Shiva Natarâja

Shiva dansant

Auteur

Dimensions

H. 96 cm ; L. 80 cm ; Pr. : 23 cm

Provenance

Tamil Nadu, État de l'Inde du sud

Technique

Sculpture, Fonte à la cire perdue

Matériaux

Bronze

Datation

XIe siècle - Dynastie Chola (IXe -XIIIe siècle)

Lieu de conservation

France, Paris, musée Guimet, musée national des Arts asiatiques (MNAAG)

Comment était utilisée cette statue du dieu Shiva ?

Ce chef-d’œuvre de la sculpture indienne image principale, représentant Shiva roi de la danse, constitue un très bel exemple de l’art du bronze dont les artisans du sud de l’Inde avaient une exceptionnelle maîtrise à l’époque médiévale.

Danseur divin

Inscrit dans un cercle de flammes, le dieu Shiva danse, en équilibre sur son pied droit, terrassant le démon de l’ignorance image principale. Sa main supérieure droite agite le damaru, petit tambour en forme de sablier qui évoque le son créateur détail b. Sa main gauche tient une coupe dont jaillit le feu destructeur détail c. Sa main inférieure droite exécute un geste de protection, tandis que son bras gauche accompagne avec grâce le mouvement de sa jambe gauche levée détail b.

Le dieu est abondamment paré. Un serpent s’enroule autour de son poignet droit détail b et un croissant de lune orne son haut chignon. La déesse du Gange, figurée sous la forme d’une sirène aux mains jointes, apparaît dans les nattes déployées de part et d’autre de sa tête, référence à un mythe célèbre selon lequel Shiva reçut dans son chignon les eaux du fleuve céleste descendant sur la terre détail d.

La danse cosmique de Shiva

Tout dieu du panthéon hindou peut, en principe, exprimer sa joie ou sa colère par la danse. Cet art est toutefois, dans sa dimension cosmique, avant tout associé à Shiva. Les textes évoquent sept modes de danse associés aux multiples fonctions du divin, que l’iconographie distingue par le nombre de bras, la gestuelle et le positionnement des attributs dans les mains. Toutefois, un récit mis en forme tardivement en Inde du Sud, mais basé sur des éléments plus anciens, relate les circonstances de la danse représentée par les bronziers.

Voici fort longtemps, Shiva résolut de ramener à la raison un groupe d’ascètes égarés par l’orgueil. Sous la forme d’un jeune pénitent d’une grande beauté et accompagné de Vishnu, qui avait pris l’aspect d’une nymphe aux charmes ensorceleurs, il se dirigea vers leur ermitage. L’apparition du couple sema le trouble, tant parmi les ascètes que leurs épouses. Saisis de fureur en voyant ces dernières affolées de passion pour le jeune pénitent, les ascètes cherchèrent à l’anéantir. Ils allumèrent un feu sacrificiel et, usant de leurs pouvoirs, en firent jaillir de terrifiantes créatures. Lorsque fut lancé contre lui le démon de l’ignorance, Shiva se dévoila dans toute sa splendeur, écrasant son adversaire du pied pour danser sur son corps image 1. Danse violente mais également source de béatitude, car elle révèle à l’univers la vraie nature de l’Être suprême.

L’art du bronze sous la dynastie Chola

Avant le XVIe siècle, l’Inde ne fut que très rarement unifiée sous l’autorité d’un même souverain. Le pays était bien davantage une mosaïque de royaumes plus ou moins puissants, parfois rivaux, parfois alliés. Les souverains Chola, dont les origines restent obscures, affirment progressivement leur puissance sur le territoire de l’actuel Tamilnadu, dans le sud-est de la péninsule indienne, à partir du IXe siècle image 3. Amis des lettres et des arts et grands bâtisseurs, ils multiplient les fondations religieuses, notamment le temple de Tanjore image 2, précisément dédié à Shiva roi de la danse.

