L'Entrée du port de Marseille Vernet Joseph

L'Entrée du port de Marseille

Auteur

Dimensions

H. : 165 cm ; L. : 263 cm

Provenance

Technique

Peinture

Matériaux

Huile sur toile

Datation

1754

Lieu de conservation

France, Paris, musée du Louvre

Comment le peintre Joseph Vernet parvient-il à donner l’impression que nous pouvons nous promener dans son tableau ?

Cette grande toile montre l’entrée du port de Marseille au XVIIIe siècle image principale image 5. Elle fait partie d’une série de tableaux qui témoigne de la vie dans les ports français à cette époque, et rend hommage à la beauté des rivages de l’Hexagone. Son auteur, Joseph Vernet, s’est imposé comme l’un des grands peintres de marine avec cet ensemble.

Un port lumineux

Marseille est vue depuis la colline faisant face au port et le fermant presque. Cette hauteur est alors appelée la « Tête de More », le mot « more » provenant peut-être du terme « môle ». Napoléon III y fera édifier le palais du Pharo.

Dans une lumière matinale, la rade est montrée largement, selon un parti pris panoramique. Le vaste ciel et les premiers plans ombrés de ce paysage maritime rappellent certains tableaux hollandais du XVIIe siècle image 1. Le peintre retranscrit de manière précise l’architecture de la ville et met en valeur ses principaux édifices. Le port est encadré par les fortins d’avant-port commandés par Louis XIV à la suite d’une rébellion de la cité (et donc dotés de canons tournés vers la ville !). À gauche se détache l’ensemble couleur rosée du fort Saint-Jean, avec sa Tour du fanal (tour de guet) et son rempart aboutissant à la Tour carrée « du roi René » (demandée au milieu du XVe siècle par le roi René d’Anjou, comte de Provence) détail b. À droite, le vaste ensemble du fort Saint-Nicolas s’étage sur la colline détail c. Derrière le fort Saint-Jean, le spectateur distingue la partie la plus ancienne de la cité, quartier de pêcheurs (actuel « Panier »), avec le clocher polygonal de l’église Saint-Laurent, et des moulins aujourd’hui disparus détail b.

Au fond du bassin se dressent, dans la brume, les pavillons (1685) de l’ancien arsenal des galères (XVIe siècle) détail d. Sur la droite, la rive sud du port est occupée par des bâtiments de l’arsenal et des couvents. Au sommet de la colline se trouve un fortin destiné à la surveillance de la rade. Il avait été bâti, au XVIe siècle, autour de la petite chapelle médiévale de Notre-Dame-de-la-Garde (ensemble reconstruit sous le Second Empire et devenu la basilique emblématique de la ville). Ce paysage est animé par une multitude de bateaux et de personnages.

Une grande série française

Peintre d’origine provençale, Joseph Vernet image 2 se forme en partie à Rome où il séjourne dix-neuf ans ; il y étudie les tableaux de paysages réalisés au XVIIe siècle par des compatriotes installés en Italie, Nicolas Poussin et Claude Gellée, dit le Lorrain, un des premiers artistes de l’Hexagone à se passionner pour les vues maritimes image 3.

En 1753, alors que Vernet vient d’être reçu à l’Académie royale de peinture, de Marigny, directeur général des Bâtiments du roi et frère de Madame de Pompadour (favorite de Louis XV), lui commande pour le roi une série de 24 tableaux représentant différents ports de France. Seulement 15 seront réalisés. Le peintre doit respecter des instructions précises. Il doit notamment montrer, dans les premiers plans, les activités spécifiques à la région, reflets de la richesse et de la grandeur de la France. L’artiste prépare soigneusement la série, étudiant les cartes géographiques et les plans du Dépôt de la Marine ; puis, sur place, il note les principaux bâtiments, les personnages et détails pittoresques. De 1753 à 1765, il se rend dans 10 ports : Marseille, Bandol, Toulon, Antibes, Sète, Bordeaux, Bayonne, La Rochelle, Rochefort et Dieppe image 5, où il peint 15 grandes toiles, toutes de mêmes dimensions. Certains ports sont représentés deux ou trois fois.

