Portrait du roi Jayavarman VII

Jayavarman VII

Auteur

Dimensions

H. : 42 cm ; L. : 25 cm ; P. : 31 cm

Provenance

Cambodge, Angkor, temple de Ta Prohm

Technique

Sculpture

Matériaux

Grès

Datation

Style du Bayon (fin du XIIe-début du XIIIe siècle)

Lieu de conservation

France, Paris, musée Guimet, musée national des Arts asiatiques (MNAAG)

Cette sculpture montre-t-elle un simple dévot en méditation ?

Cette tête en grès gris-vert, aux yeux baissés et au léger sourire, a été trouvée sur le site d'Angkor image 4, au Cambodge image principale. La coiffure, aux cheveux tirés en un petit chignon rond au sommet du crâne détail b, permet d'identifier le sujet comme étant un homme les quatre hommes accroupis sculptés sur le fronton du temple de Banteay Srei image 1, conservé au musée Guimet, présentent pratiquement la même coiffure. Le visage carré aux joues pleines laisse penser que le personnage d'Angkor est d'âge mûr. Il ne porte aucune parure et affiche une expression de méditation. La lèvre supérieure, un peu plus longue que la lèvre inférieure, semble avancer légèrement ceci ferait penser qu'il avait les dents légèrement en avant, à moins que cet effet ne soit dû à la moustache plate qui surmonte cette lèvre image c . Les oreilles étirées indiquent que cet homme devait porter habituellement de lourdes boucles d'oreilles. Il a été identifié comme étant le roi khmer Jayavarman VII.

De rares portraits de rois khmers

Les figurations de rois khmers sont exceptionnelles. Deux représentations de Sûryavarman II nous sont parvenues, en souverain trônant et en chef d'armée, dans le bas-relief dit « historique » de la galerie de troisième enceinte de son temple d'Angkor Vat.

Jayavarman VII est le seul autre roi khmer dont on connaisse des portraits. Quatre statues fragmentaires le représentant ont été retrouvées dans divers lieux de son Empire, à Angkor, à Preah Khan de Kompong Svay image 2 et à Phimai, en Thaïlande. Elles ont été comparées au personnage royal figuré à cheval, en prière ou dans son palais sur la partie haute des reliefs de la galerie extérieure du temple du Bayon ainsi que sur ceux du temple de Banteay Chmar.

À quel type de corps cette tête était-elle attachée ?

Les statues du roi les plus complètes, conservées au Musée national du Cambodge à Phnom Penh et au Musée national de Bangkok, montrent un homme ayant un certain embonpoint, assis en tailleur. Les bras sont malheureusement cassés, mais en raison du bon état de conservation du torse et des jambes, on peut imaginer qu'il avait les mains jointes en un geste de prière ou d'hommage comparable à celui des hommes sur le fronton de Banteay Srei image 1.

Dans ces portraits, il apparaît plus ou moins jeune, comme si ces sculptures avaient été réalisées à différents moments de sa vie. Ainsi, la tête trouvée en 1958 dans son fief, le Preah Khan de Kompong Svay, le représente plus jeune image 2. Les sculptures provenant d'Angkor, trouvées entre 1910 et 1931, le montrent manifestement plus âgé.

Les inscriptions mentionnent entre autres les luttes du futur roi contre les envahisseurs chams, des soulèvements intérieurs qui ralentirent sa prise de pouvoir. On peut donc penser que les joues pleines et l'embonpoint des statues les mieux conservées cherchaient peut-être à indiquer à tous que le roi n'était plus un jeune homme.

Où ces portraits étaient-ils placés ?

Aucun de ces portraits n'a été retrouvé à son emplacement d'origine. Fervent bouddhiste, Jayavarman VII fit construire de très nombreux temples, des relais d'étapes le long des grandes voies de communication et cent huit hôpitaux. C'est dans les temples principaux du royaume que les statues du roi ont sans doute été installées étaient-elles placées près de la divinité, dans le sanctuaire ou dans des structures spécifiques ?