Les bronziers de cette époque avaient recours à la technique de la cire perdue. Un modèle exact de l’image souhaitée était réalisé dans une pâte composée de cire d’abeille, d’huile de ricin, d’encens et de noir de fumée. On y indiquait les moindres détails de physionomie, de la parure, et on y fixait également des conduits destinés à permettre le passage du métal en fusion et l’aération. Pour constituer le moule, étaient ensuite appliquées sur ce modèle plusieurs couches d’un mélange de terre fine et de balle de riz dilué à l’eau, très fluides pour les premières, puis de plus en plus épaisses. Une fois sec, le moule était soumis à un feu vif pour en évacuer la cire. Puis l’alliage métallique fondu dans un creuset était coulé dans le moule de manière à épouser les moindres détails de son relief intérieur. L’ensemble était alors laissé à refroidir. Puis le moule était brisé pour laisser apparaître l’image sur laquelle restait à opérer les finitions : élimination des restes des conduits de fonte, polissage et éventuelle application d’une dorure.

Shiva dans le panthéon hindou

Pour l’hindouisme, religion sans figure fondatrice et aux origines fort lointaines, le divin est un, mais également multiple par la diversité de ses apparences, masculines comme féminines. L’hindouisme est de ce fait qualifié de manière abusive de religion polythéiste. Au sommet du panthéon, la Trimûrti (littéralement « triple forme » du divin) personnifie les trois fonctions cosmiques fondamentales : création, protection et destruction, auxquelles correspondent respectivement les dieux Brahma, Vishnou et Shiva. Ce dernier, qui est aussi le maître du temps et de la connaissance, peut revêtir des aspects paisibles ou farouches selon les circonstances. Le temps est perçu comme cyclique dans l’hindouisme, et Shiva intervient à la fin de chaque cycle cosmique pour détruire le monde parvenu au terme de son existence. Cette destruction, loin d’être négative, est porteuse du monde à venir.

Culte et procession

Dans l’hindouisme, l’effigie divine est, une fois réalisée, l’objet d’un rite de consécration. C’est alors seulement que le dieu est considéré comme présent en elle. Dans le temple hindou, l’image de culte principale est abritée dans un sanctuaire de petite taille, rarement orné, et auquel seuls les brahmanes ont accès. Les portes du sanctuaire ne sont ouvertes que lors du darshan quotidien, au cours duquel les dévots ordinaires peuvent voir l’image sans franchir le seuil. L’icône est quotidiennement lavée, vêtue, parée, symboliquement nourrie. Cette œuvre était une image destinée à être promenée et offerte à la vue de tous lors des fêtes. Son socle présente en effet des trous qui permettaient de fixer l’œuvre sur un piédestal en temps ordinaire, mais aussi sur un brancard ou un char de procession.

Voir l'oeuvre en 3D

Véronique Crombé

Permalien : https://panoramadelart.com/analyse/shiva-nataraja

Publié le 20/10/2023

Ressources

La notice de l’œuvre sur le site web du musée national des Arts asiatiques – Guimet

https://www.guimet.fr/collections/inde/shiva-dansant/

Une vidéo sur la fabrication des bronzes à la cire perdue en Inde du Sud (en anglais)

https://www.youtube.com/watch?v=-IJoFq7Hk2s

Glossaire

Brahmanes : Terme désignant ici les prêtres desservants dans les temples hindous. Le mot désigne aussi plus largement l’une des grandes classes sociales de la société hindoue traditionnelle, la classe sacerdotale.

Dynastie Chola : Dynastie qui régna au Tamilnadu, dans le sud-est de l’Inde, du IXe au XIIIe siècle.

Darshan : Rituel quotidien dans les temples hindous, au cours duquel les fidèles sont autorisés à voir l’image du dieu abritée dans le sanctuaire auquel seuls les prêtres ont accès et à lui présenter leurs offrandes.

Hindouisme : Religion majeure de l’Inde, souvent décrite comme polythéiste en raison de la multiplicité des formes qu’y prend le divin.

Shiva : L’un des dieux majeurs de l’hindouisme. D’aspect lunaire, lié à la notion de temps et à la vie ascétique, il représente l’aspect destructeur du divin.

Trimûrti : Terme qui désigne la triple forme du divin dans l’hindouisme : Brahma, Vishnu, Shiva, correspondant respectivement aux fonctions cosmiques de création, protection et destruction.

Vishnu : L’un des dieux majeurs de l’hindouisme. D’aspect solaire, lié à la notion d’espace et à la fonction royale, il représente l’aspect protecteur du divin.

Découvrir aussi