Vernet commence la série avec Marseille, alors premier port de commerce français. La cité détient le monopole des échanges en Méditerranée et s’ouvre aussi, à cette époque, sur l’océan et le commerce avec les Antilles. L’artiste peint les deux toiles imposées par le programme, l’une représentant l’entrée du port et l’autre l’intérieur image 4. Pour réaliser ce travail, il emménage dans la ville avec sa famille et y demeure un an.

Une vue pittoresque de la vie marseillaise

À l’avant, sur la berge de la Tête de More, le peintre représente de très nombreux personnages détail e détail f. Parmi eux, Vernet lui-même est assis à gauche, en train de dessiner, à côté de son fils. Son épouse, Virginie, en robe jaune, leur présente Annibal Camoux, célèbre pêcheur marseillais de l’époque détail f. Non loin d’elle, sur la gauche, des hommes ôtent leurs vêtements pour se baigner détail f. Sur un petit promontoire, un homme élégant, accompagné de deux dames, observe à la longue-vue les grands vaisseaux évoluant dans la passe détail f : un imposant navire de commerce, pourvu de canons, quitte le port, remorqué par deux chaloupes à rameurs, alors qu’un trois-mâts va y entrer, tiré par une tartane (voilier typiquement méditerranéen) détail g. Tout près, un groupe pique-nique sur les rochers détail f.

D’autres personnages aussi variés occupent la partie droite du tableau : un couple se promenant, des gens de mer (à bonnet rouge caractéristique) et des dames dansant la gavotte au son de tambourins détail e ; elles sont vêtues d’indiennes colorées, tissu de coton peint, d’abord importé des Indes, puis produit en Europe du XVIIe au XIXe siècle, en particulier à Marseille. À droite, deux Turcs assis sur les rochers et fumant leurs longues pipes détail h, évoquent les relations privilégiées entre la cité phocéenne et l’empire ottoman. La série remporte un tel succès qu’elle est gravée dès la fin des années 1750.

En 1757, dans un texte élogieux intitulé La Promenade Vernet, Diderot commente sept de ces toiles imaginant qu’il se promène dans ces paysages portuaires. À la Révolution, celles-ci font partie des premières peintures exposées dans le nouveau « Muséum central des arts », futur musée du Louvre. En 1943, 13 tableaux sont envoyés au musée de la Marine, mais L’Entrée du port de Marseille et La Ville et la rade de Toulon resteront au Louvre.

Les ports au XVIIIe siècle, la série des Ports de France de Joseph Vernet, une vidéo de l'Histoire par l'image, GrandPalaisRmn

Sylvie Cuni-Gramont

Permalien : https://panoramadelart.com/analyse/lentree-du-port-de-marseille

Publié le 21/02/2025

Ressources

La notice de l’œuvre sur le site web du Musée du Louvre

https://collections.louvre.fr/ark:/53355/cl010061989

"Joseph Vernet : les ports de France en majesté", podcast de Canal Académies (Institut de France), 28 mn

https://www.canalacademies.com/emissions/carrefour-des-arts/joseph-vernet-les-ports-de-france-en-majeste

"Les ports au XVIIIe siècle", une étude de l'Histoire par l'image

https://histoire-image.org/etudes/ports-xviiie-siecle

"L'Intérieur du port de Marseille", une étude sur le Musée de la Marine

https://www.musee-marine.fr/nos-musees/paris/collections/oeuvres-phares/linterieur-du-port-de-marseille.html

La restauration de la série des "Ports de France" de Joseph Vernet au C2RMF

https://c2rmf.fr/actualite/les-13-vues-des-ports-de-france-de-vernet-restauration

Glossaire

Empire ottoman : Empire turc fondé par Osman Ier à la fin du XIIIe siècle et qui connut une grande expansion entre le XVe et le XVIIe (à l’ouest jusqu’au Maghreb, au nord jusqu’à la Hongrie, à l’est jusqu’en Iran et au sud jusqu’en Érythrée). Il fut démantelé après la Première Guerre mondiale.

Marine : Peinture à sujet maritime qui se développe à partir du XVIIe siècle dans la peinture occidentale.