Olympia Manet Édouard
Olympia
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En quoi le tableau de l’Olympia devient-il un modèle pour l’art moderne ?
Ce tableau de Manet image principale, aujourd’hui considéré comme une icône de l’art moderne, a été peint en 1863, la même année qu’un autre de ses chefs-d’œuvre : le célèbre Déjeuner sur l’herbe, une toile jugée indécente et mal peinte. Deux ans plus tard, le peintre présente l’Olympia image principale au Salon officiel de 1865, mais l’œuvre choque tout autant.
De la grande peinture
Édouard Manet souhaite affirmer sa peinture au Salon officiel, et il connaît parfaitement les codes de son époque pour y parvenir. Pourtant il choisit un grand format pour Olympia, celui réservé à la peinture d’histoire. Il y montre un nu allongé ; c’est un sujet d’école dans lequel le peintre peut mettre en valeur son savoir-faire, car ce motif exige une maîtrise du dessin plus que tout autre. Les personnages ont été peints d’après le modèle vivant à l’atelier : Victorine Meurent image 1 est le modèle pour la femme nue, et Laure pour la servante. La composition du tableau se réfère aux scènes de harem de la peinture orientaliste qui associent une odalisque et une servante noire image 2. Manet prend soin aussi de s’inspirer de grands chefs-d’œuvre de la peinture, comme la Maja desnuda de Goya, peinte entre 1790 et 1800 image 3, et, de manière plus directe encore, la Vénus d’Urbin du Titien, datant de 1538. Il en reprend la pose exacte du corps allongé, qui occupe le premier plan dans toute la largeur de la toile, et le détail de la main cachant le sexe.
Cependant, la mise en scène est différente et Olympia détail b, la jeune femme qui nous regarde, n’est pas Vénus, la déesse de la beauté, même si ce nom se rapproche d’« Olympe », le lieu où séjournent les dieux dans la mythologie grecque.
Une Vénus moderne
Dans son tableau de la Renaissance, Titien a ouvert l’espace à l’arrière-plan sur un paysage image 4, alors que Manet le bouche avec un rideau entrouvert qui laisse deviner une pièce dans l’ombre détail b. Les servantes cherchent des habits pour vêtir la dame dans l’œuvre vénitienne image 4, tandis que celle de Manet présente un bouquet de fleurs à sa maîtresse détail c. Le chien image 5, symbole de fidélité, est remplacé par un chat noir détail d plutôt associé au mal et à la luxure. Il fait le lien entre notre regard et la scène intime et renforce l’idée d’une intrusion.
Le public du Salon a d’abord vu dans ce détail la mention familière qui renvoie au sexe féminin. Le tableau a beaucoup fait rire pour cette raison. Cette femme qui nous regarde de manière franche a également choqué car elle est représentée comme une prostituée, déshabillée plus que nue. Elle a en effet gardé ses mules aux pieds et elle est parée de bijoux et d’une fleur ou d’un ruban dans les cheveux détail b. C’est une femme contemporaine de l’artiste reconnaissable à ses accessoires, notamment le ruban de cou et le châle en cachemire sur lequel elle est installée image principale détail e. Son corps est traité de manière réaliste, avec de la pilosité sous le bras détail b, et donne une image bien éloignée des Vénus idéalisées et poudrées que l’on peut observer dans les salons de peinture à l’époque. Le peintre affirme vouloir représenter ce qu’il voit, et montre ici une demi-mondaine qui attend un client. Celui-ci vient de s’annoncer avec des fleurs.
La prostitution se développe au XIXe siècle et fait l’objet d’une réglementation officielle, en particulier à Paris. Le peintre reprend le thème de la courtisane, également présent dans la littérature de ce siècle, par exemple dans La Dame aux camélias d’Alexandre Dumas, publiée en 1848 , et dans Nana image 6 de Zola, roman édité en 1879-1880.
Un scandale
Les articles de presse qui commentent ce tableau exposé au Salon de 1865 sont souvent féroces image 7. On peut lire dans le Journal amusant qu’Olympia est « la Muse de la jaunisse ». L’écrivain Théophile Gautier, qui apprécie pourtant l’art de Manet, voit dans ce personnage « des maigreurs prosaïques », « un corps sale et mesquin ». Édouard Manet souffre de cet accueil.
Il travaille avec des coups de pinceau empâtés et des taches de couleur pure détail e qui peuvent surprendre à l’époque dans une toile de grande dimension. Son tableau est vraiment différent de ce l’on attend d’un peintre au Salon. Manet n’utilise pas de perspective traditionnelle mais oppose de façon radicale des masses claires à l’arrière-plan sombre, qui comprend le visage de la servante et le chat. La scène du premier plan reçoit un éclairage frontal qui met en valeur le blanc des draps et du papier qui entoure le bouquet, le rose de la robe et l’ivoire du corps nu et du châle.
