Le Cirque bleu Chagall Marc

Le Cirque bleu

Auteur

Dimensions

H. : 232 cm ; L. : 175 cm

Provenance

Technique

Matériaux

Huile sur toile, Lin

Datation

Vers 1950

Lieu de conservation

France, Nice, musée national Marc Chagall

Le cirque de Chagall : une féerie ? Le cirque : un spectacle ou un art à part entière ?

Marc Chagall développe au XXe siècle un art très personnel difficile à classer dans l’un des grands courants artistiques, même si, pour certains aspects, il est parfois comparé ou associé au néoprimitivisme, au surréalisme ou au cubisme. Chagall lui-même ne souhaitait pas être catalogué. L’exil marque sa vie tout entière : juif natif de Russie, il s’installe à Paris dans les années 1920, avant de fuir aux États-Unis pendant la Seconde Guerre mondiale pour finalement revenir en France où il meurt en 1985. Ses peintures, où les souvenirs se mêlent à l’imaginaire, reflètent surtout la richesse de son monde intérieur.

Une fascination pour le monde du spectacle

Chagall réalise Le Cirque bleu [ image principale ], en 1950, en même temps que La Danse [ image 1 ], pour le théâtre londonien du Watergate qui se voulait à l’époque un lieu expérimental pour tous les arts. Prêtées par l’artiste, ces deux toiles n’y restent accrochées que quelques mois. Leur histoire rappelle le lien étroit que le peintre entretient tout au long de sa vie avec le monde du spectacle : depuis la décoration du Théâtre juif de Moscou en 1920 (Moscou, galerie Tretiakov), jusqu’au projet pour la coupole de l’Opéra de Paris en 1964 [ image 2 ], sans parler des décors et des costumes qu’il dessine pour certains spectacles.

Mais le monde du spectacle, celui du cirque particulièrement, est avant tout pour Chagall une source d’inspiration intarissable. Le Cirque bleu apparaît donc emblématique d’une œuvre où acrobates, clowns et saltimbanques reviennent de manière récurrente. Le marchand d’art Ambroise Vollard met à sa disposition une loge au Cirque d’hiver Chagall peut nourrir sa fascination pour le cirque et réalise en 1927 plusieurs gouaches sur le sujet, dont il tirera bien plus tard une série de lithographies [ image 3 ].

Un monde féerique sens dessus dessous

L’artiste puise aussi son inspiration dans sa vie personnelle, ses expériences et ses souvenirs d’enfance. Sous son pinceau tout élément emprunté au réel est déformé sans souci des conventions. Il transfigure la réalité pour créer un monde féerique, à la frontière du rêve et de l’imaginaire, où tout flotte et tout semble possible. Ce monde est peuplé de curieux hybrides, mi-hommes, mi-bêtes, représentés dans des attitudes inattendues : un poisson tient un bouquet, un coq frappe un tambour [ détail b ] , une lune joue du violon [ détail c ], un cheval vert sourit. Comme la plupart des peintures de Chagall, Le Cirque bleu fourmille de petits détails plus ou moins dissimulés qu’on découvre au fur et à mesure : un joueur de trompette, la tête en bas, à moitié caché derrière le soleil [ détail d ] le profil d’un homme, dans le cou du cheval, qui pourrait être un autoportrait de l’artiste [ détail e ]… Chagall raconte et chante un univers enfantin, loin de la vision intellectualisée de Georges Seurat [ image 4 ], qui fige une scène précise, comme s’il s’agissait d’un instantané photographique.

Une composition dynamique et légère

Cette féerie est rendue d’autant plus merveilleuse que les couleurs, déposées en aplats au pinceau et au couteau, sont franches et saturées, habilement combinées, vives et sombres, chaudes et froides. Les formes sont cernées d’un trait noir qui souligne le travail de Chagall sur le dessin, point de départ de sa composition.

Une trapéziste se détache sur une bande bleu clair qui traverse le tableau en diagonale et le structure fermement. La figure y apparaît comme dans un rayon de lumière. Tout s’organise en cercle autour de la courbe souple que forme le corps de la jeune femme suspendue dans les airs. Tout converge vers le tête-à-tête poétique et improbable de l’acrobate et du cheval vert. Avec son sens aigu de la composition, Chagall parvient à traduire la vivacité et la légèreté de la performance acrobatique. Enfin, il traduit une émotion qui touche le cœur des hommes. Sa superbe naïveté mise au service d’un lyrisme joyeux interdit de se pencher sur la condition sociale parfois difficile des saltimbanques. L’univers enfantin du cirque de Chagall évoque magie et sensualité.

Le cirque a toujours fasciné les artistes (Léger, Rouault, Dufy, Matisse, Picasso, Calder). Aujourd’hui, il est enfin reconnu comme un art vivant à part entière au même titre que le théâtre ou l’opéra.

Cédric Scherer

Permalien : https://panoramadelart.com/analyse/le-cirque-bleu

Publié le 12/10/2011

Ressources

Le site du musée national Marc Chagall

http://www.musee-chagall.fr

Glossaire

Néoprimitivisme : Courant artistique qui s’est développé en Russie au début du XXe siècle. Les œuvres qui s’y rattachent sont inspirées par les arts populaires russes. Dessin appuyé, couleurs vives, maladresses intentionnelles, sont caractéristiques de ce mouvement.

Surréalisme : Courant artistique très lié à la littérature, qui se développe à partir des années 1920. En 1924, André Breton définit le surréalisme comme un « automatisme pur », une « dictée de la pensée, en l’absence de tout contrôle exercé par la raison ».

Cubisme : Courant artistique, né peu avant la guerre de 1914, dont les pionniers furent Pablo Picasso et Georges Braque. Il porte un nouveau regard sur l’objet, dont les volumes et les plans peuvent être représentés de manière stylisée et vus simultanément sous plusieurs angles. Il s’inspire à la fois des recherches formelles de Paul Cézanne et des arts premiers.

Gouache : Peinture à l’eau.

Vollard Ambroise : Ambroise Vollard (1866-1939) était un marchand et un éditeur d’art, célèbre pour avoir soutenu les plus grands artistes d’avant-garde de la fin du XIXe siècle et du début du XXe siècle, tels que Cézanne et Picasso.

Composition : Manière de disposer des figures, des motifs ou des couleurs dans l’élaboration d’une œuvre.

Danse