître l’histoire du Cambodge ancien, le donnent pour un souverain ambitieux et instruit, habile diplomate et soldat valeureux. Il fait reconstruire la ville et fonde le Bayon, temple bouddhique qui accorde néanmoins une place non négligeable aux dieux de l’hindouisme et aux divinités locales et claniques.

La maquette

Combinant des matériaux très divers – carton, papier, métal, miroirs… – sur une armature de bois, cette impressionnante maquette image principale est une modélisation du temple à l’échelle 1/1000 image principale. Son créateur, Auguste Filoz, a lui-même visité les lieux. Il se base aussi, pour la concevoir, sur les publications du pionnier des études sur l’art khmer à l’époque, Louis Delaporte, et plus particulièrement Voyage au Cambodge : l’architecture khmer. Publié en 1880, l’ouvrage offre plans et descriptions détaillés image 13.

Filoz donne donc une vision du temple tel que le XIXe siècle le percevait, en un temps où l’on en ignorait à peu près tout. L’aspect général de l’ensemble, l’emplacement des divers édifices, la forme des galeries et de leur toiture, la variété des couvrements des tours et pavillons témoignent d’une grande fidélité aux restitutions et hypothèses de Delaporte. Dans les années 1880, le Bayon était considéré comme un temple hindou. C’est peut-être la raison pour laquelle Filoz choisit de peindre en bleu les visages des tours des terrasses supérieures détail c, s’inspirant de la vive polychromie des sanctuaires de l’Inde du Sud.

Le Musée indochinois du Trocadéro

Officier de marine, Louis Delaporte tombe amoureux du Cambodge et de son art en participant à l’expédition française sur le Mékong de 1866-68. Dès 1873, il tente de faire entrer l’art khmer dans les galeries du Louvre, en vain. Les œuvres qu’il a ramenées du Cambodge sont exilées à Compiègne. Mais en 1878, l’Exposition universelle lui offre une occasion inespérée. Il fait figurer une sélection de pièces originales et de moulages image 14 image 15 au sein de la section consacrée aux missions scientifiques dans le palais du Trocadéro. À la clôture de l’exposition, Delaporte obtient de haute lutte le maintien des oeuvres.

À l’approche de l’exposition de 1889, il est à la tête d’un véritable musée, alors appelé musée des Antiquités cambodgiennes du Trocadéro image 16. La mise en scène y est théâtrale et combine pièces originales, moulages, maquettes, comme celle du Bayon réalisée par Filoz, et documents graphiques visant à permettre une compréhension globale de l’art khmer. Disparu en 1936 avec la transformation complète du Trocadéro, ce musée, dans lequel se forma une nouvelle génération de chercheurs, nous reste connu par une abondante documentation photographique .

Véronique Crombé

Permalien : https://panoramadelart.com/analyse/maquette-du-temple-du-bayon

Publié le 13/09/2024

Ressources

Résumé d’une thèse sur Louis Delaporte et le Musée indochinois du Trocadéro

http://theses.enc.sorbonne.fr/2011/philippe

Fiche consacrée à Angkor, bien inscrit sur la liste du patrimoine mondial, sur le site de l’Unesco

https://whc.unesco.org/fr/list/668/

Glossaire

Angkor : Entre la chaîne du Phnom Kulen et le Grand Lac ou Tonlé Sap, le site d’Angkor a abrité les capitales de l’Empire khmer du Xe au XVe siècle. Le terme lui-même signifie « la capitale », mais la ville proprement dite s’est déplacée plusieurs fois avant de se fixer à l’intérieur des murailles d’Angkor Thom, la « grande capitale », au XIIe siècle. Des habitations et des palais en matériaux périssables, il ne reste rien ; seules les structures hydrauliques et les temples en brique, grès et latérite sont conservés. Les recherches actuelles, grâce à la technique du Lidar, révèlent une densité d’occupation insoupçonnée jusqu’alors.

Hindouisme : Religion majeure de l’Inde, souvent décrite comme polythéiste en raison de la multiplicité des formes qu’y prend le divin.

Bouddhisme : Religion originaire de l’Inde, centrée sur l’enseignement donné au Ve s. av. J.C. par le Buddha Shakyamûni, qui vise à permettre aux êtres sensibles de se libérer du cycle sans fin des naissances et des morts.

Linteau : Pièce horizontale placée au-dessus d'une ouverture. Il permet de répartir le poids d'une maçonnerie autour du vide créé par une porte ou une fenêtre.

Khmers : Population majoritaire du Cambodge.