Héraclès domptant le taureau de Crète Maître d’Olympie

Héraclès domptant le taureau de Crète

Envoi de Rome d’un ancien pensionnaire de quatrième année en architecture de l’Académie de France

Dimensions

H. 114 cm ; L. 152 cm

Provenance

Grèce, Olympie, temple de Zeus

Technique

Haut-relief

Matériaux

Marbre blanc

Datation

Vers 460 av. J.-C.

Lieu de conservation

France, Paris, musée du Louvre

Quel rapport entre Héraclès, Zeus et les Jeux olympiques ?

Ce panneau de marbre sculpté image a, sur lequel s'affrontent un homme et un taureau, est l'une des douze métopes qui décoraient le temple de Zeus construit à Olympie, en Grèce, dans les années 470-460 av. J.-C. Il s'agit d'un des plus beaux exemples conservés du style sévère, qui marque le début du classicisme grec (490-328 av. J.-C.).

Offerte à la France par la Grèce en 1829, la métope est conservée depuis 1830 au musée du Louvre, avec d'autres fragments du décor sculpté du temple.

Les premiers pas de l'archéologie en Grèce

En 1829, la France envoie une mission scientifique pendant l'expédition militaire de Morée, ancien nom du Péloponnèse. À Olympie, les savants fouillent à l'emplacement du temple de Zeus et trouvent, sous plusieurs mètres d'alluvions déposées par le fleuve Alphée et la rivière Kladéos, des fragments de sculptures image a image 1 image 2. Le jeune État grec en fait cadeau à la France en remerciement de l'aide apportée durant la guerre d'indépendance contre l'Empire ottoman.

Le sanctuaire d'Olympie

Le sanctuaire de Zeus à Olympie est le plus prestigieux du Péloponnèse c'est un sanctuaire panhellénique, où se rassemblent tous les Grecs. Le site est ancien, et les nombreuses offrandes retrouvées image 3 témoignent de son importance dès le VIIIe siècle av. J.-C. Selon la tradition, à partir de 776 av. J.-C., les visiteurs venus de tout le monde grec s'y retrouvent tous les quatre ans pour participer à des concours sportifs dans le cadre de célébrations religieuses organisées en l'honneur de Zeus. Le temple consacré à ce dernier, aujourd'hui détruit image 4, est construit entre 472 et 456 av. J.-C. par l'architecte Libon d'Élis. Ce majestueux temple dorique servait d'écrin à la statue chryséléphantine du roi des dieux, une œuvre de Phidias considérée comme l'une des Sept Merveilles du monde, statue aujourd'hui disparue.

Héraclès, le fondateur des concours sportifs

Les Grecs plaçaient deux grands mythes fondateurs à l'origine des Jeux d'Olympie.

Le premier raconte la course de chars qui avait opposé Pélops et son futur beau-père Oenomaos. La préparation de la course était représentée sur le fronton est du temple, au-dessus de l'entrée principale image 5.

Le second met en scène le héros Héraclès, qui aurait institué les concours pour remercier son père Zeus de l'avoir aidé à détourner le cours du fleuve Alphée pour nettoyer les écuries d'Augias. Les douze métopes situées au-dessus des colonnes du temple représentaient les fameux Douze Travaux pour évoquer l'action civilisatrice du héros. Ses combats contre des monstres illustraient en effet la lutte de l'ordre contre le désordre.

Un chef-d'œuvre de la sculpture grecque du style sévère

Lors de l'un de ses exploits, Héraclès doit capturer un taureau sauvage qui dévaste la Crète et le ramener à son cousin Eurysthée, roi d'Argos. La composition de la métope qui représente ce combat est claire image a. Les deux figures s'inscrivent sur les diagonales du bloc rectangulaire. Projeté en avant, le corps du héros est sculpté en très haut relief. Bien que les bras aient aujourd'hui disparu, le traitement de la musculature du torse permet de se faire une idée du mouvement : sur son côté droit, les muscles sont étirés car Héraclès lève haut le bras droit, s'apprêtant à assommer le taureau avec une massue mais ils se contractent sur son flanc gauche pour tendre la corde qui maintient l'animal.