Précurseur de l’impressionnisme
L’art de Manet est incompris, mais Émile Zola perçoit les qualités plastiques du tableau et en fait l’éloge dans un article paru dans la Revue du XIXe siècle le 1er janvier 1867. L’écrivain et critique d’art apprécie le sujet de l’œuvre montrant « une fille […] dans sa nudité jeune et déjà fanée […], que vous rencontrez sur les trottoirs ». Il apprécie aussi le réalisme franc, sans mensonge, du traitement pictural qui va à l’encontre des peintures académiques. Il souligne l’éclat et la fraîcheur du bouquet détail c traité avec une juxtaposition de touches, et non modelé au moyen du dessin et du clair-obscur traditionnels. L’auteur suggère au spectateur de faire un pas en arrière, pour que « chaque objet se met[te] à son plan ». Il indique que la tête d’Olympia se détache alors du fond avec un relief saisissant.
Les impressionnistes reprennent ensuite à leur compte l’idée de peindre la réalité du monde moderne et de travailler avec des touches de couleur claire juxtaposées. Zola sera pendant un temps leur soutien. Manet, touché, remercie l’écrivain en lui offrant son portrait image 8, sur lequel figure une photo en noir et blanc de l’Olympia.
Par sa modernité, l’Olympia image principale, marque les artistes de son temps et du XXe siècle. Paul Cézanne lui rend un hommage amusé en 1874 avec son tableau Une moderne Olympia image 9, à l’intérieur duquel il se représente lui-même en admirateur. Un siècle plus tard, en 1970, l’artiste américain Larry Rivers crée I like Olympia in Black Face (J’aime Olympia en Noire) ), une œuvre issue d’assemblages et de collages qui inverse la couleur de peau des personnages. Il réalise ici une œuvre engagée évoquant la ségrégation raciale aux États-Unis.
Le scandale de l'Olympia, une vidéo de l'Histoire par l'image, GrandPalaisRmn, 3mn
Ressources
Notice et commentaire de l'oeuvre sur le site web du musée d'Orsay
Une conférence de l’Institut français de la mode sur l’histoire de l’Olympia
https://www.radiofrance.fr/franceculture/la-scandaleuse-histoire-de-l-olympia-de-manet-3132840
Une étude de L’Histoire par l’image consacré au scandale de l’Olympia
Une présentation de l’exposition « Splendeurs et misères. Images de la prostitution, 1850-1910 » au musée d’Orsay (automne/hiver 2015-2016)
Un extrait du documentaire "Édouard Manet : une inquiétante étrangeté", une vidéo du musée d'Orsay, 6mn
Un épisode de l’émission Arte "Merci de ne pas toucher !" consacré à l’"Olympia", 3mn
https://www.arte.tv/fr/videos/092036-002-A/merci-de-ne-pas-toucher-gazons/
Lire "Nana" d'Émile Zola sur Gallica
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6213380z/f15.planchecontact.r
Glossaire
Aphrodite (Vénus) : Déesse de l’Amour et de la Beauté, vénérée sous le nom d’Aphrodite par les Grecs et de Vénus par les Romains. Selon Hésiode, la déesse serait née de l’écume fécondée par les organes sexuels d’Ouranos, tranchés par son fils Cronos. Son nom est donné aux statuettes préhistoriques, caractéristiques de la culture gravettienne, réalisées en pierre ou en ivoire, représentant des femmes aux formes généreuses.
Clair-obscur : Répartition des ombres et des lumières sur une peinture, de telle sorte que les couleurs les plus sombres se juxtaposent aux plus claires et produisent un fort effet de contraste.
Impressionnisme : Courant artistique regroupant l’ensemble des artistes indépendants qui ont exposé collectivement entre 1874 et 1886. Le terme a été lancé par un critique pour tourner en dérision le tableau de Monet Impression soleil levant (1872). Les impressionnistes privilégient les sujets tirés de la vie moderne et la peinture de plein air.
Odalisque : Femme de harem.
Peinture d’histoire : Genre pictural majeur représentant des scènes inspirées de l’histoire, de la religion, de la mythologie ou de la littérature.
Perspective : Technique qui permet de représenter l’espace et les objets avec de la profondeur et des volumes sur une surface plane pour donner l’illusion de la troisième dimension.
Réalisme : Courant artistique du XIXe siècle qui privilégie une représentation non idéalisée de sujets inspirés du monde réel. Le peintre Gustave Courbet en est la figure de proue, et son tableau Un enterrement à Ornans, exposé en 1855, le premier manifeste.