Nu bleu II Matisse Henri
Nu bleu II
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Chez Matisse, le nu est-il classique ?
Nu bleu II image principale fait partie d’une série de quatre œuvres monumentales réalisées par Henri Matisse à la fin de sa vie. L’artiste revient sur le nu, qui est l’un de ses thèmes de prédilection. Il l’a abordé à de multiples reprises tout au long de sa carrière, en peinture, dans de nombreux dessins mais aussi au travers de sa pratique de la sculpture. Il le décline en multiples variantes, debout, assis, couché, et approfondit d’œuvre en œuvre sa recherche.
Réinventer le nu
Nu bleu II image principale incarne la manière dont Matisse, parti d’un sujet éminemment classique, le revisite de façon radicale. Techniquement, l’œuvre se compose d’un assemblage de papiers préalablement peints à la gouache puis découpés et recollés sur une feuille de grand format. La méthode utilisée renforce l’autonomie des diverses parties. Dans le même temps, l’homogénéité de la couleur, la planéité des formes et leur aspect synthétique donnent à la figure son unité. Nu bleu II souligne la grande liberté prise par Matisse avec la ressemblance. Dans le même temps, la pose du modèle, toute classique avec son bras rejeté en arrière, explore la sensualité toute en courbes et contre-courbes du corps féminin. Dès l’époque où, jeune artiste, il fait l’acquisition d’une petite œuvre de Cézanne, Trois baigneuses image 1, l’enjeu de l’harmonie entre les figures et le fond devient essentiel. Dans Nu bleu II, l’arrière-plan est plus qu’un simple cadre. Il réapparait entre les fragments et aide à dessiner certains membres du corps. Le vide prolonge et complète le dessin de la figure. Dans les interstices, il agit comme une ligne et participe à la mise en valeur des différentes parties de l’anatomie.
Recherches et fulgurance
À l’époque où Matisse réalise Nu bleu II, il s’est installé à Nice et travaille dans son grand atelier de l’hôtel Regina image 2. Il vient d’achever le grand projet qui a mobilisé toute son énergie entre 1948 et 1951 : le décor de la chapelle du Rosaire, à Vence. Il entreprend ensuite des compositions de très grand format, dont La Perruche et la Sirène. C’est dans le cadre des études menées entre septembre 1951 et juin 1952 pour cette œuvre, et notamment pour le motif de la sirène, que Matisse conçoit les quatre grands nus. Tout au long de sa carrière, de façon régulière, l’artiste procède par séries. Le retour à un même sujet lui permet de pousser plus loin ses recherches. Selon Lydia Delectorskaia, à la fois modèle, assistante et témoin privilégié du processus créatif des années 1930 à la mort du peintre en 1954, les quatre versions du nu ont été réalisées dans des conditions très différentes. Nu bleu IV, le premier qu’il commence, sera le fruit d’un processus lent qui traduit les hésitations de l’artiste. Sa genèse rappelle combien l’apparente simplicité de l’œuvre de Matisse est souvent le fruit d’un patient travail et d’une longue réflexion. À l’inverse, Nu bleu I, Nu bleu II et Nu bleu III sont une sorte de fulgurance. Lydia Delectorskaia rapporte ainsi que « chacun à un jour différent, ils ont été découpés d'un trait, d'un seul coup de ciseaux, en dix minutes ou quinze au maximum ».
Réconcilier la ligne et la couleur
La couleur et le dessin ont longtemps été au cœur de débats houleux dans l’histoire de la peinture. Ces discussions culminent à la fin du XVIIe siècle, avec la fameuse querelle entre les poussinistes et les rubénistes, aussi appelée querelle du coloris. Lequel du dessin ou de la couleur doit primer sur l’autre ? Il en résulte une approche bipolaire de la création, qui vient distinguer les dessinateurs et les coloristes. Les ultimes œuvres de Matisse parviennent à résoudre de façon inédite l’ancien conflit. « Le papier découpé, écrit l’artiste, me permet de dessiner dans la couleur. »
Chef de file du groupe des Fauves au début du siècle, Matisse est incontestablement l’un des plus grands coloristes du XXe siècle. Autour de 1905, il fait passer à la toile « l’épreuve du feu ». Il embrase la palette et explore avec ses amis le pouvoir expressif de la couleur. Plus décorative, la série des Ateliers réalisée par le peintre au début des années 1910 souligne le pouvoir immersif de la couleur, qui s’assagit dans les années 1920 au début de la période niçoise avant de revenir dès les années 1940 à une « densité maximum ». Si la couleur et ses rapports sont centraux, le dessin reste néanmoins un moyen privilégié d’explorer ses émotions directes. Il le pratique quotidiennement.
Les papiers collés réconcilient ligne et couleur. Il n’y a plus ni préexistence ni prédominance de l’un sur l’autre, mais simultanéité et complémentarité absolue. Pour Matisse, la technique des papiers collés n’est au début qu’un outil. Il l’emploie pour la première fois en 1931, alors qu’il travaille à Danse, une composition monumentale commandée par le docteur Barnes. À cette époque, il utilise les papiers découpés pour explorer les modifications possibles du motif. À l’aide de punaises, il ajoute, retire, déplace et donne vie à différents états de l’œuvre. Il y revient en 1937 lorsqu’il crée, pour Léonide Massine, les décors et le rideau de scène de son ballet Rouge et Noir. Mais il ne s’agit encore que d’une simple étape préparatoire. Ce n’est qu’après avoir été opéré d’un cancer en 1941, alors qu’il connaît pour ainsi dire une « seconde vie », que l’artiste fait de ses papiers découpés des œuvres en soi. L’album Jazz élaboré selon cette technique à partir de 1943-1944 donne toute la mesure de cette nouvelle approche, où culmine plus que jamais la maîtrise du maître. « Ce n’est, écrit-il, pas un départ, mais un aboutissement, cela exige infiniment de subtilité et un long acquis. »
Visite de l'exposition Matisse, une vidéo du Centre Pompidou
MOOC Couleurs - Bleu, une vidéo du Grand-Palais
Mots-clés
Ressources
La notice de l’œuvre "Nu bleu II" sur le site du Centre Georges-Pompidou
La notice de l’œuvre Nu bleu III sur le site du Centre Georges-Pompidou
La notice de l’œuvre Nu bleu I sur le site de la Fondation Beyeler
La notice de l’œuvre Nu bleu IV sur le site de la ville de Nice
Glossaire
Fauves : Les Fauves sont les artistes qui, à leurs débuts, dans les dix premières années du XXe siècle, explorent dans leur peinture le potentiel expressif des couleurs pures sans se soucier d’imiter la nature. L’expression « Fauves » est apparue en 1905 sous la plume d’un critique, exaspéré par la liberté que ces artistes prennent quant aux conventions : l’association sauvage des couleurs, leur tonalité criarde, évoquent pour lui le rugissement d’un fauve. Les représentants les plus célèbres de ce courant baptisé aussi le fauvisme sont Henri Matisse, André Derain et Maurice de Vlaminck.