Cette représentation du mouvement, à la fois savante et un peu emphatique, est une des caractéristiques du style sévère, au début du classicisme. Celui-ci se caractérise aussi par une certaine gravité altière des visages, visible dans la tête bien conservée de la déesse Athéna représentée dans la scène des oiseaux du lac Stymphale image 1. Sur cette métope, Héraclès offre en hommage à la déesse les oiseaux monstrueux tués sur les rives du lac. La figure d'Athéna est peu conforme à la tradition : le sculpteur ne représente pas la déesse en armes, mais sous les traits d'une jeune fille assise sur un rocher, les pieds nus, attentive au héros. La simplification du traitement de sa tunique confère au drapé un mélange de délicatesse et d'austérité. Certains détails, comme la plante du pied légèrement décollée du sol, sont d'une rare originalité.

De la pierre, de la couleur et du métal

Les sculptures du temple de Zeus étaient peintes. Mais il ne subsiste de la polychromie d'origine qui avivait le marbre que de rares traces de rouge sous le ventre du taureau.

En outre, des éléments métalliques aujourd'hui disparus étaient fixés sur la pierre, par exemple l'oiseau que devait tenir la déesse Athéna sur la métope du lac Stymphale. Couleur et métal doré rendaient les sculptures plus lisibles, celles-ci étant placées très haut et dans l'ombre, sous la colonnade du temple.

Le nom de l'auteur de ces œuvres exceptionnelles reste malheureusement inconnu. À la tête d'un important atelier et aujourd'hui surnommé le Maître d'Olympie, il appartient à la génération des sculpteurs grecs qui, au début du classicisme, abandonnent les conventions de l'archaïsme pour aller vers plus de mimesis, cette représentation de la réalité que recherchent les artistes grecs.

Hélène Bordier

Permalien : https://panoramadelart.com/analyse/heracles-domptant-le-taureau-de-crete

Publié le 12/03/2019

Ressources

Le sanctuaire d’Olympie sur le site de l’Unesco

https://whc.unesco.org/fr/list/517

Le site du musée d’Olympie (en grec et en anglais)

http://odysseus.culture.gr/h/1/eh151.jsp?obj_id=7126

Texte du Périégèse de Pausanias faisant la description du sanctuaire et du temple de Zeus à Olympie, la plus précise datant de l’Antiquité (livre V [Élide], chapitre X)

http://remacle.org/bloodwolf/erudits/pausanias/elide1.htm#X

Glossaire

Péloponnèse : Grande péninsule du Sud de la Grèce.

Métope : Dans l’architecture grecque d’ordre dorique, la métope est un élément de la frise. Sculptée en bas-relief ou laissée lisse, elle est placée entre deux triglyphes.

Période classique : Période englobant les Ve et IVe siècles av. J.-C., qui voit naître en Grèce des innovations décisives dans les arts. En sculpture, de grands artistes comme Polyclète, Praxitèle ou Lysippe travaillent sur la représentation du corps en mouvement dans l’espace. Leurs œuvres seront des modèles suivis durant la période hellénistique et dans l’art romain.

Empire ottoman : Empire turc fondé par Osman Ier à la fin du XIIIe siècle et qui connut une grande expansion entre le XVe et le XVIIe (à l’ouest jusqu’au Maghreb, au nord jusqu’à la Hongrie, à l’est jusqu’en Iran et au sud jusqu’en Érythrée). Il fut démantelé après la Première Guerre mondiale.

Ordre dorique : Ordre architectural, le plus ancien et le plus simple de la Grèce antique. Il se caractérise par une colonne cannelée à arêtes vives, sans base, un chapiteau nu et une frise alternant métopes (plaques) et triglyphes (trois bandes verticales en relief).

Fronton : Élément architectural, de forme généralement triangulaire, qui couronne un édifice ou une de ses parties.

Héros : Dans la Grèce antique, personnage le plus souvent issu de l’union d’une divinité et d’un mortel auquel on prête des aventures exceptionnelles. Associé à la vie locale, un culte est rendu sur son tombeau.

Haut-relief : Type de relief dans lequel les figures se détachent fortement du fond, à la différence du bas-relief.

Polychromie : Procédé qui consiste à appliquer différentes couleurs sur  une œuvre d’art ou un monument, ou à utiliser des matériaux colorés pour sa réalisation.

Mimesis : Mot grec désignant la recherche de l’imitation du réel.

Jupiter : Roi des dieux pour les Romains, vénéré sous le nom de Zeus par les Grecs.

Chryséléphantine : Adjectif tiré du grec qui qualifie une sculpture faite d’or et d’ivoire.