Masque de théâtre Nô - Ko Omote

Masque de théâtre Nô - Ko Omote

Type Iroiri-Karaori

Auteur

Dimensions

H. : 21,2 cm ; L. : 13,5 cm

Provenance

Lieu de création : Japon

Technique

Laque

Matériaux

Datation

Époque Edo (1603-1868) - XVIIIe siècle

Lieu de conservation

France, Paris, musée Guimet, musée national des Arts asiatiques (MNAAG)

Comment se déroulait une séance de théâtre nô au Japon et à qui s’adressait-il ?

Ce masque en bois sculpté et peint image principale du XVIIIe siècle présente un type de personnage féminin du théâtre nô japonais. Il témoigne d’un art de vivre de l’aristocratie guerrière mêlant le drame, l’histoire et le religieux.

Un masque de femme

Ce type de masque prend le nom de Ko-Omote ou de Manbi et appartient à la catégorie des masques de femmes. Il représente une jeune femme souriante aux joues rondes. Le visage est blanc et les sourcils sont peints. Les cheveux lisses sont séparés par une raie médiane et les dents sont noircies, c’est une marque d’élégance. Ce type féminin renvoie à l’idéal de beauté de l’aristocratie médiévale japonaise. Le visage, au léger sourire, dégage un charme subtil pouvant laisser place à la mélancolie selon le jeu de l’acteur.

Précieux témoins d’un art de vivre de l’aristocratie guerrière, les masques de nô sont le reflet de cet art théâtral mêlant poésie, chant et danse, et dont la tradition se maintient au Japon depuis le XIVe siècle.

Le théâtre nô

L’origine du théâtre nô reste obscure. Le mot nô fait référence à la faculté des artistes à traduire les sentiments de leurs personnages, et désigne par extension la pièce elle-même. Sa forme actuelle se met en place au cours du XIVe siècle, à l’époque Muromachi (1336-1573). L’acteur Zeami (1363-1443) recommandé par le shôgun Ashikaga Yoshimitsu (1358-1408) écrit alors un traité afin de définir les principes esthétiques du nô, basés sur l’élégance, le raffinement, la subtilité des gestes. Le nô devient une forme de théâtre rituel réservé à l’aristocratie guerrière du XVIe siècle au XIXe siècle.

Il s’opposera par sa lenteur et son intériorité à la forme plus populaire et expressive du théâtre kabuki qui apparaît au cours du XVIIe siècle.

Un spectacle de nô traditionnel se compose de cinq pièces, entrecoupées par trois ou quatre intermèdes comiques appelés kyôgen, la durée totale étant d’environ huit heures.

Les pièces

Il existe cinq écoles de théâtre nô et environ 240 pièces au répertoire actuel. Un programme complet comporte cinq pièces qui se déroulent dans un ordre établi : introduction, pièce de guerrier, pièce de femme, pièce d’actualité, pièce de démon. Entre chaque pièce se déroule un kyôgen, une farce comique simple, dans un langage populaire et accompagné de danses acrobatiques. L’acteur de kyôgen peut ne pas porter de masque, mais, parfois, des masques comiques sont utilisés image 1. En général, un nô met en scène deux acteurs : le waki, qui est le narrateur assis, et le shite, qui est celui qui chante et qui danse. Les personnages, même féminins, sont interprétés par des hommes.

Chaque pièce se déroule plus comme un poème surnaturel qu’une action dramatique. Le récitant a souvent le rôle d’un moine voyageur qui rencontre un soir un vieillard ou une femme lui racontant la légende du lieu où se passe l’action ; il apprend le lendemain qu’il s’agissait du fantôme d’un guerrier mort à la bataille, ou d’une jeune femme à la passion amoureuse malheureuse ou encore d’un démon, parfois d’un dieu. Le personnage revient alors pour revivre son aventure passée.

La pièce se termine par les prières du moine afin d’apaiser l’âme du fantôme.