Sur la terrasse supérieure du temple d'État du Bayon, un bâtiment ouvert aux quatre orients a peut-être abrité la statue du roi. Dans un pavillon semblable du temple de Phimai, une copie de la statue du roi retrouvée sur le site a été placée.

Bouddha sous les traits du roi

Certaines statues, dont celle, retrouvée en 1933, qui trônait dans le sanctuaire principal du Bayon, représentent le Bouddha sous les traits de Jayavarman VII. La stèle de Preah Khan d'Angkor mentionne en effet l'existence de vingt-trois ou vingt-cinq sculptures majeures de ce type élevées en divers points du royaume.

Les inscriptions indiquent qu'il a également existé des statues contemporaines de divinités figurées sous les traits de nobles défunts. C'est ainsi que le visage de certaines statues de Târâ/Prajnaparamitâ, le bodhisattva féminin, présente les traits de Jayarâjadevî image 3 , une des épouses principales de Jayavarman VII, et, encore plus rare, ceux d'une petite princesse.

Une œuvre majeure ?

La qualité du grès utilisé, le travail et le poli exceptionnels de la sculpture ainsi que ses dimensions indiquent le haut rang du personnage représenté. La statue à laquelle elle appartient devait être de taille imposante.

Le percement des oreilles fait penser que des boucles d'oreilles y étaient fixées. Les bas-reliefs de l'époque et les rares parures de statues divines qui ont été retrouvées nous donnent une petite idée de ce que pouvait être la bijouterie khmère. Si les sculptures découvertes montrent aujourd'hui le roi sans bijoux, c'est certainement paré de tous ses attributs royaux que sa statue le présentait devant son dieu dans le temple.

Portrait de Jayavarman VII en 3D, Agence Photo GrandPalaisRmn

Marie-Christine Duflos

Permalien : https://panoramadelart.com/analyse/portrait-du-roi-jayavarman-vii

Publié le 11/02/2019

Ressources

Des images du relief dit « historique » d’Angkor Vat

http://www.voyagevirtuel.info/cambodge/angkor-wat_21.php

La modélisation 3D de l’œuvre par l’Agence photo de la Réunion des musées nationaux – Grand Palais

https://sketchfab.com/models/f1f68fa4ab4c4aa081f9e581e29459ad/embed

La statue de Jayavarman VII au Musée national du Cambodge à Phnom Penh

http://www.cambodiamuseum.info/en_collection/stone_object/jayavaraman.html

Le texte d’une communication de George Cœdès sur les statues de Jayavarman VII

https://www.persee.fr/doc/crai_0065-0536_1958_num_102_3_10910

Glossaire

Banteay Chmar : Temple bouddhique construit par Jayavarman VII à 110 kilomètres au nord-ouest d’Angkor. Sa galerie extérieure (250 mètres sur 290) est sculptée de bas-reliefs historiques et légendaires.

Banteay Srei : Temple dédié à Çiva, construit à une vingtaine de kilomètres au nord-est d’Angkor par le précepteur (guru) royal Yajnavarâha qui le fait consacrer en 967. Édifié dans un magnifique grès rouge, il est célèbre pour ses frontons qui, pour la première fois, sont sculptés de légendes de Çiva et Vishnou.

Bayon : Temple d’État de Jayavarman II, édifié au centre de sa capitale d’Angkor Thom. C’est le seul temple d’État dont la statue de culte, un bouddha assis sur un serpent à sept têtes, a été retrouvée. Elle avait été brisée et jetée dans le puits du temple quand celui-ci fut consacré au dieu Çiva. Le temple est célèbre pour ses tours à visages, mais est aussi connu pour ses deux galeries de bas-reliefs (inachevées). Ceux de la troisième enceinte sont uniquement historiques, tandis que ceux de la seconde sont à la fois historiques et légendaires.

Bodhisattva : Bouddha en devenir, le bodhisattva a pris un caractère divin dans le bouddhisme du Grand Véhicule (Mahâyana) et le bouddhisme ésotérique. Parmi les bodhisattvas importants, Avalokiteçvara, le bodhisattva de la compassion, est vénéré à l’époque de Jayavarman VII sous le nom de Lokeçvara. Il peut avoir jusqu’à huit bras. Son équivalent féminin est Târâ. Dans les chapelles des hôpitaux était vénéré le bodhisattva de la médecine, Bhaishajyaguru.

