Sainte Apolline Zurbarán Francisco de
Sainte Apolline
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Qui est cette élégante jeune femme ?
Une jeune femme à la beauté délicate, richement vêtue, avance vers nous image principale. Elle nous regarde. Elle tient dans une main une palme et dans l’autre une tenaille enserrant une dent détail b, indiquant qu’il s’agit là non d’un portrait de femme, mais d’une sainte martyre. Son nom détail c, inscrit en bas à gauche, l’identifie comme sainte Apolline. Cette chrétienne d’Alexandrie du IIIe siècle fut martyrisée. On lui arracha ses dents une à une, puis on la brûla vive.
Le peintre des moines
Francisco de Zurbaran est un peintre espagnol né en Estrémadure, dans le sud de l’Espagne image 6. Il se forme à Séville, en Andalousie, où il rencontre Vélasquez. Puis il revient vivre dans sa région natale mais séjourne régulièrement à Séville, qui est alors la plus grande ville du pays. Il s’y fixe en 1629. Il reçoit des commandes de tous les couvents masculins. Il peint des moines et des saints protecteurs des différents ordres religieux. Ce sont soit des compositions narratives image 1, soit des figures isolées sur fond sombre image 2. Zurbaran exprime les vertus de la vie monastique avec des formes sobres et des personnages sculpturaux. Il se fait l’interprète de la Contre-Réforme et de ses préceptes d’humilité. Notre tableau image principale est sans doute une commande du couvent San Jose de la Merced Descalza, à Séville, où Zurbaran a travaillé de 1635 à 1640. Sa carrière est avant tout celle d’un peintre de sujets religieux, mais à la demande du roi Philippe IV, il se rend à Madrid et réalise des toiles profanes pour le palais du Buen Retiro. Il obtient alors le titre de peintre du roi.
Le Caravage espagnol
On a comparé le style de Zurbaran à celui du peintre italien Caravage. Cet artiste introduit une nouvelle esthétique basée sur le naturalisme des figures, transcendé par de puissants effets d’ombre et de lumière. Zurbaran pouvait connaître ses œuvres à travers des copies et par l’intermédiaire des tableaux de Ribera, peintre espagnol vivant à Naples, l’un des plus grands interprètes du caravagisme. De nombreux peintres espagnols à la suite de Ribera poussent le clair-obscur caravagesque jusqu’au ténébrisme. Le Christ en croix image 3 de Zurbaran, conservé au musée de Chicago (1627), première œuvre datée du peintre, en offre un exemple spectaculaire : sur un fond obscur, le corps de Jésus éclairé par une lumière surnaturelle se découpe en relief telle une sculpture. Le mysticisme de Zurbaran est néanmoins bien ancré dans la réalité terrestre. Ses bodegones sont simples et bien équilibrés. Quelques objets alignés vivement éclairés se détachent sur un fond ténébreux image 4. Ces compositions à la symbolique mystérieuse dégagent un sentiment de gravité et de silence. Zurbaran reprend la spiritualité de sainte Thérèse d’Avila, à qui l’on prête cette phrase : « Dieu est parmi les casseroles. »
Entre sacré et profane
Sainte Apolline image principale est une œuvre de la maturité du peintre, à un moment où son art évolue vers un style plus décoratif. Après 1630, Zurbaran s’attache à la grâce et à la beauté féminines dans une série de figures solennelles de saintes. Elles sont représentées en pied, parées de leurs plus beaux atours. Les tableaux sont maintenant dispersés dans plusieurs musées image 5. Ces compositions associent sacré et profane avec virtuosité. Zurbaran excelle dans le rendu des étoffes, le raffinement du coloris. Sainte Apolline image principale porte un manteau vert attaché à son cou par une broche détail b. Un tablier rose recouvre en partie sa robe de satin couleur jonquille. Une ceinture blanche est nouée à sa taille détail b. Le visage impassible de la sainte et son costume contemporain somptueux contrastent avec l’instrument de torture qu’elle tient à la main. Le peintre évite de nous montrer le sang versé et la souffrance. Il préfère exalter la glorification de la jeune martyre, accueillie triomphalement au paradis en tenue d’apparat. Zurbaran est proche de l’esprit baroque en cherchant à séduire le fidèle avec le merveilleux et la théâtralité. Son style en reste cependant éloigné par la sobriété. Il privilégie l’intensité méditative dans des compositions épurées et statiques. À la fin de sa carrière, Zurbaran renouvelle un peu sa manière. Sa popularité décroît au profit de celle de son rival Murillo. C’est au XIXe siècle que les Français le découvrent et qu’il prend le statut d’artiste emblématique de la dévotion du Siècle d’or espagnol.
Colette Féraudet
Permalien : https://panoramadelart.com/analyse/sainte-apolline
Publié le 14/09/2023
Ressources
Une biographie de l’artiste
larousse.fr/encyclopédie/personnage/Francisco-de-Zurbaran/150729
Un entretien avec Odile Delenda, historienne d’art spécialiste de Zurbaran
Une vidéo sur les grands peintres espagnols de l’époque : Andalousie acte IV : les peintres andalous : Velasquez, Zurbaran et Murillo
La notice de l'oeuvre sur le site du musée du Louvre
La notice de "Sainte Lucie" sur le site du musée de Chartres
https://www.chartres.fr/musee-beaux-arts/collection-en-ligne/detail/sainte-lucie-vers-1635-1640
Glossaire
Ténébrisme : Style de peinture où la lumière directe produit des effets contrastés. Ainsi, les volumes se détachent en pleine lumière sur les ténèbres qui les environnent.
Caravagisme : Courant artistique initié à Rome au début du XVIIe par Caravage, qui se caractérise principalement par des compositions sobres, clairement structurées, une représentation fidèle de la réalité et des effets de clair-obscur. On qualifie les peintres qui se rattachent à ce mouvement de « caravagesques ».
Art baroque : (du mot portugais « barocco »qui désigne une perle irrégulière) : Style qui se développe au XVIIe siècle en Italie, puis dans de nombreux pays européens. Parlant plus aux sentiments qu’à la raison, il privilégie l’exubérance des formes, la représentation du mouvement et les effets de surprise. Il fait appel à tous les arts dans leur ensemble.
Bodegón : Type de nature morte qui apparaît en Espagne au XVIe siècle, qui évoque ce que l’on conserve dans le garde-manger.
Nature morte : Représentation d’objets, de végétaux, de nourriture ou d’animaux sans vie.
Siècle d’or espagnol : Période de rayonnement culturel de la monarchie catholique espagnole en Europe de 1492 à 1681.