Scène et décor

Le théâtre nô était d’abord un théâtre de plein air, se tenant le plus souvent dans la cour d’un temple. Aujourd’hui il se déroule dans une salle, la scène se présentant comme une architecture recouverte d’un toit porté par quatre piliers ; à l’arrière se tiennent les musiciens (une flûte et trois tambours, dont deux petits et un grand) image 2 et les chanteurs, tous placés devant une peinture figurant un pin tortueux. Une longue rampe, disposée sur le côté, permet aux acteurs de passer des coulisses à la scène. Les spectateurs sont séparés de ce pont par une balustrade, le long de laquelle se dressent trois pins image 3. Le décor reste symbolique avec la présence de quelques accessoires image 4. Par exemple, une seule branche sert à évoquer toute une forêt.

Pour les danses, l’acteur se sert d’un éventail qui suggère, par son mouvement, un objet, un paysage ou une sensation.

Masques et costumes

Si le récitant reste à visage découvert, le personnage principal, le shite, porte toujours un masque. Chefs-d’œuvre en bois de cyprès sculpté et laqué, ces masques remontent pour certains aux XIVe-XVe siècles. Ils se transmettent de génération en génération dans les dynasties d’acteurs. Ce masque de femme possède les signatures de trois acteurs du XVIIIe siècle, calligraphiées à l’encre d’or détail b : Mitsunori (1729), Mitsunao (1750) et Yasuhisa (1766).

Les expressions semblent figées, mais le jeu d’acteur contribue à exprimer les sentiments, comme le regret, l’apaisement ou la mélancolie. Un même acteur peut changer de rôle et de masque au cours d’une représentation. Avant de porter le masque, l’acteur le contemple longuement afin de s’imprégner de son personnage. Les masques décrivent un type de personnage et non un individu : homme ou femme, jeune, vieillard image 5, guerrier, démon image 6, et incarnent une émotion. Le masque est attaché à l’arrière de la tête par des cordons. Les ouvertures des yeux sont petites, ce qui empêche l’acteur de bien voir la scène et étouffe sa voix.

La simplicité de ces masques contraste avec la somptuosité des costumes portés par l’acteur. Colorés et brillants, ils sont réalisés en soie précieuse image 7 et sont portés au-dessus d’un pantalon large évasé vers le bas. Certaines écoles de nô conservent des costumes remontant à l’époque Muromachi.

Cet art théâtral traditionnel mêlant poésie, chant et danse se maintient au Japon depuis le XIVe siècle.

Mots-clés

Vinca Baptiste

Permalien : https://panoramadelart.com/analyse/masque-de-theatre-no-ko-omote

Publié le 14/06/2024

Ressources

Le théâtre Nô, sur le site web de la Philarmonie de Paris

https://pad.philharmoniedeparis.fr/le-theatre-no.aspx

Documentaire sur la fabrication des masques (en anglais), 46 mn

https://www.youtube.com/watch?v=qsMnyrxqe6w

Glossaire

Shôgun : Entre 1185 et 1868, le shôgun est le véritable maître du Japon, l’empereur n’ayant aucun pouvoir réel. Issu de l’aristocratie guerrière, il s’est imposé par les armes. Trois lignées de shôgun se succèdent au cours de cette longue période féodale : les Minamoto, les Ashikaga et les Tokugawa. Le dernier shôgun abdique et remet sa démission à l’empereur en 1867.

Kabuki : Théâtre chanté et dansé qui aurait été créé en 1603 par O kuni, prêtresse et danseuse du temple d’Izumo. Ce théâtre est interdit aux femmes en 1629, et, à partir de 1652, les rôles féminins sont tenus par des hommes (« onnagata »). Installés dans les quartiers de plaisirs, les théâtres étaient très prisés, et les acteurs – de véritables idoles – ont constitué des dynasties qui perdurent jusqu’à nos jours.