Jayarâjadevî : Épouse principale de Jayavarman VII, elle décède peu après la prise de pouvoir de son époux. Une inscription de sa sœur, Indradevî, qui l’a remplacée comme première épouse du roi, parle de sa piété et de son érudition. Elle y précise avoir commandé, en l’honneur de la reine défunte, quatre statues de Prajnaparamitâ sous les traits de la reine.

Jayavarman VII : (r. 1181-1218 [?]) Fils du roi Dharanîndravarman qui fut renversé par Sûryavarman II, il vécut une partie de sa vie loin de la capitale. Il s’empara à son tour du pouvoir après quatre années de luttes contre les Chams, qui avaient pillé la capitale Angkor en 1177, et contre d’autres prétendants. Il restaura pour un temps la puissance impériale khmère dans la région. Pieux bouddhiste, il fit construire le premier temple d’État bouddhique, le Bayon, et couvrit le pays de temples, gîtes d’étapes et hôpitaux.

Phimaï : Temple bouddhique mahâyana khmer de la province de Nakhon Ratchasima (Thaïlande). Sa construction a sans doute commencé à la fin du XIe siècle par un ancêtre de Jayavarman VII.

Prajnaparamitâ : Personnification d’un texte sacré du même nom.

Preah Khan d’Angkor : Temple du site d’Angkor consacré à Lokeçvara en 1191 par Jayavarman VII, pour le bien dans l’au-delà de son père, sans doute sur le site d’une grande bataille. Les inscriptions mentionnent plus de cinq cents statues élevées par la famille royale ou des dignitaires dans ce temple en l’honneur de leurs défunts.

Preah Khan de Kompong Svay : Situé à une centaine de kilomètres au nord-est d’Angkor, ce grand ensemble de 5 kilomètres carrés fut le lieu de résidence de Jayavarman VII pendant son exil. Construit au XIe siècle, il a reçu des aménagements au XIIe siècle.

Sûryavaman II : (r. 1113-1145 [?]) Les inscriptions disent que Sûryavaman II prit le pouvoir par les armes vers l’âge de seize ans. C’est donc un usurpateur qui vainquit deux rois, dont le père de Jayavarman VII. On connaît peu de choses sur son règne. Il est surtout connu pour avoir fait construire le temple d’Angkor Vat, premier temple d’État consacré au dieu Vishnou.

Târâ : Bodhisattva féminin, compagne d’Avalokiteçvara.

Angkor : Entre la chaîne du Phnom Kulen et le Grand Lac ou Tonlé Sap, le site d’Angkor a abrité les capitales de l’Empire khmer du Xe au XVe siècle. Le terme lui-même signifie « la capitale », mais la ville proprement dite s’est déplacée plusieurs fois avant de se fixer à l’intérieur des murailles d’Angkor Thom, la « grande capitale », au XIIe siècle. Des habitations et des palais en matériaux périssables, il ne reste rien ; seules les structures hydrauliques et les temples en brique, grès et latérite sont conservés. Les recherches actuelles, grâce à la technique du Lidar, révèlent une densité d’occupation insoupçonnée jusqu’alors.

Angkor Vat : Temple d’État de Sûryavarman II, situé au sud d’Angkor Thom, il a été construit pendant la première moitié du XIIe siècle. Il était consacré au dieu Vishnou, ce qui explique peut-être qu’il soit ouvert à l’ouest et non à l’est comme les autres temples. Il devint un temple bouddhique au plus tard au XVIe siècle. Ce temple est surtout célèbre pour sa galerie de troisième enceinte couverte de bas-reliefs. Le relief occidental de la galerie sud (100 mètres de long), dit « relief historique », illustre une cérémonie présidée par le roi Sûryavarman II sur le mont Çivapâda suivie d’un défilé militaire. Plusieurs personnages, dont le roi, y sont identifiés par des inscriptions.