Stèle des vautours
Stèle des vautours
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Datation
Lieu de conservation
Pourquoi cette stèle porte-t-elle le nom de Stèle des vautours ?
Cette stèle en calcaire image principale a été sculptée pendant l’Antiquité, en Mésopotamie (actuel Irak) image 5. Bien que fragmentaire, elle est à ce jour le plus ancien document historique, de grande taille et au texte amplement illustré, connu dans le monde.
La face historique
Sur une face image principale, le décor sculpté, réparti en quatre registres, montre le roi Eannatum vainqueur de la ville d’Umma image 5. Dans le registre supérieur détail b, il marche à la tête de son armée, vêtu du kaunakès et coiffé du casque royal à faux chignon typique de l’époque image 1.
Derrière lui, des soldats eux aussi casqués composent un groupe compact protégé par de grands boucliers rectangulaires : c’est la plus ancienne représentation connue d’une phalange. Ils pointent en avant leurs piques, qui s’avèrent beaucoup plus nombreuses que leurs possesseurs, et piétinent les corps d’ennemis tués au combat (figuration traditionnelle des vainqueurs). Selon l’inscription, « Eannatum frappa Umma. Il eut vite dénombré 3 600 cadavres ».
Sur un autre fragment de la stèle détail c, en haut à droite, des têtes et bras provenant des cadavres sont visibles dans les becs de vautours, d’où le nom donné à cette œuvre.
Dans le deuxième registre détail b, Eannatum conduit le défilé de la victoire. Tenant une lance et une harpé (sabre court d’apparat) image 2, il est debout dans un char sur lequel est accroché un carquois contenant des javelots. Ce type de char était répandu à l’époque image 3 ; doté de quatre roues pleines, il pouvait être tiré par des onagres (ânes de grande taille) ou des bœufs. Derrière Eannatum, ses militaires, habillés eux aussi du kaunakès, portent leurs piques relevées et la hache de guerre à l’épaule.
Le registre suivant détail d représente une cérémonie funéraire pour les guerriers morts au combat. Des soldats ont empilé leurs corps et, montés sur une échelle, les recouvrent avec la terre qu’ils apportent sur leurs têtes, dans des paniers ; le texte indique qu’Eannatum « vainquit… et entassa 20 tumulus » ; à côté et un peu plus haut, un prêtre, à la nudité rituelle, procède à une libation en versant un liquide sur les végétaux plantés dans deux grands vases. Sous ceux-ci, un taureau ligoté attend d’être sacrifié.
En haut du dernier registre est figurée une tête (celle du roi d’Umma ?) atteinte d’une lance en plein front.
L’allure des personnages est caractéristique des sculptures réalisées dans la région à l’époque. Comme sur le bas-relief d’Ur-Nanshé, ils sont dodus et vus de profil, mais avec des épaules et des yeux de face. Les têtes sont grosses, les mains petites. L’œil est grand et en forme d’amande, le nez est proéminent, busqué et pointu. Les formes sont simplifiées, la clarté de la narration étant privilégiée.
La face mythologique
L’autre face de la stèle détail e présente un homme barbu dont la très grande taille indique qu’il s’agit probablement d’un dieu. Peut-être Enlil, dieu du ciel, ou son fils Ningirsu (« Seigneur de Girsu »), dieu tutélaire de la ville de Lagash, divinité agraire et de l’orage, qui apporte la pluie bienfaisante pour les cultures. Eannatum s’identifie probablement à lui, comme le suggère le texte : « Moi, Eannatum, comme un mauvais vent d’orage, je déchaînai la tempête. » Ningirsu détail f frappe, avec une masse d’armes, la tête d’un ennemi (le roi d’Umma ?) emprisonné, avec d’autres, dans un gigantesque filet ; celui-ci est fermé par Imdugud image 4, aigle à tête de lion agrippant ici deux lions dans ses serres. Il est l’animal associé au dieu, car son battement d’ailes provoquerait l’orage et son rugissement évoquerait le bruit du tonnerre.
Ce témoignage archéologique rappelle que dans la Bible (Livre d’Ézéchiel), le filet est l’arme de Dieu qui en menace les méchants… dont il livrera les cadavres aux vautours. À gauche de Ningirsu, un autre morceau de la stèle détail g montre le visage d’une personne plus petite, également accompagnée de l’aigle léontocéphale. Les cornes sur sa coiffure sont l’attribut habituel des divinités : il s’agit peut-être de l’épouse de Ningirsu, la déesse Nanshé. Le haut de sa tête se retrouve un peu plus bas, sur un autre fragment de la stèle détail h.
Ainsi, cette face mythologique rappelle le rôle essentiel des dieux dans le triomphe du roi.
Les premiers monarques sumériens
La stèle a été découverte en Mésopotamie image 5 ; ce mot vient du grec et signifie « entre deux fleuves », allusion au Tigre et à l’Euphrate traversant la région. Vers la fin du IVe millénaire av. J.-C., le sud du pays, habité par les Sumériens, est le berceau de la première grande civilisation connue, créant la plus ancienne écriture et édifiant de nombreuses villes. Celles-ci s’organisent d’abord en Cités-États indépendantes, chacune ayant son roi. Au milieu du IIIe millénaire, Girsu (actuelle Tello) image 5 se distingue par un territoire étendu, englobant les villes voisines de Nina et de Lagash, d’où le nom général d’État de Lagash. Ce dernier est gouverné par une dynastie royale fondée vers 2500 par Ur-Nanshé, souverain représenté en train de superviser la construction d’un temple, sur le petit bas-relief évoqué ci-dessus.
La stèle a été commandée par son petit-fils, Eannatum. Trouvée à Tello, elle est gravée d’un texte en écriture cunéiforme détail g. Le roi y déclare être un prince aimé des dieux et auquel ceux-ci ont demandé d’aller combattre la cité voisine d’Umma, qui lui dispute un terrain frontalier riche en eau. La sculpture en bas-relief illustre cet affrontement. Le texte, écrit en colonnes, célèbre la victoire d’Eannatum, qui assure à l’État de Lagash la possession du terrain convoité. Il rappelle qu’à l’issue du conflit, le roi a convenu avec Umma d’une frontière définitive, sur laquelle est érigée une stèle, peut-être celle-ci : « Que jamais l’homme d’Umma ne franchisse la frontière de Ningirsu ! Qu’il n’en altère pas le talus et le fossé ! Qu’il n’en déplace pas la stèle ! S’il franchissait la frontière, que le grand filet d’Enlil, le roi du ciel et de la terre, par lequel il a prêté serment, s’abatte sur Umma ! »
Mots-clés
Sylvie Cuni-Gramont
Permalien : https://panoramadelart.com/analyse/stele-des-vautours
Publié le 06/08/2024
Ressources
La notice de l’œuvre sur le site web du Musée du Louvre
Glossaire
Kaunakès : Jupe à longues mèches imitant les poils d’animaux caractéristique de la Mésopotamie.
Sumériens : Peuple de l’Antiquité habitant le pays de Sumer, dans le sud de l’actuel Irak. À la fin du IVe millénaire av. J.-C., les Sumériens inventent l’écriture cunéiforme et fondent les premières villes, dirigées par un roi qui cumule les fonctions politique, religieuse et militaire.
Mésopotamie : « Le pays entre les fleuves ». Nom donné par les Grecs dans l’Antiquité à la plaine située entre le Tigre et l’Euphrate. Cette région correspond à l’Irak et à une partie de la Syrie actuels.
Relief : Type de sculpture en deux dimensions, dont le décor se détache en saillie sur un fond.
Cunéiforme (écriture) : Antique écriture mésopotamienne, aux caractères ressemblant à des clous ; les savants qui l’étudièrent, au XIXe siècle, l’appelèrent écriture « cunéiforme », clou se disant « cuneus » en latin.
Phalange : Dans l’Antiquité, formation de combat où les soldats forment une lourde masse s’abritant derrière des boucliers et brandissant des lances